La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

On lave son linge en prison avec l’opéra "Les Lessiveuses"

Le 15 novembre 2013, "Les Lessiveuses", l’opéra de Thierry Machuel, sera créé aux Ulis avec l’Ensemble 2e2m et la Piccola Cie. Un théâtre musical original dont le livret a été confié à Yamina Zoutat, d’après les notes de tournage en 2009 de son propre documentaire consacré à ces "Lessiveuses", ces mères qui s’occupent du linge de leurs fils incarcérés.



© Jérôme Beauvarlet.
© Jérôme Beauvarlet.
Tout destinait Thierry Machuel, compositeur français né en 1962 - dont "Les Lessiveuses" est le 66e opus -, à rencontrer le travail de la journaliste et documentariste suisse Yamina Zoutat sur les mères de détenus. Il travaille en effet depuis trois ans sur les témoignages de détenus de la prison de Clairvaux, ayant à cœur d’ancrer son œuvre dans notre temps. Son "opéra de chambre" a donc encore pour ambition de "donner à entendre le vécu de ces femmes", selon ses propres mots. Ces mères qui tentent non sans folie de ne pas rompre le lien avec leurs enfants, en s’occupant de leur linge semaine après semaine. Quel que soit le crime des fils, c’est l’amour maternel qui est ici à vif.

Et le documentaire éponyme de Yamina Zoutat ne pouvait qu’intéresser le compositeur des films de Jean-Luc Godard et Arnaud Des Pallières (1), et être à l’origine du livret. L’opéra met en scène trois mères interprétées par une comédienne et deux sopranos. Les trois instrumentistes de l’Ensemble 2e2m deviennent des acteurs de l’intrigue : deux accordéonistes et un saxophoniste sont successivement anges, gardiens et fils emprisonnés face à ces Mater Dolorosa. La mise en scène de Christian Gangneron laissera une large place à la vidéo. Des images issues du documentaire de la réalisatrice ou tournées par elle depuis avec les interprètes du spectacle. Quand l’ancienne chroniqueuse judiciaire du service "Justice" de TF1 (jusqu’en 2006) rencontre le compositeur plébiscité par les Lycéens en 2011, c’est l’opéra qui nous interpelle soudain dans sa plus criante actualité. "Les Lessiveuses" viennent à point enrichir la liste des chefs-d'œuvre de l’opéra de prison, un vrai genre en soi de Ludwig van Beethoven à Leos Janacek et, plus récemment, Thierry Escaich (2).

© Jérôme Beauvarlet.
© Jérôme Beauvarlet.
(1) Thierry Machuel a composé pour "Film socialisme" de Godard et pour plusieurs œuvres de Des Pallières dont "Adieu".
(2) Respectivement "Fidelio", "De la Maison des Morts" et "Claude".


Spectacle le 15 novembre 2013 à 20 h 30.
Espace Boris Vian, Mairie des Ulis, rue du Morvan, Les Ulis (91), 01 69 29 34 90.

"Les Lessiveuses", création mondiale.
Thierry Machuel, musique.
Yamina Zoutat, livret et images vidéo.
Durée : 1 h 19.

Christian Gangneron, mise en scène.
Édouard Sautai, scénographie.
Chloé Waysfeld, collaboration artistique.
Philippe Andrieux, lumières.

Ensemble 2e2m © La Muse en Circuit.
Ensemble 2e2m © La Muse en Circuit.
Coco Felgeirolles, comédienne.
Muriel Ferraro, soprano.
Claudine Le Coz, soprano.
Ensemble 2e2m :
Pierre-Stéphane Mengé, saxophone.
Stéphane Puc, Pierre Cussac, accordéons.
Pierre Roullier, direction.

Autres dates :
Samedi 11 janvier 2014 à 20 h 45, La Ferme du Domaine, Sablonnières (77).
Vendredi 31 janvier à 20 h 45, Salle Jean Mermoz, Écuelles (77).
Mardi 27 mai à 20 h 30, Centre Olivier Messiaen, Champigny-sur-Marne (94).

>> Voir le teaser du spectacle.

Christine Ducq
Lundi 11 Novembre 2013

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024