La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Paroles & Musique

"La Cage aux folles" Vif, drôle, fantasque et toujours terriblement d'actualité !

"La Cage aux folles" est une fable devenue presque mythique. Olivier Py propose une mise en scène où la comédie musicale resplendit dans ses ornements autant lumineux et pailletés qu'intimes et politiques. Dans une distribution très talentueuse, Laurent Lafitte réalise un tour de force dans le chant, la danse, le mime et le théâtre.



© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
Se mêlent de l'humour, des chansons, des paillettes telles un tégument au spectacle avec des chorégraphies de Ivo Bauchiero et d'autres en claquettes d'Aurélien Lehmann. C'est vif, joyeux, truculent, pertinent, gouailleur, sensuel et provocateur avec malice. Laurent Lafitte campe un personnage haut en couleurs dans une performance faite de multiples contours artistiques et brassant une kyrielle de talents. Comme pour tous les protagonistes, son jeu est très physique, mais les ruptures de jeu avec lesquelles il doit composer pour basculer très rapidement de la danse, à l'imitation, au chant et au théâtre sont un véritable tour de force.

À la fois danseur, chanteur et comédien, il décline différentes facettes d'un personnage vif, fantasque, drôle en créant une connexion espiègle avec le public autant sur les planches que dans l'assistance. Dans cette interconnexion, ce n'est pas uniquement le protagoniste qui devient un moment proche physiquement du public, c'est aussi une figure LGBTQI+ qui se mélange au monde et porteur d'un combat pour exister. C'est un éternel recommencement à une époque où les virilistes s'essaiment pour marquer leur présence et consacrer une infériorité fantasmée et névrotique de leur sexe sur l'autre.

© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
Voici une fable des plus célèbres dont le titre est devenu une expression et où la figure de ceux qui lui ont donné vie sur les planches, Jean Poiret et Michel Serrault, reste aussi mémorable dans l'histoire de la comédie que les trois coups mythiques qui ouvriraient un rideau théâtral.

L'histoire de "La Cage aux folles", écrite par Jean Poiret (1926-1992), a eu plusieurs destinées artistiques : théâtrale à ses origines en 1973, cinématographique à partir de 1978, puis comédie musicale en 1983 pour Broadway avec Jerry Herman pour les paroles et les chansons sur un livret d'Harvey Fierstein. Une version française a été créée par Alain Marcel en 1999 au Théâtre Mogador.

Damien Bigourdan (Georges), ténor et comédien, démarre la représentation en costume blanc. Couleur lumineuse comme celle-ci, où tous les temps sont forts, avec peu de relâche dans le rythme et toujours une tension dans le jeu. C'est un feu d'artifice de talents, comme un monstre fantastique bien huilé, monté au cordeau et pour lequel les rares silences sont habillés d'un rire, d'une gestique comique ou d'un bon mot. La comédie musicale respire d'amour et de musique par tous ses pores, avec le chant, la comédie et la danse en points cardinaux. Cet amour est multiple et divers. C'est celui d'un père, Zaza (Laurent Lafitte), pour son fils Jean-Michel (Harold Simon), comme celui du clinquant et la passion de la scène.

© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
La mise en scène d'Olivier Py est pleine de rebondissements, avec des pieds de nez théâtraux qui donnent du rythme et où le propos et la posture deviennent des étendards politiques sous un vernis comique et fantasque. Il s'agit de quoi après tout ? D'exister par soi-même, avec les autres.

La cage aux folles, on la voit, on la découvre réellement sur les planches dans sa symbolique la plus nue. Elle apparaît en début de représentation, côté jardin. C'est un simple rangement, un vestiaire de couleur grise où, ouverte, apparaissent physiquement une jambe puis le corps d'un danseur travesti avec ses collants lumineux. Dans cette cache qui s'ouvre, se découvre ce qui fait la trame du spectacle, ou du moins l'une de ses composantes, à savoir les LGBTIQ+ au travers du monde de la comédie musicale avec ses couleurs et parfois ses caricatures. Ce qui avait valu de nombreuses critiques à la création de la pièce en 1973, mais elle est porteuse d'un message revendicatif d'une façon d'être non pas exclusivement genrée, mais aussi existentielle. On est ce que l'on est au-delà de nos orientations sexuelles, de nos habillements et de notre manière d'être.

© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
La comédie musicale est lumineuse face au public. Et un peu plus sombre côté coulisse, en écho à la scénographie. Ce qui est visible sur les planches est parfois un peu antinomique de ce qui est dans les coulisses. C'est aussi et surtout le double visage du monde de la comédie musicale, dans son expressivité joviale et souriante afin de gommer de tristes désaccords de la vie de tous. Nous avons ainsi l'envers et l'endroit du spectacle, de ce que vit personnellement, un moment, Zaza (Laurent Lafitte) et ce qu'il montre aux spectateurs. On le découvre ainsi avant de monter sur scène, dans une vue plongeante dans les coulisses, très chagriné, et ensuite arborant un large sourire sur le plateau.

La scénographie de Pierre-André Weitz est tournante et laisse découvrir alternativement une scène avec son escalier lumineux, ses loges, ses coulisses et ses escaliers de secours, un coin de bar avec ses tables et ses chaises, et le restaurant "Chez Jacqueline". L'orchestre "Les Frivolités Parisiennes" accompagne tous les événements de la fable. Il est situé dans une fausse juste devant la scène et sous la hauteur de celle-ci.

© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
La trame a aussi son aspect politique, celle de revendiquer son identité et de l'acceptation de l'autre avec ses différences. On y voit monsieur Dindon, une figure politique d'extrême droite avec des convictions à l'opposé de ce qui a pour figures les LGBTQI+ et le transformisme. Dans ses relations multiples entre hommes et femmes, entre mari et épouse, c'est aussi un entrelacement relationnel dans ses multiples identités qui se croisent, chacun sachant où il est et où il va sans qu'un mouton avec des cornes, sauf le couple Dindon, puisse bêler son mécontentement.

"La Cage aux folles" est un superbe spectacle qui a plus de soixante ans d'existence et qui est resté sans âge. Il est porté par une très belle distribution où Olivier Py a réussi à donner un agencement au cordeau pour investir les différentes facettes de la comédie musicale, en faisant résonner avec éclat un combat politique toujours d'actualité.
◙ Safidin Alouache

"La Cage aux folles"

© Thomas Amouroux.
© Thomas Amouroux.
D'après la pièce "La Cage aux folles" de Jean Poiret.
Français, double surtitrage : anglais pour les dialogues et chansons, français pour les chansons.
Musique et paroles : Jerry Herman.
Livret : Harvey Fierstein.
Traduction française : Olivier Py.
Mise en scène : Olivier Py.
Avec : Laurent Lafitte, Damien Bigourdan, Émeric Payet, Harold Simon, Gilles Vajou, Émeline Bayart, Lara Neumann, Maë-Lingh Nguyen, Édouard Thiébaut.
Direction musicale : Christophe Grapperon, Stéphane Petitjean.
Décors et costumes : Pierre-André Weitz.
Chorégraphie : Ivo Bauchiero.
Chorégraphie (claquettes) : Aurélien Lehmann.
Lumières : Bertrand Killy.
Sound design : Unisson Design.
Orchestre : Les Frivolités Parisiennes.
Durée : 2 h 35 avec entracte.

Du 5 décembre 2025 au 10 janvier 2026.
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi et dimanche à 15 h et 20 h.
Théâtre du Châtelet, 1, place du Châtelet, Paris 1er.
Téléphone : 01 40 28 28 40.
>> Billetterie en ligne
>> chatelet.com


Gil Chauveau
Jeudi 25 Décembre 2025

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.