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Avignon 2018

•Avignon Off 2018• "Qui suis-je ?"… L'homosexualité expliquée aux enfants, en une manière délicate et illustrée !

"Qui suis-je ?", Théâtre 11 Gilgamesh, Avignon

Se découvrir, découvrir son corps, découvrir l'autre, féminin ou masculin, ses attirances, son inclinaison pour l'autre sexe, ou pour celui ou celle du même sexe… Le passage de l'enfance à l'adolescence est, entre autres, ce difficile parcours où surgit, aux tournants et carrefours des différents apprentissages, cette question : qui suis-je ?



© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
L'adaptation au théâtre du roman de Thomas Gornet* est une pure réussite. Préservant la fraîcheur et la finesse de son écriture (vrai travail de collaboration avec l'auteur), Yann Dacosta en propose une mise en scène et une direction d'acteurs sobre, réaliste et dense, esquivant la facilité que pourraient générer certains contextes "scolaires" période pré-ados. Il manie avec subtilité intensité du propos, des situations, fragilité juvénile et émotions à fleur de peau, y associant une dose d'humour et d'énergie adolescente propre à éviter - et à détruire - tous les clichés du genre.

Afin de détacher le récit d'une trop grande "dramatisation" et lui offrir une lecture ludique accessible à tous (dont tout particulièrement les jeunes), il s'est attaché la collaboration du dessinateur Hugues Barthe dont un travail de bande dessinée créé spécialement accompagne l'histoire. Projetés sur le mur du vestiaire, les dessins stylisés font naître des univers familiers - cours de collège, chambre d'ados, etc. - qui permettent une facile distanciation sans pour autant dénaturer ou faire perdre l'essence même du propos.

© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
Ce parti pris établi, les trois comédiens jouent la partition complexe des relations adolescentes avec une aisance talentueuse, ne tombant à aucun moment dans la caricature qui aurait pu leur donner une adhésion immédiate mais superficielle des spectateurs festivaliers du Off. Non, ici, l'intelligence théâtrale est au rendez-vous.

Dès les premières scènes, Côme Thieulin aborde le personnage central (Vincent) avec toute la retenue et la profondeur nécessaire pour ne pas "galvauder" des situations classiques comme celles du cours de sport, les chahuts et les brimades au vestiaire (parfois violents), les chamailleries de cours de récré, ou les évaluations des mecs ou des nanas avec qui on est sorti.

Son jeu va crescendo, de la naïveté à la maturité, de l'incompréhension de ses sentiments à la prise de conscience de cette différence que l'on doit, petit à petit, souvent envers et contre tous, assumer pour comprendre un beau jour que l'on peut, que l'on doit accepter cette manière d'aimer, que cette différenciation, mise encore parfois au piloris par ignorance ou par mépris, n'en est pas une… et ne devrait jamais en être une. Que seul l'amour compte.

Manon Thorel - dans le rôle notamment de Myriam, l'amie - et Théo Costa-Marini - Aziz, le copain arabe, Cédric, l'être aimé, Pascal… - déclinent une très belle variation des états d'âme de l'adolescence. Fidèle dans son amitié pour Vincent, peut-être même l'aime-t-elle, Myriam comprendra très vite l'homosexualité de celui-ci et restera présente à ses côtés, essayant de le guider sur le difficile chemin de l'acceptation.

© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
Parler d'un sujet aussi délicat aux enfants en mettant ainsi l'éclairage, en une manière douce et légère, dans une forme humoristique, positive et rigoureuse, sur l'éveil amoureux et sur la possibilité de sortir du schéma "classique" de l'hétérosexualité fait ici œuvre pédagogique.

C'est ici la vraie réussite de "Qui suis-je ?" car éclairer cette problématique sur la scène publique donne aux jeunes, placés dans ce moment crucial du passage de l'ère de "l'enfance" à celle tout aussi aventureuse de la "pré-adolescence", les outils essentiels pour poser des mots et des images sur leurs interrogations, sur leurs éventuelles souffrances et, surtout, leur dire qu'ils ne sont pas les seuls à se questionner sur l'émergence, sur la naissance de ce perturbant état amoureux et de ses différentes options possibles, définitives ou pas, mais qui construiront le futur être mature…

"Qui suis-je ?"

© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
Texte : Thomas Gornet.
Mise en scène : Yann Dacosta.
Dessinateur : Hugues Barthe.
Avec : Théo Costa-Marini, Côme Thieulin et Manon Thorel.
Scénographe : Grégoire Faucheux.
Lumières : Éric Guilbaud.
Vidéo : Camille Sénécal.
Costumes : Corinne Lejeune.
Compagnie Le Chat Foin.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2018•
Du 6 au 27 juillet 2018.
Tous les jours à 14 h 40, relâche le mercredi.
Théâtre 11 Gilgamesh-Belleville, Salle 1,
11, boulevard Raspail, Avignon.
Réservation : 04 90 89 82 63.
>> 11avignon.com

Tournée 2018/2019

© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
© Arnaud Bertereau/Agence Mona.
16 octobre 2018 : Espace culturel François Mitterrand, Canteleu (76).
20 octobre 2018 : "Fest(in) on Boulevard, Bucarest, Roumanie.
12 mars 2019 : Le Rayon Vert - Scène conventionnée, Saint-Valéry-en-Caux (76).
21 et 22 mars 2019 : Le Théâtre - Scène Nationale, Saint-Nazaire (44).
6 et 7 avril 2019 : Festival PULP, La Ferme du Buisson - Scène Nationale, Marne-la-Vallée ( 77).

Gil Chauveau
Lundi 23 Juillet 2018

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À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023