La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

FLA.CO.MEN… Galván tape du pied et fait musique !

Galván est un chorégraphe qui aime bousculer le flamenco, toujours le reprendre pour en amplifier les traits ou les détourner. Dans ce spectacle, il marie musique et danse sans que l'un n'ait priorité sur l'autre. Ils s'accompagnent, se portent ou se doublent sans jamais se télescoper.



© Hugo Gumiel.
© Hugo Gumiel.
Le titre du spectacle est une inversion de syllabes, avec un jeu de mots, montrant le désir du chorégraphe de bousculer le flamenco. Et c'est ce que fait Galván à la fois musicalement, même si ce n'est pas le seul à l'avoir fait, et dans le geste, comme à son accoutumé.

Le chorégraphe-danseur met la musique en avant avec, au centre de la scène, deux grosses caisses. C'est la danse qui débute avec une deuxième phase où la musique, très présente, rythme le spectacle. Saxophone, violon, flûte, guitare et percussions, accompagnés de chants, font entendre leurs partitions ensemble ou à tour de rôle.

Galván décentre le flamenco. Il va voir ailleurs en faisant un pied-de-nez à la représentativité de cette danse où il joue à mimer les attitudes du danseur spécialiste dont il envoie paître les partitions, celles, peut-être, de ses précédents spectacles. Il s'agit de se réinventer et de réinventer le flamenco.

© Hugo Gumiel.
© Hugo Gumiel.
Car l'expression gestuelle de Galván est composé de mouvements à la fois longilignes et anguleux comme pour casser une courbe dans ses élans ou à l'inverse l'arrondir quand il attaque ses mouvements de façon anguleuse. Le pied part en courbe pour ensuite se rabattre ou s'étendre. Ce sont sur ces finitions que la surprise peut apparaître avec un geste qui peut partir plus haut, plus fort ou bien se relâcher en pointe.

Il va chercher le flamenco dans sa théâtralité, dans sa noblesse, dans son aspect "mâle" pour le détourner, l'enjoliver, s'en amuser. Il en ajoute. Sauf que l'art sur l'art reste de l'art, voire du grand art. C'est sa marque, son empreinte. Il fait partie de ses danseurs dont le langage artistique est dans le corps, le maintien, la posture et la théâtralité. Assez banal pour un danseur flamenco sauf qu'avec lui, le tout est décuplé.

Techniquement, les solos sont riches avec des taconeos* rapides et très serrés. Ils sont soutenus, changent rarement de rythme, celui-ci étant porté par le haut du corps et la gestuelle des bras.

Quand Galván disparaît dans la nuit des projecteurs, il fait entendre sa présence durant plusieurs minutes par ses taconeos. Le talon parle quand le corps disparaît. Le danseur s'éclipse ainsi dans sa danse. Elle se fait entendre et non plus voir.

En pleine lumière, il revient nu-pieds. La danse devient maintenant muette avec comme unique représentation, le corps. Elle parle par mouvements, soutenue par une musique où le rythme des taconeos disparaît derrière elle. C'est Galván. Une attitude, une posture, un maintien. Quitte à disparaître derrière la musique. Puis, ce sont les autres musiciens, dont un plutôt bon danseur, qui prennent le relais. Les percussions sont très présentes. Le spectacle se prête parfois à quelques facilités, comme le jeu des grosses caisses qui apporte peu de valeur artistique.

Le spectacle se découpe ainsi en différents segments autour d'apparition et de disparition de Galván, de ses jeux théâtraux et de son retrait en plaçant les musiciens en avant, de la gestuelle de son corps et de son éclipse autour d'une musique l'accompagnant ou lui emboîtant le pas.

Tout est en clair-obscur avec une face à la Janus où le corps renvoie son écho dans la musique, une musique aux différentes tonalités comme l'expression corporelle du chorégraphe. Le corps du danseur se revendique masculin pour disparaître et revenir habillé à la fin dans une robe flamenca, éminemment féminine.
Bref, un vrai mélange des genres artistiques !

* Les taconeos sont les mouvements des talons sur le sol. Ils sont faits sur les deux pieds et sont caractéristiques du Flamenco. Ils peuvent avoir différentes modulations.

"FLA.CO.MEN"

© Hugo Gumiel.
© Hugo Gumiel.
Direction, chorégraphie et danse : Israel Galván.
Musiciens : David Lagos, Tomás de Perrate, Eloisa Canton, Caracafe, Proyecto Lorca (Juan Jimenez Alba & Antonio Moreno).
Direction artistique et chorégraphie de Sevillanas : Pedro G. Romero.
Mise en scène et chorégraphie de Alegrías : Patricia Caballero.
Lumières : Rubén Camacho.
Son : Pedro León.
Costumes : Concha Rodríguez.

Du 3 au 11 février 2016.
Du lundi au samedi à 20 h 30.
En raison d'une blessure d'Israël Galvan, la représentation du lundi 8 février à 20 h 30 est annulée.
Théâtre de la Ville, Paris 4e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com


Safidin Alouache
Lundi 8 Février 2016

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024