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Avignon 2018

•Avignon Off 2018• "Possession" explore ce vide où l'art marionnettique montre sa toute puissance

"Possession", Caserne des Pompiers, Avignon

Quelquefois, la voix d'un lecteur se retrouve pleinement présente dans la voix du scripteur et le lecteur, dans une dimension d'hallucination totale, peut instruire un procès en plagiat par anticipation. Ainsi en est-il d'Antonin Artaud face au Jabberwocky, ce poème de Lewis Carrol tout en mots-valises qu'Alice doit lire dans un miroir car il est imprimé à l'envers.



© Grégory Marzai.
© Grégory Marzai.
Dans "Possession", la compagnie Yokaï, dans sa qualité de montreur, noue un lien puissant avec le spectateur et, dans sa maîtrise de la machine à illusion, recrée les conditions de cette hallucination. Elle engendre un monde qui impose sa prégnance et dissout les apparences.

Dans le jeu d'ombre et de vapeurs, de brumes qui absorbe l'attention et l'être du spectateur, le fige dans un état d'hésitation, de trouble face à ce qu'il voit.

Le spectateur fait le chemin vers le surnaturel et non le merveilleux, avance dans ces contrées ambiguës où la raison se désoriente. Le présent et la durée de la métamorphose. Le temps suspendu. L'avant et l'après : concomitants qui se reversent l'un dans l'autre. Le spectre. L'automate. L'incube et le succube. L'écorché, le gisant maléfique. La poupée animée. Le rêve éveillé.

© Grégory Marzai.
© Grégory Marzai.
Le spectateur éprouve l'inquiétude de l'étrange, la réalité du cauchemar à la fois rêve et réalité. Il est en approche du stade magique et heureusement pour lui qu'il sait qu'il est au théâtre car il pourrait entrer en démonologie…

Antonin Artaud "… accuse l'auteur du Jabberwocky d'avoir voulu pénétrer un vide qui ne voulait pas être possédé". Assurément, ce spectacle offre une réelle plongée de l'autre côté du miroir. Explore ce vide où l'art marionnettique et celui du masque montrent leur toute puissance. Il sonne comme un véritable hommage à Lewis Carroll et à Antonin Artaud et ouvre les portes de ce qu'il faut appeler les nouvelles magies.

"Possession (Killing Alice)"

© Grégory Marzai.
© Grégory Marzai.
Conception : Violaine Fimbel.
Mise en scène : Violaine Fimbel.
Regard chorégraphique :Jérôme Brabant.
Regard extérieur : Quentin Cabocel.
Création son : Didier Ducrocq.
Manipulation : Marianne Durand et Marjan Kunaver.
Construction : Marianne Durand, Violaine Fimbel, Marjan Kunaver, Elisza Peressoni et Valéran Sabourin.
Durée : 40 min.
Tout public à partir de 12 ans.

•Avignon Off 2018•
Du 7 au 23 juillet 2018.
Tous les jours à 12 h 15, relâche le mardi.
Caserne des Pompiers,
116, rue de la Carreterie, Avignon.
Tél. : 04 90 01 90 28.
>> grandest.fr

Jean Grapin
Jeudi 5 Juillet 2018

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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023