La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2017

•Avignon Off 2017• Entre Occident et Moyen-Orient… Un voyage initiatique lumineux

"Littoral", Espace Saint-Martial, Avignon

Lumineux et qui éclaire sur les béances creusées au ventre de la jeunesse d’aujourd’hui. Elle, la jeunesse, convulsivement happée par l’esprit de profit, de profiter et de faire proliférer ses désirs, ses possessions matérielles et ses pouvoirs, bonheur exclusif tant vanté par le libéralisme mondial, une jeunesse qui se retrouve soudain en manque de spiritualité, de transmission, de socle.



© DR.
© DR.
Wajdi Mouawad raconte souvent la même histoire mais il la raconte bien.
La trame de "Littoral" serait longue à écrire et cela serait perte de temps pour une pièce déjà quasiment rentrée au répertoire. Écrite il y a près de vingt ans, elle a aujourd’hui, avec l’évolution des effrois du monde, atteint sa majorité. Et l’on saisit soudain sans aucun filtre, dans la délicate mise en scène de Stéphanie Dussine, l’étendue et la force que cette pièce porte, clame et montre. Car elle puise à part égale dans l’intime, l’actuel éphémère et dans l’antique, l’éternel.

Fictions et réalités se télescopent sur scène. Intime et universalité tentent d’écrire un nouveau monde. Et l’on s’embarque sans aucun temps mort dans l’histoire de Wilfrid qui se donne soudain la mission de rendre à son père quasi inconnu, les honneurs d’une digne sépulture.

Aucun temps mort car le spectacle est une succession d’instantanés, de scènes vives, une épopée moderne entre le nouveau et l’ancien monde, entre générations, entre cavalcades par-dessus les océans pour trouver finalement une humanité capable à la fois de rire, de regarder la peur en face et d’aller créer une nouvelle façon d’être libre et d’être enraciné ailleurs. Un nouveau monde. Un nouvel idéal. Soudain ce sont les nuits debout qui viennent à l’esprit.

Le génial, le savoureux, la poétique de ce spectacle est qu’il est construit sur une véritable floraison de personnalités, d’énergies et de caractères qui nous semblent proches. Ce kaléidoscope de personnages de rêves, de personnages de l’au-delà, de personnages fantasmés, de personnages clonés sur des mythes et de personnages du quotidien réussit à faire chanter sur le plateau un texte qui nous emporte, nous touche, nous émeut et nous fait sentir citoyens.

© DR.
© DR.
C’est une gerbe d’intelligence et de sensible avec une simplicité dans le jeu et dans les enjeux qui donne encore plus de valeur au spectacle.

Moderne, compréhensible immédiatement, visuelle, la mise en scène de Stéphanie Dussine utilise les projections vidéo pour évoquer ce voyage autant spirituel que géographique. L’onirique devient alors réalité au plateau. Les dimensions de celui-ci s’élargissent au fur et à mesure que l’horizon du héros grandit. Le dialogue existe aussi avec l’inerte, avec le rêve, avec le passé. Car tout l’art mis en œuvre ici est de projeter le spectateur dans l’esprit tourbillonnant et imaginatif de Wilfrid, et de partager ainsi sa quête de réalité, et son passage à l’état d’homme et à l’état d’espoir.

Maintenant, toujours trop tard, parlons des interprètes de ces multiples rôles. Parlons de l’osmose qui existe entre ces interprètes. Et des différences dans chacun de leurs caractères, de leurs corps qui enrichissent encore le foisonnement humain que cette pièce porte. Un véritable travail, humble, riche, fort se lit dans chaque scène interprétée. Un investissement généreux qui transpire dans toute la pièce. Et c’est aussi cette intégrité dans le jeu de toute cette belle distribution qui rend tout à coup crédible même les folies de l’histoire et apporte l’émotion et l’attente.

C’est nourri, et légèrement heureux que l’on ressort de ce spectacle à la fois exigeant et accessible.

Vous passez à Avignon, quel que soit votre âge, allez le voir.

"Littoral"

Texte : Wajdi Mouawad.
Mise en scène : Stéphanie Dussine.
Avec : Maxime Berdougo, Geoffrey Couët, Fabrice Delorme, Anne Laure Denoyel, Stéphanie Dussine, Olivier Hamel, Thibaud Lemoine, Sébastien Ventura.
Scénographie : Lucas Thébault.
Création vidéo : Yoann Galiotto et Loïc Hermelin.
Musique : Le spleen en cavale.
Costumes : Catherine Tousverts et Esther Dubus.
Comédiens vidéo : Justine Assaf, Antoine Hirel et Hugo Rabussier.
Par la Compagnie Esbaudie.
Durée : 1 h 30.

•Avignon Off 2017•
Du 7 au 30 juillet 2017.
Tous les jours à (relâche le 19)
Espace Saint Martial, Salle 1,
2 rue Jean-Henri Fabre, Avignon.
Réservations : 04 86 34 52 24/06 14 22 92 38.
>> saint-martial.org

Bruno Fougniès
Mardi 27 Juin 2017

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024