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Théâtre

"Tempest Project" Entre vents et marées, le théâtre selon Peter Brook

Pris entre la terre insulaire qui les a naguère accueillis - sa fille, la belle Miranda, et lui, Prospero, le Duc de Milan, déchu de son trône et contraint à l'exil par son perfide frère acoquiné au Roi de Naples - et les rivages où les félons viendront immanquablement s'échouer sous l'effet d'un vent malin, le temps de la magie (théâtrale) opère… Celle de Peter Brook, mettant en scène un hiératique Prospero - Ery Nzaramba, acteur né au Rwanda - régnant en maître souverain sur les "esprits" de l'île.



© Marie Clauzade.
© Marie Clauzade.
Tout droit sortis de l'imaginaire de William Shakespeare, les personnages échappant au temps se mettent à vivre, réinterprétés par Peter Brook (assisté de Marie-Hélène Estienne) pour en renverser le sens. En effet, en portant son choix sur le seul acteur noir sur le plateau pour incarner celui qui bat les cartes du jeu - le mage Prospero, détenteur de livres ésotériques lui conférant des pouvoirs surnaturels -, l'homme de théâtre balaye d'un revers de main toute tentation de faire de Prospero le prototype du colon blanc soumettant les indigènes à son bon vouloir…

À moins que, plus subtilement, le fait que Prospero soit ici noir de peau soit à prendre comme une tentative de "réparation" judicieuse des peuples noirs, proies de l'esclavagisme. Prospero, magnifique dans sa chemise blanche, bâton en main en guise de sceptre, se taille en effet la part belle en régnant "magiquement" sur les deux esprits de l'île. Sur Ariel, esprit aérien qui s'est mis au service de Prospero après que ce dernier eut consenti à le délivrer de l'arbre où la sorcière Sycorax l'avait emprisonné, et sur Caliban, esprit des entrailles de la Terre et fils monstrueux de cette même sorcière, détestant Prospero sans pouvoir pour autant échapper à son emprise.

© Marie Clauzade.
© Marie Clauzade.
Sur un plateau dépouillé où seuls quelques tas de bois et pièces de tissus colorés esquissent un rudiment de décor, les acteurs-personnages, présents de bout en bout - assis, en attente de "rentrer en scène" -, apparaissent pour ce qu'ils sont : les porte-paroles d'une illusion à construire avec l'aide des spectateurs présents. Ainsi, de Sylvain Levitte, recouvert d'une vieille couverture crasseuse pour devenir sous nos yeux Caliban, alors que l'instant d'après, ayant enfilé une veste, il devient le timide Ferdinand, fils du Roi de Naples et amoureux fou de la belle Miranda. De l'horrible créature à la puanteur de poisson vociférant des insultes, au beau jeune homme éperdu de tendresse énonçant des douceurs, il n'a fallu que l'instant d'un accord muet passé avec le public, complice de cette métamorphose à vue.

"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves et notre petite vie est entourée de sommeil…" Ainsi de "l'enchantement" du fils du Roi de Naples par le mage Prospero, enchantement incarné sur le plateau par les lumières confondant Ferdinand et Miranda dans la même ombre projetée faisant des deux jeunes amants une entité à jamais indissoluble, à l'image des illusions créées par la seule force du Théâtre, le lieu de tous les possibles.

© Philippe Vialatte.
© Philippe Vialatte.
Après la scène hautement visuelle des deux ivrognes de l'équipage félon "découvrant" Caliban planqué sous sa couverture, et les velléités des trois compères à vouloir régler de manière définitive son compte à Prospero, s'annonce le temps du sort à réserver aux parjures… Prospero les punira-t-il d'un juste châtiment maintenant qu'échoués sur l'île par la grâce d'Ariel détournant les vents, ils sont à sa merci ? Que nenni ! La comédie - "La Tempête" en est une - exige une chute autre sans pour autant perdre une once de profondeur… Si la liberté des deux esprits de l'île a eu un prix - ils ont été contraints, consentant ou forcé, à se mettre au service de Prospero -, la liberté du vieux mage aura-t-elle aussi un prix à trouver ailleurs que dans la vengeance ?

En bord de scène, seul face au public "éclairé", Prospero, magnifique de grandeur, se délivrera avec notre assentiment de tout ressentiment. Dès lors, devenu libre, il sera à même de voguer - abandonnant la puissance surhumaine que lui conférait la magie de ses livres, fort de sa seule fragilité humaine recouvrée - vers d'autres horizons plus sereins. Et nous spectateurs, sous le charme d'un théâtre fabuleux dépouillé de tout artifice, nous sommes prêts à lever le siège, ravis d'avoir joué (librement) dans l'ombre le rôle qui nous était confié.

Vu le mercredi 17 novembre à 20 h 30 à la Scène nationale Carré-Colonnes de Saint-Médard (33).

"Tempest Project"

© Marie Clauzade.
© Marie Clauzade.
Spectacle issu d'une recherche autour de "La Tempête" de William Shakespeare.
Adaptation : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne, d'après la version française de Jean-Claude Carrière de "La Tempête" de William Shakespeare publié chez Actes Sud-Papiers.
Mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne.
Avec : Johannes Johnström, Sylvain Levitte, Paula Luna, Fabio Maniglio, Luca Maniglio, Ery Nzaramba.
Chants : Harué Momoyama.
Lumières : Philippe Vialatte.
Durée : environ 1 h 20.

Prochaines dates
Du jeudi 21 au samedi 30 avril 2022.
Du mardi au vendredi à 20 h 30, samedi à 15 h 30 et 20 h 30, dimanche à 16 h.
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris 10e, 01 46 07 34 50.
>> bouffesdunord.com

Yves Kafka
Vendredi 26 Novembre 2021

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
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Brigitte Corrigou
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024