La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Oscar Wilde est mort" Une immersion poétique et sensible aux côtés d'Oscar Wilde

En 1896, cinq ans avant sa mort, Oscar Wilde est incarcéré à la prison de Reading. Seul, humilié, vieillissant, il revit ses succès, sa chute, ses amours, son œuvre et côtoie des fantômes qui le hantent… Mais face à la médiocrité de la vie, que faire ? Oscar Wilde est mort.



© Mel Butterfly.
© Mel Butterfly.
Tout le monde connaît Oscar Wilde. Notamment grâce à son célèbre roman "Le Portrait de Dorian Gray". Mais qui était-il exactement ce romancier, poète, dramaturge, au nom complet d'"Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wild" ?

C'est à nouveau avec tout le talent et la grande sensibilité qu'on lui connaît que le comédien Oldan a interprété, en avant-premières d'Avignon aux Déchargeurs, son nouveau spectacle sur Oscar Wilde dans la jolie salle "La Bohême" du Théâtre parisien. Tout en voûte et en pierres, le spectateur est projeté d'emblée dans l'univers carcéral où l'écrivain est emprisonné et soumis à des travaux forcés.

C'est avec une grande finesse et beaucoup d'originalité que nous découvrons - ou redécouvrons davantage - ce célèbre écrivain d'origine irlandaise emprisonné ici dans sa geôle de Reading. Grâce en grande partie à l'écriture du comédien qui a privilégié la retenue poétique et feutrée de l'écrivain car, de lui, on connaît plus la verve et l'élan façon success story d'une grande partie de sa vie.

© Mel Butterfly.
© Mel Butterfly.
Dans ce nouveau spectacle d'Oldan, le spectateur est loin des frasques télévisuelles d'un Charles Bukovsky sur le plateau de Bernard Pivot mais bien davantage confronté au retour sur soi d'un homme abandonné et confronté à des souvenirs intimes parsemés de "démons" particuliers.

Quelques mots précédant le spectacle précisent que Wilde est déjà enfermé à Reading depuis deux ans et qu'il est brisé moralement. On a peine à imaginer Oscar Wilde ainsi, seul et désespéré, tant on garde de lui ses bons mots, ses aphorismes et son goût de la conversation ! Lui qui fut aussi passionné de littérature grecque, de poésie et d'art.

Malheureusement, la société victorienne du XIXe siècle ne le ménagera pas lorsqu'il entamera une relation homosexuelle avec un certain Robert Ross et condamnera son unique roman déjà cité plus haut pour immoralité et témoignage d'une vie de débauches. Mais ce sont des ennuis avec le père d'un de ses amants, Lord Douglas, qui lui vaudront le plus d'attaques assassines ainsi qu'un procès qu'il perdra.

De toute cette vie chahutée et rocambolesque, Oldan a su dans son écriture justement composée, appuyée par la gestuelle élégante de l'artiste chorégraphe franco-japonaise Maya K., privilégier en grande partie l'âme hautement humaniste de Wilde et sa sensibilité exacerbée en optant pour des choix musicaux et chorégraphiques d'une intensité douce et feutrée.

Dans ce spectacle gracieux et sensible, le spectateur découvre à la fois les pensées nostalgiques de l'écrivain, des confidences émouvantes, entend avec grâce un sublime poème en anglais, ensuite traduit, et, au terme du spectacle, on regrettera à n'en point douter que cet auteur ne soit pas enseigné davantage tant il nous apparaît exceptionnellement érudit.

© Mel Butterfly.
© Mel Butterfly.
D'Oscar Wilde ou de ce comédien, à notre avis bien trop méconnu, on pourrait se demander lequel ressemble le plus à l'autre ? "Il y a en Oldan quelque chose en lui d'Oscar Wilde pour peu qu'on le connaisse quelque peu".

"Mon âme en peine, je ne la sentais plus".
"L'important est dans les apparences. J'ai provoqué la chute avant que de tomber. Ça me va".

Mais Oldan, lui, ne chute pas ! Bien au contraire, il puise au plus profond de lui toute sa force créatrice sans cesse en mouvement. Assister à ses spectacles ou entendre aussi les textes de ses nombreux albums, c'est sonder avec élégance l'âme humaine.

Travailler la bête en soi ! C'est ce qu'Oscar Wilde a fait toute sa vie et c'est ce que le comédien nous propose aussi à chacune de ses créations.

Élégant dans son ample blouse blanche, tournant le dos aux spectateurs au début du spectacle, allongé sur un banc et lisant, il se retourne vite face à nous et bien vite nous séduit. Les chorégraphies de Maya K. confèrent une élégance à ce nouveau spectacle et, à son contenu, un détachement léger et harmonieux. Le tout agrémenté des créations musicales toutes aussi harmonieuses de Patrick Matteis.

Si vous allez au Festival d'Avignon cet été, offrez-vous ce bien joli moment de spectacle en matinée et incontestablement, votre journée sera lumineuse… malgré la pénombre et l'enfermement de la geôle de Reading.

"Oscar Wilde est mort"

Création originale et interprétation : Oldan, d'après la vie et l'œuvre d'Oscar Wilde.
Mise en scène : Oldan assisté de Roland Abbatecola.
Création musicale : Patrick Matteis.
Compagnie Okside.

Ce spectacle a eu lieu en avant-premières d'Avignon 2023 au Théâtre des Déchargeurs les 10, 17 et 24 mai 2023.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 11 h 20. Relâche le mardi.
Théâtre Au Chapeau Rouge, 34, Rue du Chapeau Rouge, Avignon.
Réservations : 04 90 84 04 03.
>> chapeaurougeavignon.org

Brigitte Corrigou
Mardi 6 Juin 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024