La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Étés de la danse"… Jérôme Robbins

Pour sa quatorzième édition, le chorégraphe américain Jérôme Robbins est à l'honneur de la première partie du festival avec cinq compagnies américaines pour retracer le parcours flamboyant de cet artiste dont le nom reste associé à "West side story".



"Glass Pieces" par le Joffrey Ballet © Cheryl Mann.
"Glass Pieces" par le Joffrey Ballet © Cheryl Mann.
Il est né il y a cent ans et a disparu il y a trente ans. Il avait tout pour être à l'honneur cette année, son talent et ses dates jouaient en sa faveur. Jérôme Robbins (1918-1998) a réussi à s'imposer autant à Broadway qu'au cinéma en collaborant dans "Fancy free" (1944), "On the town" (1944) et "Facsimile" (1946) avec Léonard Bernstein (1918-1990) ; et en coréalisant, avec Robert Wise (1914-2005), "West side story" (1961). C'est son premier ballet, "Fancy free", qui lui ouvrira les portes de Broadway et d'Hollywood. "West side story" a été créée en 1957 et sera ensuite portée à l'écran en 1961.

Il a été élève de Balanchine (1904-1983) qui fut le cofondateur et maître de ballet du New-York City Ballet. C'est cette même compagnie qui ouvre les "Étés de la danse".

Les chorégraphies sont, pour ce premier programme du festival, composés d'un solo, essentiellement de duos pour "Dances at a gathering", "Interplay" et d'un ensemble de quarante-deux interprètes pour "Glass Pieces", sur une musique de Philip Glass, où une excursion est faite dans les méandres d'une cité urbaine pour y épouser son rythme, ses pulsions, ces corps à corps qui s'évitent, ces déplacements presque robotiques découpées par des symétries qui font de l'ensemble une composition géométrique où la gestique puise son élégance dans ses marches, ses trajets, ses "déambulations".

"Interplay par le Joffrey Ballet © Herbert Migdoll.
"Interplay par le Joffrey Ballet © Herbert Migdoll.
Ce qui prime est cet instinct corporel de déplacement où le moteur ne serait que force mécanique et non impulsion comme si toute notion de vie avait disparu. C'est une critique de notre société de consommation qui consomme les individus et les citoyens que nous sommes.

"A suite of dances", sur une musique de Bach (1685-1750), est un solo accompagné d'un violoncelle. Nous sommes dans un tempo et un rapport à la scène autre. Le danseur se retrouve dans un espace où il est défini par sa seule gestuelle, même si la violoncelliste est présente. Ainsi, le recours à l'autre existe de façon décalée. Le rapport entre les deux, musique et danse, attitudes debout et assise, est complémentaire sans être symétrique donnant une focale où l'attention ne peut être homogène, allant d'un plan à un autre.

Ce faux déséquilibre permet ainsi de donner à ses arts leur propre champ qui s'alimente mutuellement. Nous sommes dans une parfaite osmose. Décrocher son regard du solo où prestance, agilité et sensibilité sont à fleur de peau pour basculer vers le violoncelle permet d'opérer une disjonction visuelle tout en gardant une continuité artistique.

"Dances At A Gathering" par le New York City Ballet © Paul Kolnik.
"Dances At A Gathering" par le New York City Ballet © Paul Kolnik.
Les trajets sont horizontaux ou verticaux, souvent en diagonale. Arrondis et circularité ne sont pas de mise. Le chorégraphe utilise souvent des déplacements rapides, à mi-course débordant de force et d'enthousiasme. Les pieds sont bien à plat. Les pointes se succèdent. Nous sommes ainsi sur deux axes de gestique qui se différencient l'une par ses membres inférieurs avec une plante des pieds ramassés bousculant les préceptes du classique et l'autre, traditionnelle, avec ses pointes en hauteur. Il n'y a pas cette gravité que l'on retrouve parfois dans cette danse. Les membres supérieurs sont toujours étendus, avec une impression aérienne et une gestuelle toujours ample.

Tout est léger, aérien ; et Jerome Robbins y insuffle un accent joyeux, festif dans les appuis, les attitudes ainsi que dans les justaucorps, les collants, les chaussons qui sont très colorés. Le classique arrive ainsi à embrasser goulûment l'espièglerie avec grâce.

"Étés de la danse" 2018

"Suite of Dances" par le New York City Ballet © Luz Crop.
"Suite of Dances" par le New York City Ballet © Luz Crop.
Du 25 juin au 7 juillet 2018.
Programme 1
Avec les étoiles, solistes et corps de ballet des compagnies accompagnées par l'Orchestre Prométhée.

"Dances at a Gathering"
Compagnie : New York City Ballet.
Chorégraphie : Jérôme Robbins.
Musique : Frédéric Chopin.
Costumes : Joe Eula.
Lumières : Jennifer Tipton.
Distribution : 10 danseuses et danseurs.

"Interplay"
Compagnie : Joffrey Ballet
.
Chorégraphie : Jérôme Robbins.

Musique : Morton Gould
.
Scénographie : Jean-Pierre Frolich
.
Lumières : Ronald Bates réarrangées par Jack Mehler.
Costumes : Santo Loquasto.
Distribution : 8 danseuses et danseurs.

"Interplay par le Joffrey Ballet © Herbert Migdoll.
"Interplay par le Joffrey Ballet © Herbert Migdoll.
"A suite of Dances"
Compagnie : New York City Ballet.
Chorégraphie : Jérôme Robbins.
Musique : Johann Sebastian Bach.
Scénographie : Jerome Robbins.
Lumière : Jennifer Tipton.
Costumes : Santo Loquasto.
Distribution : Solo.

"Glass Pieces"
Compagnie : Joffrey Ballet.
Chorégraphie : Jérôme Robbins.
Musique : Philip Glass.
Décors : Ronald Bates.
Lumières : Jennifer Tipton, arrangées par Perry Silvey.
Costumes : Ben Benson.
Scénographie : Jean-Pierre Frolich
.
Distribution : 42 danseuses et danseurs.

>> lesetesdeladanse.com
>> laseinemusicale.com

Réservations : 01 74 34 53 53.

Safidin Alouache
Mardi 3 Juillet 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024