La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Ghost Project" à Arles, Reflets (é)mouvants de nos identités flottantes by N_VR

Si "Visages Villages" d'Agnès Varda et de son complice photographe JR nous introduisait dans les arcanes de la France profonde pour révéler le sel de la terre, N_VR (Natalie Victor-Retali) confie à son objectif le désir f(l)ou de saisir nos parts d'ombres… Celles qui se lovent dans les plis de nos existences habitées par nos chers (?) revenants, lesquels, interdits de séjour, ne cessent de donner de la voix afin de se rappeler malicieusement à notre souvenir.



Ghost Shirts (performance dansée) © Philippe Mercier.
Ghost Shirts (performance dansée) © Philippe Mercier.
L'exposition, tramée du même fil rouge, se décline en plusieurs facettes : "Urban Ghosts, Ghost Dance, White Ghosts, Little Ghosts, Autoportraits fantômes, Flying Ghosts, Ghost Shirts" ; soit une série de photographies rétroéclairées révélant "l'éva-naissance" de personnages-fantômes, de silhouettes féminines émergeant de toiles sur lin, d'ébauches de sculptures minimalistes, de performances dansées évoquant celles des peuples sacrifiés sur l'autel des colonisateurs blancs. Elle est à "découvrir" durant ce mois de juillet à l'église des Frères Prêcheurs d'Arles. De ce passé, recomposé par l'artiste plasticienne photographe et danseuse, s'exhale un parfum intranquille et troublant faisant écho à nos étrangetés enfouies.

Les fantômes (spectres nés d'apparitions produites par l'imaginaire) entretiennent avec nos fantasmes (purs produits de l'imagination désirante) des rapports consanguins. Au travers de ses tentatives artistiques protéiformes, l'objectif de N_VR tente de débusquer cet invisible tourment né de l'association iconoclaste entre fantômes et fantasmes qui n'ont de cesse de travailler en nous. Traces mnésiques d'un temps atemporel, confondant à l'envi présent passé et avenir pour mieux brouiller les pistes de nos identités labiles, "Ça" parle en nous, ça tonitrue même, l'inconscient n'ayant pas pour principale vertu la discrétion.

Urban Ghosts © N_VR.
Urban Ghosts © N_VR.
"Donner à voir", recueil du poète Paul Éluard, pourrait cristalliser à plus d'un titre l'essence du travail de N_VR qui, d'exposition en exposition - "Minuitvingtdemainmatin", "Désapparences", "Territoire commun, Paysages intimes", "Image de Soi, Image de l'Autre", "Femmes en mouvement", "Urbaines Solitudes", etc. - s'attelle à révéler l'invisible à l'œuvre sous le je(u) du vernis plaqué.

Qu'il s'agisse de ces silhouettes imprévisibles émergeant de paysages saturés de couleurs (femmes et hommes que le trouble intérieur fait vaciller), de ces formes recouvertes de suaires blancs pendues aux voûtes de l'église (sont-ce les hérétiques brûlées vives par l'Inquisition qui sont de retour sur le lieu où elles furent condamnées ?), de ces chorégraphies (échos de celles des Amérindiens massacrés par les soldats américains), tous ces êtres habités par leurs démons passés surgissent "rétroéclairés" de l'obscurité pour prendre la lumière singulière de l'objectif de N_VR.

Une expérience artistique immersive ouvrant grand les portes des arcanes de notre humanité hantée par ce passé qui insiste jusqu'à saturer le présent et l'avenir de ses effets prégnants.

Exposition "Ghost Project" by N_VR.

Flying Ghosts © N_VR.
Flying Ghosts © N_VR.
Installation de Natalie Victor-Retali.
Église des Frères Prêcheurs d'Arles,
Impasse Abbé Grégoire, Arles (13).

Du 3 au 26 juillet 2020.
11 h à 13h et 14 h à 18 h.
Exposition et performances autour des fantômes.
La compagnie Incidence est partenaire du projet ainsi que la compagnie L'Éléphant vert.
Temps dansé "Fantômes de l'aléatoire", vernissage du 3 juillet à 18 h 30, par l'atelier Incidence.
Vendredi 24 juillet à 22 h : 1er duo dansé "Seuil à table", avec Incidence et Élephant Vert.
Samedi 25 juillet à 20 h 30 : 2e duo dansé "Seuil à table", avec Incidence et Élephant Vert.
Dimanche 26 juillet à 16 h : dévernissage de l'exposition.

Yves Kafka
Mardi 7 Juillet 2020


1.Posté par Victor-Retali Natalie le 10/03/2021 18:56
Bonjour, le film de l exposition Ghost Project en juillet 2020 à Arles est enfin en ligne.. http://victorretali.canalblog.com/archives/2021/03/08/38853523.html

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024