La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Black Mountain" Polar psychologique théâtral tout terrain !

Polar tendu sur la trahison et le pardon, entre thriller d'horreur et dissection psychologique d'un rapport humain… Entre Rebecca et Paul… Lui a trahi, ils veulent faire le point, mais la tension monte… "Je pense que je veux que tu aies mal. Je suis désolé mais c'est ce que je veux. Je veux que tu aies réellement mal."



© Caroline Ablain.
© Caroline Ablain.
Rebecca et Paul se sont isolés dans une cabane à la montagne… pour tenter de sauver leur couple, pour faire le point après une trahison encore ardente. À moins que l’un des deux ait d’autres projets en tête. Ils ont décidé de se retrouver seuls, à l’écart du monde, de s’offrir du temps et de l’espace pour être honnêtes et s’écouter. À moins qu’ils ne soient pas seuls.

Après "Nature morte dans un fossé", précédent succès du groupe Vertigo, "Black Mountain" de Brad Birch est dans la même lignée, un spectacle noir mais non dénué d'humour, avec suspense et ambiances légèrement horrifiques… dans une forme légère pour s'adapter à toutes types de lieux.

Ici, Guillaume Doucet, Bérangère Notta et Alice Vannier du groupe Vertigo ont respecté les volontés (didascalies) de l'auteur en matière de scénographie. Ainsi on découvre un décor minimaliste avec pour seule structure délimitant l'espace un cube composé de ses seules arêtes (sans parois), mais matérialisé en fond par un mur de planches de bois simplement percé d'une fenêtre rectangulaire avec un rideau noir, seul élément composé, concret, suggérant la cuisine.

© Caroline Ablain.
© Caroline Ablain.
Ne voulant pas divulgâcher l'intrigue, je ne peux pas vous narrer le déroulement de cette pièce… mais sachez qu'il y a une maison dans la montagne au milieu des sapins, un oiseau mort, une douche qui coule, une hache qui disparaît… Autant de clins d’œil aux maîtres du suspens, de l'intrigue, comme Alfred Hitchcock, Michael Haneke, Stephen King ou David Lynch.

Tout est suggéré, se déroulant dans ce simple cube en bois. C'est en réalité le jeu des trois comédiens qui concrétise, donne la consistance à cette histoire qui pourrait sembler être qu'une simple dispute de couple à la suite d'une trahison conjugale, de l'un, des deux... Qui sait ! Mais sont-ils vraiment là pour se réconcilier ? Ou les dés sont-ils pipés d'avance ? Chacun sera à même de se faire sa propre opinion.

La mise en scène, la scénographie jouent la proximité avec les spectateurs, proche de la réalité du moment vécu. Le choix du décor, la direction d'acteurs et la mise en espace permettent une adaptation à différents lieux hors du cadre d'un théâtre conventionnel ou de lieux culturels limités au plateau. Les représentations dans des environnements variés, populaires ou symboliques - café, cantine universitaire, médiathèque, place centrale d'un quartier, etc. - peuvent interpeller des publics non coutumiers de la sphère "théâtre et culture" officielle !

© Caroline Ablain.
© Caroline Ablain.
Ce concept "hors les murs" prend, avec "Black Mountain", un sens complémentaire du fait même de son genre "thriller psychologique". Ce dernier, style classé littérature populaire, est sans aucun doute apprécié par des personnes pensant souvent que le théâtre ne s'adresse qu'aux gens "cultivés"… Elles sont donc peu enclines en général à entrer spontanément dans un théâtre. Le travail du groupe Vertigo peut ainsi se définir par une démarche visant à faire venir dans l'espace théâtral des personnes qui n'y vont pas habituellement, mais qui sont attirées ici par la forme du thriller. Thriller et hors les murs : deux façons réunies pour amener, attirer, un public vers l'expression dramatique.

Et cela marche… Après l'avoir démontré avec leur précédente création (plus de 130 dates), Bérengère Notta, Alice Vannier et Guillaume Doucet démontrent avec succès leurs capacités à occuper l'espace public et/ou urbain en proposant un spectacle de qualité, exigeant, ne tombant pas dans la facilité et emmenant les spectateurs dans une narration les prenant à bras le corps, comme témoin d'une possible, vraisemblable et inquiétante réalité !

Vu à La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc, le 12 octobre 2019.

"Black Mountain"

© Caroline Ablain.
© Caroline Ablain.
Texte : Brad Birch.
Traduction : Guillaume Doucet.
Mise en scène, régie et jeu : Guillaume Doucet, Bérangère Notta, Alice Vannier.
Regard extérieur : Gaëlle Héraut.
Production Le groupe Vertigo.
Coproduction La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc.
Durée : 1 h 30.
À partir de 14 ans.

>> Groupe Vertigo

A été représenté à Saint-Brieuc (22) du 8 au 12 octobre 2019 dans différents lieux.

Tournée 2020

© Caroline Ablain.
© Caroline Ablain.
30 et 31 janvier 2020 : Médiathèque de Domloup en partenariat avec L'Intervalle, Noyal-sur-Vilaine (35).
11 au 15 février 2020 : Centre culturel Athéna, Auray (56).
19 au 23 mai 2020 : Dieppe Scène Nationale, Dieppe (76).
Tournée 2020-2021 en construction…

Dominique Debeauvais
Jeudi 7 Novembre 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024