La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

"Les Caprices de Marianne", une œuvre pour quinze opéras et deux jeunes troupes

Le Centre Français de Promotion Lyrique donne sa chance à de jeunes chanteurs et à une œuvre injustement oubliée : "Les Caprices de Marianne" de Henri Sauguet. Grâce à une coproduction entre quinze maisons d'opéra en France (une en Suisse), une double distribution de chanteurs trentenaires emmenée par le chef Claude Schnitzler et le metteur en scène Oriol Tomas va redonner vie à cette perle ignorée du répertoire français dans une tournée prévue les deux saisons à venir. Première le 17 octobre 2014 à l'Opéra de Reims.



Raymond Duffaut et Serge Gaymard © Alain Julien.
Raymond Duffaut et Serge Gaymard © Alain Julien.
C'est le président du CFPL, Raymond Duffaut, qui nous a présenté lui-même les grandes lignes de ce beau projet. C'est dire comme il y tient. Personnalité incontournable de l'art lyrique, nommé à trente-trois ans plus jeune directeur d'un opéra (celui d'Avignon, sa ville natale, dont il reste le directeur artistique jusqu'en juin 2016), à la tête des Chorégies d'Orange depuis 1981, Raymond Duffaut est un homme très actif.

Soucieux d'aider les jeunes générations de chanteurs, lui qui a connu les débuts de tous les grands noms du chant (de Nathalie Dessay à Karine Deshayes et Roberto Alagna), il a l'idée d'un projet un peu fou en 2007. Empoignant comme il dit son "bâton de pèlerin", il fait un tour de France et des maisons d'opéra et fédère les énergies pour la coproduction d'un ouvrage rare donné en tournée. Ce sera "Le Voyage à Reims" de Giacomo Rossini et plus de cinquante mille spectateurs aux quatre coins du pays de 2008 à 2011.

Fort de ce succès, une seconde aventure a commencé. Quelles en sont les grandes lignes ? Un jury composé des directeurs d'opéra et de Raymond Duffaut ont auditionné plus de deux cents chanteurs venus du monde entier, ont épluché cinquante-trois dossiers de candidature pour la mise en scène après avoir arrêté leur choix sur une œuvre du compositeur français Henri Sauguet, proche du Groupe des Six, disciple de Satie et Poulenc. La direction musicale ayant été confiée à Claude Schnitzler (et Gwennolé Rufet), chacune des maisons d'opéra mobilise ses équipes techniques qui pour les costumes, qui pour les décors, qui pour les perruques.

Oriol Tomas © Alain Julien.
Oriol Tomas © Alain Julien.
Les chanteurs sont choisis à l'unanimité de même que l'équipe québécoise composée du metteur en scène Oriol Tomas entre autres. La mise en scène doit bien sûr allier pertinence et capacité à être remontée rapidement en divers endroits. Les répétitions ont débuté début septembre à Reims (dans la maison que dirige Serge Gaymard) où aura donc lieu la première. Ce sont ensuite les opéras d'Avignon, Bordeaux, Metz,Vichy, Tours entre autres qui le donneront.

Le but est selon Raymond Duffaut non seulement de défendre le répertoire français (dont un pan immense est oublié) mais aussi d'aider à la formation, à l'insertion des jeunes chanteurs, aller à leur rencontre (pour mieux les diriger pour certains vers les académies vocales et autres ateliers lyriques français) tout en leur offrant l'expérience féconde d'une production au long cours à une époque où l'exigence artistique est très grande - ce qui n'a pas toujours été le cas (le président du CFPL, vraie encyclopédie des quarante dernières années de l'art lyrique, est une mine d'anecdotes savoureuses !). Et cela sans aide pratiquement puisque l’État, là comme ailleurs, a considérablement baissé sa dotation au second projet. Le public découvrira une double distribution dont certains des chanteurs retenus en 2013 ont par ailleurs déjà commencé une vraie carrière internationale. C'est le cas de la soprano tchèque Zuzana Markova qui va partager avec Aurélie Fargues le rôle de Marianne.

Aurélie Fargues © Alain Julien.
Aurélie Fargues © Alain Julien.
Et que sont donc ces "Caprices de Marianne" dont peu ont entendu parler ? C'est un opéra-comique de deux actes créé en 1954 au Festival d'Aix-en-Provence dont le livret est écrit par Jean-Pierre Grédy à partir de la pièce d'Alfred de Musset. Cet opéra au langage musical délicat eut la malchance de tomber au mauvais moment. Alors que le public le juge un peu trop avant-gardiste, il est décrié par la jeune génération de compositeurs tous acquis alors aux théories de la Seconde École de Vienne.

Et pourtant son auteur est un compositeur qui eut son heure de gloire dans les années vingt en composant de la musique de ballets pour les troupes de Serge Diaghilev et Roland Petit, de la musique scénique pour Charles Dullin et Louis Jouvet et même des bandes originales pour le cinéma ! Alors pas de doute, guettez la programmation de l'opéra de votre ville et courez découvrir ces "Caprices" qui seront joués quarante fois jusqu'en 2016.

Premières :
Vendredi 17 octobre 2014 à 20 h 30, 1ère distribution.
Samedi 18 octobre 2014 à 20 h 30, 2e distribution.


Opéra de Reims, 03 26 50 03 92.
1 rue de Vesles Reims (51).
>> operadereims.com

Pour le détail de la tournée :
>> cfpl.org

© Alain Julien.
© Alain Julien.
"Les Caprices de Marianne" (1954).
Opéra en français et en deux actes.
Musique de Henri Sauguet (1901-1989).
Livret : Jean-Pierre Grédy d‘après la pièce d'Alfred de Musset.
Durée : 2 h avec entracte.

Zuzana Markova/Aurélie Fargues, Marianne.
Sarah Laulan/Julie Robard-Gendre, Hermia.
Philippe-Nicolas Martin/Marc Scoffini, Octave.
Cyrille Dubois/François Rougier, Coelio.
Thomas Dear/Norman D. Patzke, Claudio.
Raphaël Bremard/Carl Ghazarossian, Tibia.
Jean-Christophe Born/Xin Wang, L'Aubergiste.
Tiago Matos/Guillaume Andrieux, Le Chanteur de Sérénade.
Julien Bréan/Jean-Vincent Blot, La Duègne.

© Alain Julien.
© Alain Julien.
Claude Schnitzler, direction musicale.
Gwennolé Rufet, direction musicale.
Matthieu Pordoy, Études musicales.
Oriol Tomas, mise en scène.
Patricia Ruel, décors.
Laurence Mongeau, costumes.
Étienne Boucher, lumières.

Christine Ducq
Jeudi 9 Octobre 2014

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024