La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
À l'affiche

"Blanche Neige" mélange les langages artistiques pour réunir autistes et artistes sur un air de liberté

8e Festival du Futur Composé, Le Monfort Théâtre, Paris

Pour sa huitième édition, le Festival du Futur Composé revient sur la scène du Monfort en réunissant autistes et artistes dans une version revisitée du conte des frères Grimm : "Blanche Neige". Sur les bases de la fable initiale, Gilles Roland-Manuel - auteur et médecin - concocte une comédie musicale généreuse et bourrée d'énergie où chacun trouve sa place et donne le meilleur de lui-même dans la gamme de ses possibles mais avec un enthousiasme communicatif.



Photo de répétition © Gil Chauveau.
Photo de répétition © Gil Chauveau.
Mettre en scène un conte de fées joué par des comédiens dont certains sont réputés normaux, d’autres autistes ou présentant divers handicaps, certains amateurs, d’autres professionnels, le pari est certes audacieux mais pas irréalisable. Et ce défi est de ceux que relèvent depuis quatorze ans l'association "Le Futur Composé" et dont la réalisation finalisée est présentée dans le cadre de son festival (tous les deux ans).

Pour ce nouveau spectacle, on doit l'adaptation du conte des frères Grimm à Gilles Roland-Manuel, auteur, médecin et président de l'association Futur Composé. En tant que psychiatre, il connaît chaque musicien et chaque comédien handicapé et a donc pu élaborer une œuvre "sur mesure", c'est à dire à la mesure de chacun d'entre-eux.

La création est rendu possible grâce à plus d'une année de travail préalable des jeunes
handicapés dans les institutions où ils sont accueillis quotidiennement par des équipes spécialisées très dévouées. À ces équipes et aux "futurs" jeunes comédiens s'associent, pour la circonstance, des artistes et quelques stars du spectacle, particulièrement motivés, réunis par le Futur Composé. Ainsi tous ensemble, ils se retrouveront pendant plus d'un an chaque semaine dans des ateliers de répétitions.

Photo de répétition © Gil Chauveau.
Photo de répétition © Gil Chauveau.
La version que nous propose Gilles Roland Manuel de "Blanche Neige" est empreinte de modernité et d'une grande liberté... Liberté de propos mais surtout liberté bienvenue du statut de la femme... Car "Blanche Neige est aussi une femme ! Ici, elle n’a rien d‘une mijaurée : elle regarde les hommes, affirme son indépendance et revendique clairement son désir de femme. En un mot elle n’a pas froid aux yeux.

"Le roi est vieux et fatigué. La cour est traversée par l'outrance et les dérèglements les plus extrêmes, puisque l'ordre s’affaiblit. Ainsi la reine flirt ouvertement avec un beau chasseur. La cour offre le spectacle désolant d'une faune étrange, décadente et consanguine. En contrepoint, les animaux de la forêt qui recueillent Blanche Neige, après que le chasseur l'ait abandonnée, les étranges moines qui font office de nains, les paysans aux trognes étranges tout droit sortis d’un tableau de Brueghel, tout cela nous paraît d'une humanité bien plus forte, pétillante et fraîche.

"La musique baroque, constamment présente, est là nécessaire dans son sens étymologique puisque le mot baroque vient vraisemblablement du portugais barroco qui désigne des perles de forme irrégulière. Comment pourrait-on donner meilleure définition de ce que peut être un art brut au théâtre ? Le conte est là pour nous rappeler que l'humanité est un bien commun qui peut se cacher sous des apparences extrêmement diverses, des plus convenues jusqu'aux plus cabossées.

"Blanche Neige est porte-parole d'un désir libre et incandescent qui tolère toutes les formes d'existence, de la plus humble à la plus brillante, pourvu que la loyauté et le partage soient toujours de mise. C'est ce qui l'amène à combattre la jalousie de la sorcière comme la fatuité et l'avidité du prince.

"Mais chut, n'en disons pas trop pour ne pas révéler les secrets de cette Blanche Neige atypique !"
Olivier Couder, metteur en scène.

"Blanche Neige"

Photo de répétition © Gil Chauveau.
Photo de répétition © Gil Chauveau.
"Blanche Neige"
Comédie musicale de Gilles Roland-Manuel.
Musique : Haendel, Purcell, Vivaldi.
Mise en scène : Olivier Couder.
Assistante à la mise en scène : Cécile Sanz de Alba.
Chorégraphie danse : Kaori Ito.
Chorégraphie aérienne Seiline Vallée.
Dans le rôle de Blanche Neige : Delphine Jungman.
Dans le rôle de la Sorcière : Patricia Zehme.
Dans le rôle du Prince : Jody Étienne.
Dans le rôle du Chasseur : Frédéric Payen.
Dans le rôle du père supérieur : Nathanaël Favory.
Dans le rôle du Roi : Stiva Michaux Paterno.
Avec les comédiens du Théâtre du Cristal : Yoram Gué, Trang Lam, Marie Colin, Stéphane Guérin, Frédéric Payen, Nathanaël Favory, Thomas Caspar, Christelle Journet, Coralie Moreau, Stéphane Brunier, Nadia Sadji, Léonie Tisserand et Clément Langlais, Stiva Michaux Paterno.
Avec de nombreux artistes autistes et la participation de dix établissements spécialisés.

Du 24 au 29 juin 2014.
Du mardi au samedi à 20 h 30 (relâche le jeudi), dimanche à 16 h.
Le Monfort Théâtre, Paris 15e, 01 56 08 33 88.
>> lemonfort.fr

Gil Chauveau
Mardi 24 Juin 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024