La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Travelling et zoom sur les "Short Stories" de Thierry Escaich par les Tchalik

Les Tchalik, une fratrie de musiciens franco-russes de grand talent, ont gravé cinq œuvres emblématiques de la musique de chambre de Thierry Escaich composées entre 2000 et 2018, en hommage au cinéma. Ils seront en concert lundi 14 octobre à Paris.



© Julien Daniel.
© Julien Daniel.
Thierry Escaich, un des compositeurs contemporains les plus en vue, a depuis longtemps déclaré sa flamme au septième art. Les plus chanceux ont pu assister à ses concerts d'improvisation à l'orgue accompagnant des chefs-d'œuvre du muet en France et ailleurs. Rien d'étonnant donc à ce que son activité de compositeur en témoigne également. Le dernier CD des jeunes Tchalik réaffirme avec éclat cet "hommage au cinéma" revendiqué par Thierry Escaich lui-même. Avec cinq pièces de durée inégale conçues entre 2000 et 2018, dont la dernière est dédicacée aux frères Gabriel (violon) et Dania (piano) Tchalik.

Il s'agit de "Short Stories" ; cinq "courts-métrages" musicaux de deux à un peu plus de trois minutes reliés par un thème soumis à métamorphose, qui donne son titre à l'enregistrement. Ces histoires courtes évoquent autant Fritz Lang (et "Metropolis") avec une écriture rythmique implacable que Jean Renoir "Sur un air de Charleston" (dans le scherzo central). Le compositeur français écrivait ici sa première œuvre pour ce type de duo, piano et violon.

© Julien Daniel.
© Julien Daniel.
Que l'œuvre de Thierry Escaich soit célèbre pour son travail complexe sur le rythme et le soin porté aux formes architecturales au service de l'imagination, les autres pièces choisies en témoignent parfaitement. Le Quatuor Tchalik (Gabriel et Louise, violons ; Sarah, alto et Marc, violoncelle), déjà récompensé par de nombreux prix internationaux et formant le Quintet Tchalik avec le piano de Dania, s'approprie avec un rare bonheur "La Ronde" créée en 2000 par le Quatuor Ysaÿe et le compositeur qui s'est inspiré pour cette composition, d'un peu plus de treize minutes, de la pièce d'Arthur Schnitzler et du film de Max Ophüls.

Avec ses climats changeants (dont un scherzo en pizzicati de cordes, une valse centrale et un ostinato final agité), "La Ronde" offre ici à ses interprètes l'occasion de faire valoir leur cohésion sans faille. Une cohésion doublée d'une virtuosité qui privilégie la précision du geste fût-il exacerbé - comme dans "Après l'Aurore", créé en 2005 par le Quatuor Manfred à la Beethovenhalle de Bonn (son commanditaire), une œuvre conçue en un seul mouvement d'un quart d'heure (pour le seul quatuor cette fois).

En solo pour "Nun Komm" écrit pour le violon de David Grimal en 2001 et sa boucle temporelle magnifiée par une écriture polyphonique défendue ici par Gabriel Tchalik (en quatre minutes), ou en quatuor encore pour les cinq courtes danses des "Scènes de Bal" (création en 2001 au Festival Présences de Radio France), inspirées du film d'Ettore Scola, la fratrie Tchalik relève à chaque fois le défi en ne concédant rien sur l'intensité rythmique et ses variations très complexes (évoquant par ailleurs des univers extra-classiques tels que le jazz ou les danses modernes), et sur les atmosphères toujours prenantes - dramatiques ou folâtres - que sait admirablement créer l'imagination la plus cinématographique des compositeurs d'aujourd'hui, celle de Thierry Escaich.

● Thierry Escaich - Tchalik Quintet "Short Stories".
Label : Alkonost Classic.
Sortie : 20 septembre 2019.

Concert le 14 octobre 2019 à 20 h (R. Hahn - T. Escaich).
Hôtel Le Marois.
9-11, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e.

Christine Ducq
Vendredi 11 Octobre 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024