La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Avignon Off 2015 "Lapidée"… il était une fois de trop au Yémen…

Avignon Off 2015 "Lapidée"… il était une fois de trop au Yémen…

L'auteur et metteur en scène Jean Chollet-Naguel présente une pièce politique autour de l'extrémisme religieux. Dans ces temps de trouble, le pari, presque un défi, est courageux... Et celui-ci est très bien incarné par des comédiens qui réussissent, dans le temps privilégié de la représentation théâtrale, à nous transporter au Yémen, dans son contexte social et religieux.



© Gravelaine.
© Gravelaine.
Une douce musique orientale débute le spectacle avec la voix off de Roland Giraud... Il présente, grâce un très beau texte poétique, le Yémen où l'on devine, où l'on imagine sans peine de beaux paysages.

Il s'agit ici d'une histoire d'amour entre un Yéménite (Abdul) et une Néerlandaise (Aneke) décidant d'aller vivre au Yémen. Après un mariage et deux enfants, les pressions familiales et sociales amènent Abdul à prendre une seconde femme, qu'Aneke désavoue publiquement. Autour de pressions familiales dans lesquelles Aneke refuse de se laisser enfermer, Abdul radicalise ses positions et ses comportements.

Le jeu (très physique) des comédiens est très bien articulé dans des axes autant corporels que verbaux. C'est aussi une violence vécue intérieurement qui est exprimée par une femme trahie dans son amour et bafouée dans sa dignité. Enfermée, violentée puis lapidée, elle se retrouve dans une dynamique de la violence où celle-ci, de privée (celle d'un mari) devient sociale et publique (celle d'un pays). À la fin du spectacle, une dénonciation est faite des douze pays coupables aujourd'hui de la pratique de la lapidation des femmes.

© Gravelaine.
© Gravelaine.
L'interprétation est à la hauteur d'un texte bien écrit et d'une vraie densité dramatique. Des éclairages sont faits sur l'Islam bien qu'il manque une mise en perspective historique de cette religion qui aurait apporté des indications précieuses sur les différentes attitudes et pratiques dans la vie de cette population yéménite. Le fait de représenter cette pièce reste un acte courageux de dénonciation qui peut être lu, du fait du contexte politique actuel, de différentes façons même si l'intention de l'auteur se situe plus du côté de la dénonciation l'extrémisme religieux.

L'atmosphère est intimiste entre les deux femmes. Les scènes se déroulent essentiellement dans la pièce où est enfermée Aneke. Autre atmosphère avec son mari, Abdul, où ses propos et ses comportements fluctuent suivant les situations. Nous sommes à cheval entre deux attitudes, douce et violente, deux postures, frontale et de connivence, deux états d'âme, combatif ou désespéré. Les actions se déroulent sous fond de violence et d'intimité, de confiance et de trahison.

© Gravelaine.
© Gravelaine.
Le jeu est très corporel et c'est par le corps que parle la souffrance physique et psychique d'Aneke. La lapidation est symbolisée à la fin de la pièce par un lancer de pierres suivi d'un cri puis d'un son assourdissant. Ce son si particulier participe à l'établissement de cette trame brutale, terrible. C'est une montée en charge qui apparaît au début de la pièce et qui finit par la mort d'une femme. Il y a toutefois quelques touches d'humour de la part de Nouria, la sœur d'Abdul et la confidente d'Aneke.

La pièce est politique. Avec "Lapidée", Jean Chollet-Naguel montre de manière intelligente le visage social de l'extrémisme. Il reste à espérer que les spectateurs en aient clairement conscience et ne prennent pas de raccourcis au sujet de l'Islam et du Yémen ! Mais là... Confiance leur est faite !

"Lapidée"

© Gravelaine.
© Gravelaine.
Théâtre. À partir de 16 ans.
Texte : Jean Chollet-Naguel.
Mise en scène : Jean Chollet-Naguel.
Voix off : Roland Giraud.
Avec : Nathalie Pfeiffer, Pauline Klaus, Karim Bouziouane.
Durée : 1 h 15.

Du 3 au 25 juillet 2015.
Tous les jours à 12 h 50.
Théâtre "Au coin de la lune", 24, rue Buffon, Avignon, 04 90 39 87 29.
>> procreart-avignon.fr

Safidin Alouache
Mardi 14 Juillet 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024