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Théâtre

Via Sophiatown… Quand la danse devient un porte-voix politique

"Via Sophiatown", Théâtre de la Cité Internationale, Paris puis en tournée

Dans sa dernière comédie musicale, la compagnie Via Katlehong Dance nous invite à découvrir deux danses venues des faubourgs de Johannesburg, la pantsula et le gumboot, danses d’expression sociale et politique qui ont émergé dans les années cinquante durant la politique d’Apartheid qui sévissait en Afrique du Sud.



© Annely Boucher.
© Annely Boucher.
Sophiatown a été un quartier multiracial de Johannesburg où noirs, indiens et métis habitaient. Puis, en 1955, l’Apartheid a décidé de séparer les différentes populations en déplaçant, entre autres, les noirs dans le quartier de Soweto.

Ce sont sur le chant, la danse et la musique que se tisse cette comédie musicale qui retrace l’histoire sociale et politique de Sophiatown. C’est au travers de ce prisme autant politique, mémoriel qu’artistique que nous convie le spectacle autour de la pantsula et du gumboot, sous le prisme de rythmes effrénés et de mouvements dont la géométrie angulaire est inexistante.

La pantsula est une danse syncopée rapide durant laquelle les bras des danseurs basculent de haut en bas dans des relâchés nourris de mouvements simples et rapides des membres inférieurs et supérieurs. Vifs, les mouvements restent toutefois dans un pré-carré où l’amplitude n’est pas la qualité première.

© Annely Boucher.
© Annely Boucher.
La gestuelle participe à des mouvements rapides. Elle semble ainsi presque esquissée. Et pourtant, tendus, vibrants, ondulés, latéraux, de biais ou frontaux, les mouvements sont de différents ordres et marqués d’un cachet corporel autant dynamique que léger.

Les pas sont déportés sur les côtés donnant une latitude aux bras qui épousent de biais un espace faisant du tronc l’axe fixe des mouvements avant que des tremblements n’apparaissent le long du visage des danseurs ou à l’extrémité de leurs membres inférieurs et supérieurs.

Rien n’est académique dans cette danse, académisme dans le sens où la gestuelle est portée par les mouvements comme résultat ou conséquence de ceux-ci. Les mouvements portent la gestuelle donnant un influx, un rythme second aux membres qui fait que celle-ci semble mourir à chaque fin de mouvements pour renaître ensuite au suivant. Le jeu théâtral est aussi très présent où les danseurs, par des attitudes faciales et corporelles, donnent aux mouvements un timbre de joie et de bonne humeur.

© Annely Boucher.
© Annely Boucher.
La seconde danse, le gumboot, était un code qu’utilisaient les mineurs noirs entre eux car ils étaient interdits de parole devant les propriétaires blancs. Le gumboot s’est forgé une identité corporelle en élaborant un mode d’expression développé, devenant "langage" corporel, qui a donné lieu ensuite à une danse. Tout se joue sur les membres inférieurs revêtus de bottes et sur lesquels les mains viennent taper pour donner du rythme et des tonalités différentes sur le plastique des bottes. Les mouvements des bras et des mains vont du bas vers le haut dans une posture où le dos du danseur est souvent courbé.

Les bottes deviennent autant instrument de musique que "ballerine". Un même instrument devient le fil conducteur de la musique et de la danse. Les mineurs ont fait de leur outil de travail un Art comme réponse originale et inventive pour faire d’une force d’exploitation un instrument d’émancipation. La botte, outil aliénant du travailleur, devient une émancipation artistique.

La pantsula et le gumboot sont habillés de spontanéité, de naturel et d’expressivité. Le spectacle est aussi accompagné de chants et de musique, au travers du clavier, du saxophone et de percussions

La danse devient le porte-voix d’une expression et d’une revendication d’un peuple. Elle est ainsi la digne représentante d’un Art qui joue et qui a joué avec succès un rôle dans les faubourgs de Johannesburg comme outil d’épanouissement politique, culturel et social.

"Via Sophiatown"

© Annely Boucher.
© Annely Boucher.
Par la compagnie Via Katlehong Dance.
Directeur artistique : Buru Mohlabane.
Chorégraphe : Vusi Mdoyi avec la collaboration de Mpho Molepo et toute l’équipe de Via Katlehong Dance.
Costumes : Dark Dindie.
Lumières : Alix Veillon.
Scénographie et direction technique : David Hlatshwayo.
Chant et narration : Nomathamsanqa Baba, Thembinkosi Hlophe.
Musiciens : Jackson Vilakazi, Muzi Radebe.
Percussions : Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni.
Avec : Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni, Mandlenkosi Fanie, Vusi Mdoyi, Mbali Nkosi, Matshidiso Mokoka, Boitumelo Tshupa, Thembinkosi Hlophe.
Durée : 1 h 10.

Du 14 juillet au 3 août 2014.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h.
Avec le festival Paris Quartier d'été.
Théâtre de la Cité Internationale, Paris 14e, 01 43 13 50 50.
>> theatredelacite.com

Tournée
2 septembre 2014 : Festival Oriente Occidente, Rovereto (Italie).
18 novembre 2014 : Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand (93).
21 novembre 2014 : Théâtre de la Renaissance, Mondeville (14).
25 au 27 novembre 2014 : MC2, Grenoble (38).
29 novembre 2014 : Ma scène nationale, Montbeliard (25).

13 mars 2015 : Les Salines, scène nationale, Martigues (13).
17 mars 2015 : Théâtres en Dracénie, Draguignan (83).

Safidin Alouache
Mardi 29 Juillet 2014

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© DR.
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Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

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