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Théâtre

"Monkey Money", réinventer un monde libre sans le poids de la toute-puissance de l'argent

"Monkey Money", Maison des Métallos, Paris

Avec "Monkey Money", Carole Thibaut écrit une histoire contemporaine. Celle d'un homme pauvre qui se sent tellement exclu, tellement à charge, qu'il confie sa fille en danger de dérive à la fille du banquier qui l'a ruiné. Avant de disparaître. Simple et lumineux comme un fabliau avec son sens du réalisme et du merveilleux. Les effets de cet acte d'oblation sont inouïs et étonnants.



© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
La vie de mondes ordinairement parallèles qui ne se rencontrent jamais, séparés qu'ils sont par des murs mentaux et par un désir d'amasser, qui leur fait espérer acheter ce qui n'a pas de prix, qui leur fait oublier ce qui a de la valeur (l'Amour, l'Art)… cette vie s'en trouve bouleversée. L'ouvrage est servi par des comédiens précis.

Banquiers ou prolétaires, l'histoire est calquée sur le réel et c'est criant de vérité. Les mensonges du marketing, les contorsions pour donner les apparences de la vertu à ce qui n'est qu'exploitation éclatent à la figure du spectateur.

À partir de ce constat, l'auteur (et metteur en scène) propose néanmoins une perspective (un peu) optimiste. En effet, en conjuguant les ressources du dispositif du théâtre (de la salle, de l'avant-scène au lointain), ainsi que celles du monologue intérieur, Carole Thibaut enclenche une itinérance propre au conte décrivant ostensiblement la réalité, se présentant ouvertement comme fiction et devenant vraie sur le plan symbolique.

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Dans "Monkey Money" le spectateur ne peut ignorer que, sous le couvert de la marchandisation des services, un même mécanisme œuvre pour engendrer les mêmes victimes. Cette loi aveugle qu'il faut bien appeler la loi des pères engendreurs reprise par leurs fils et qui tyrannise tout ce qui a de la valeur hors le système marchand, et notamment la femme (la fille, la sœur), et ignore l'amour qu'il devrait leur porter. Ce vieux pater familias.

À cet égard, Thierry Bosc, en père et directeur de banque ignoble puis en grand-père devenu clochard, sublime, personnifie par une prestation éblouissante la toute-puissance du Pouvoir et sa déchéance.

Le spectateur ne peut ignorer non plus le rêve que lui propose l'auteur. Celui de ces deux femmes, couple improbable qui se découvrent l'une l'autre et réinventent un monde libre sans la mémoire et le poids des pères.

Le spectateur ne peut ignorer la sensibilité qui se dégage du jeu des comédiens.

À lui de repérer les monnaies de singe.

"Monkey Money"

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Texte et mise en scène : Carole Thibaut.
Texte publié chez Lansman Editeur.
Assistants à la mise en scène : Noémie Regnaut, Victor Guillemot.
Avec : Thierry Bosc, Charlotte Fermand, Michel Fouquet, Carole Thibaut (du 9 au 11 et du 20 au 25 septembre) en alternance avec Valérie Schwarcz (du 13 au 18 septembre), Arnaud Vrech.
Scénographie, création lumière et vidéo : Antoine Franchet.
Costumes : Magalie Pichard.
Chorégraphie : Philippe Ménard.
Composition musicale : Jonas Atlan.
Durée : 1 h 35.

Du vendredi 9 au dimanche 25 septembre 2016.
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h, dimanche à 16 h, relâche les lundis 12 et 19 septembre.
Maison des Métallos, Paris 11e, 01 47 00 25 20.
>> maisondesmetallos.org

Tournée
Du 11 à 14 octobre 2016 : Théâtre des Ilets - CDN de Montluçon, Montluçon (03).

Projection-rencontre en avant-première
Comment diable un documentariste au chômage a-t-il fini par distribuer des billets de 500 euros par paquets de 2 kilos… ? C’est la question de départ de "Enfin des bonnes nouvelles", comédie-fiction dérangeante de Vincent Glenn, qui rappelle des réalités de notre monde dominé par l’argent.
Et c’est la question qu’essaie de comprendre Jiji, animateur de l’émission radio "Décryptages". Il interroge ses prestigieux invités, les fondateurs de Vigi’s, agence de notation révolutionnaire qui a connu un succès mondial foudroyant : comment ont-ils réussi à gagner des sommes d’argent colossales en si peu de temps, dans cette période troublée ? Il y a de quoi s’y perdre… La projection sera suivie d’une rencontre avec le réalisateur et Carole Thibaut.
Film de Vincent Glenn (France, 2016, 88min) coproduction DHR, Ciaofilm, Brodkast Studio.
Lundi 19 septembre > 19 h. Entrée libre, réservation conseillée.

Atelier-débat
Quand vous croisez un ami, vous lui demandez "comment ça va ?", et non pas "qu’as-tu produit ce mois-ci ?". Pourtant, de nos jours, le fameux PIB est encore l’indicateur de richesse le plus cité en référence. "Indices" est un film-enquête pédagogique, voire ludique, avançant par énigmes, pour entrer dans ces questions.
À partir de la projection, le réalisateur, des membres du réseau FAIR (Forum pour d’autres indicateurs de richesse) et le philosophe Patrick Viveret proposent un atelier-débat. Peut-on créer une agence de notation citoyenne ? Sur quelles bases, avec quelles finalités, selon quels critères ? Il s’agira de laisser libre cours aux propositions et priorités exprimées par les participants. Que seraient les critères d’une économie plus soucieuse du social et de l’écologie ? Comment faire pour que ceux-ci soient lisibles et partagés ? F
Film de Vincent Glenn (France, 2011, 81min) production DHR.
Samedi 24 septembre > 14 h 30 > 17 h 30. Entrée libre, réservation conseillée.

Jean Grapin
Vendredi 16 Septembre 2016

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© François Vila.
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