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Danse

"Face à terre"… Black is black

Le danseur et chorégraphe Bouziane Bouteldja et la danseuse et créatrice Ana Pi font une incursion dans le royaume de Thanatos. Au travers d'un spectacle où le chant tient les premières loges, la mort est présentée dans le ressenti et l'expérience personnelle des interprètes.



© Gilles Rondot.
© Gilles Rondot.
C'est l'histoire de deux rencontres, celle de la mort avec ses fantômes et celles d'éléments vocaux et corporels. "Face à terre" est une immersion dans le rituel des ténèbres. Celui-ci est perçu comme totalement personnel, indépendant de toute sacralisation et institution. Bouziane Bouteldja et Ana Pi présentent, dans le parcours d'une trajectoire dansée, leur rapport à celle-ci.

Les corps apparaissent parfois sur scène flottants. Les bras sont dans une gestique où les coudes sont au-dessus de la taille et font articulation avec les membres, autant inférieurs que supérieurs, qui se laissent porter par les airs. C'est tout un ensemble de mouvements de bas vers le haut qui fait du tronc un axe de bascule.

Tout est noir autant dans les lumières où nous sommes plongés que dans le clair-obscur qui découpe la scène dans des tranches de luminosité plus ou moins marquées. Trois types de danse sont déclinés, l'une avec une gestuelle très ondulée, la deuxième autour d'un hip-hop au sol, la troisième au travers de sauts et de mouvements dynamiques près du corps. Les attitudes sont aussi variées avec des positions, tête au sol, tête contre tête, ou les troncs fixes ou flottants, le tout accompagné par une musique monotone.

© Gilles Rondot.
© Gilles Rondot.
Quelques solos, tel que celui en hip-hop, manquent parfois un peu de mordant dans leurs expressions. Cela n'apporte pas au spectacle une réelle plus-value car peu créatif alors que la mort aurait, peut-être, pu l'habiller d'une couleur différente avec une dimension autre.

Bouziane Bouteldja et Ana Pi jouent d'une chorégraphie qui les lie ensemble. À d'autres moments, ils se séparent avec pour chacun d'eux une gestique et un rapport à l'espace propre. Celui-ci est parfois d'attente avec un corps qui bascule sur ses membres inférieurs ou très rythmée lorsque celui-ci bouge dans toutes ses parties.

Les danseurs oscillent dans des trajets aux contours sciemment un peu perdus et d'autres beaucoup plus agencés. Il y a aussi ce parcours final de l'existence que chaque être humain a, quelle que soit sa culture, incarnée, dans un même mouvement, par chanteur et danseurs sur la même ligne de départ et d'arrivée comme une course vers Thanatos.

Le chant accompagne les trajectoires de nos interprètes avec Bastien Picot à la voix très belle et à la tonalité des plus aiguës, tapant parfois des poings sur le torse. Il donne ainsi au spectacle un timbre presque liturgique dans une connotation à la fois prégnante et enveloppée.

"Face à terre"

© Gilles Rondot.
© Gilles Rondot.
Direction artistique : Bouziane Bouteldja.
Chorégraphie : Bouziane Bouteldja en étroite collaboration avec Ana Pi.
Chant : Bastien Picot.
Musique : Arnaud Vernet Le Naun.
Création lumière et scénographie : Manu Mazoyer.
Collaboration artistique et production : Gilles Rondot.
Par la Cie Dans6T.
Durée : 50 minutes.

Les premières de cette création ont été représentées les 8 et 9 novembre au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (94).

© Gilles Rondot.
© Gilles Rondot.
Tournée
5 avril 2019 : Théâtre La Ferme du Bel Ébat, Guyancourt (78).
16 avril 2019 : Le Parvis - Scène Nationale Tarbes-Pyrénées, Tarbes (65).

>> dans6t.com

Safidin Alouache
Lundi 26 Novembre 2018

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