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Théâtre

Xavier Gallais, comédien non apprivoisé (1ère partie)

"Faim", Le Lucernaire, Paris

Jusqu'au 25 septembre, au Lucernaire, le comédien incarne le narrateur-personnage de "Faim" dans un spectacle adapté du roman paru en 1890 du norvégien Knut Hamsun. Le récit, en partie autobiographique, du Prix Nobel de littérature explore la conscience et les stigmates physiques d'un jeune écrivain tenaillé par la faim, errant dans une ville, Kristania. Nous avons rencontré Xavier Gallais.



© Fabien Pio.
© Fabien Pio.
Avec son jeu chorégraphique, une présence magnétique et une voix inoubliable, Xavier Gallais est un de ces acteurs rares que l'on suit depuis ses débuts. Après avoir incendié la scène avec ses incarnations habitées de héros romantiques tels Cyrano, Ruy Blas ou le Prince de Kleist, il arpente désormais de nouveaux territoires. Et c'est au Paradis (une petite salle pour cinquante spectateurs au second étage du Lucernaire) qu'il reprend le spectacle "Faim" mis en scène par Arthur Nauzyciel.

Dans un décor passe-partout évoquant au choix une gare, une mansarde ou une rue désertée en hiver (entre un sapin de Noël et un distributeur de boissons), le comédien offre aux spectateurs une incarnation sensible et toute en nuances du monologue saisissant adapté du roman de Knut Hamsun.

Christine Ducq pour La Revue du Spectacle - Comment avez-vous découvert le texte de Knut Hamsun ?

© Isabelle Nègre.
© Isabelle Nègre.
Xavier Gallais - Héléna Bossis et Daniel Darès, directeurs du Théâtre Antoine - alors que je jouais dans "Ondine", mis en scène par Jacques Weber (en 2005 NDLR) -, voulaient absolument que je fasse un monologue. Ils m'ont fait plusieurs propositions dont le roman de Knut Hamsun. J'ai su que je voudrais en faire quelque chose mais je n'étais pas prêt à ce moment-là pour un monologue. Le temps a passé et quand j'ai travaillé avec Arthur Nauzyciel sur "Ordet" (en 2008), la pièce d'un écrivain danois Kaj Munk dont l'univers est proche de celui d'Hamsun, je me suis senti prêt à l'aborder. Mais bien des écueils étaient à éviter : je ne voulais pas livrer une performance d'acteur. J'ai compris qu'avec Arthur Nauzyciel je pourrai raconter l'histoire que j'aimais et qui me permettrait de travailler sur la solitude du personnage de "Faim".

Dans mes recherches pour adapter le roman, je me suis aperçu que Jean-Louis Barrault en avait monté une version pour une trentaine d'acteurs avec deux personnages-narrateurs au lieu d'un. Une histoire de double sur fond d'orgue de barbarie. L'inverse de ce que je voulais faire donc mais le travail de Barrault m'a conforté dans l'idée de faire le spectacle.

Il a existé grâce à Frédéric Franck, directeur du Théâtre de la Madeleine - où je jouais "Nono" de Guitry mis en scène par Michel Fau. J'avais envie de faire entendre cette histoire à un public a priori très éloigné du personnage misérable qu'elle met en scène et ce, dans un théâtre privé avec des dorures ! Après une tournée au CDN d'Orléans (le théâtre d'A. Nauzyciel NDLR) et deux dates à New York, ce n'était plus comme à la Madeleine un lever de rideau mais "Faim" était devenu un vrai spectacle dans la forme imposée par Arthur qui est forte - et qui résonnait en moi.

Il me fallait désormais de la proximité. Quand Benoît Lavigne (directeur du Lucernaire) m'a proposé de monter le spectacle à nouveau, j'ai accepté puisqu'il est maintenant arrivé à maturité.

"Faim" parle de la solitude et du corps aussi. J'ai l'impression que vous vous intéressez beaucoup au corps en ce moment avec notamment cette "Étude de fesses" qui arrive en fin de mois (Xavier Gallais rit). Vous voulez dire adieu à votre image d'acteur romantique ?

© Isabelle Nègre.
© Isabelle Nègre.
Xavier Gallais - Ah oui ? C'est vrai que si je regarde derrière moi, j'ai joué des personnages romantiques comme Ruy Blas, des personnages du post-romantisme tel Roberto Zucco. Et même quand ils ne l'étaient pas, je les teintais d'un certain romantisme, d'un goût pour le contraste. C'est ce que je retiens de ce mouvement : les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles voulant les réunir dans le cosmos ! (Il rit). Alors casser cette image ? Peut-être, mais cela n'est pas conscient. Et dans le romantisme, le corps est important - arraché, comme dans "Faim".

En tout cas, j'ai envie maintenant de m'attarder sur les détails. Dans "Étude de Fesses", c'est bien cela : une étude sur un détail du corps. "Faim" est aussi une étude en détail sur un comportement et les conséquences physiques et morales de la privation.

Avec Florient Azoulay, mon co-adaptateur, nous avons veillé à conserver les deux dimensions physique et métaphysique du récit de Knut Hamsun - lesquelles sont plus ou moins mises en valeur selon la traduction de Georges Sautreau ou celle de Régis Boyer.

Pour en revenir à votre question, c'est vrai que j'aimais les fresques et les grandes évolutions de personnages sur scène, les prendre à un certain degré pour les mener à un conflit ultime, une explosion. Ces dernières années j'ai plutôt envie de travailler sur une couleur et toutes ses nuances. C'est un travail plus concentré.

À suivre...
Entretien réalisé le 4 septembre 2015.

"Faim"

© Isabelle Nègre.
© Isabelle Nègre.
Texte : Knut Hamsun.
Mise en scène : Arthur Nauzyciel.
Adaptation théâtrale : Florient Azoulay et Xavier Gallais.
Traductions : Régis Boyer et Georges Sautreau.
Avec : Xavier Gallais.
Collaboration artistique : Florient Azoulay.
Scénographie : Giulio Lichtner.
Mouvements : Damien Jalet.
Son : Xavier Jacquot.
Costume : Gaspard Yurkievich.
Durée : 1 h 20.

Du 26 août au 25 septembre 2015.
Du mardi au samedi à 21 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

"Étude de fesses"
Tetxtes : Xavier Gallais et le Projet Bloom.
Conception : Florient Azoulay.
Collaboration artistique : Colin Roche.
Avec : Xavier Gallais.
Soprano : Raquel Camarinha.
Guitare : Christelle Séry et Margot Fontana.
Durée : 1 h 40.

Du 30 septembre au 16 octobre 2015.
Du mardi au samedi à 21 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34

"Splendid's"
Spectacle anglais surtitré en français.
Texte : Jean Genet.
Traduction anglaise : Neil Bartlett.
Mise en scène : Arthur Nauzyciel.

Du 20 au 26 mars 2016.
Théâtre de la Colline, Paris, 20e, 01 44 62 52 52.

Christine Ducq
Mercredi 9 Septembre 2015

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Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

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