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Festivals

Teatro a Corte... Un cocktail de spectacles magiques, rafraîchissants de créativité, de diversité et de générosité...

05/07 au 21/07/2013, Festival International "Teatro a Corte", Turin, Italie

Regard décalé, très créatif et un rien burlesque sur le cirque avec le collectif Ivan Mosjoukine, poétique de l'humain au cœur de l'atome (ou l'inverse!) et du théâtre comme questionnement sur sa solitude et son besoin "d'être ensemble" avec Dries Verhoeven, projet non abouti sur le fond mais réussi sur sa forme superbement esthétisante avec Kalle Nio, approche plastique mais terriblement organique (matricielle) de Boukje Schweigman, telles sont les impressions turinoises, chaleureuses et non moins spectaculaires que nous a laissé le premier week-end de Teatro a Corte.



"De nos jours" par le collectif Ivan Mosjoukine © Ivan Mosjoukine.
"De nos jours" par le collectif Ivan Mosjoukine © Ivan Mosjoukine.
C'est enfin l'été en France... et en Italie... Et Turin n'a pas manqué à l'appel le week-end dernier pour l'ouverture du quatorzième Teatro a Corte. Ouverture on ne peut mieux réussie avec le premier spectacle du tout jeune collectif Ivan Mosjoukine : "De nos jours [Notes on the Circus]".

D'une intelligence rare, la création de Maroussia Diaz Verbeke, Erwan Ha Kyoon Larcher, Tsirihaka Harrivel et Vimala Pons propose, sous forme de petites notes sur le cirque, une succession de décryptages sur l'acte du jeu, de l'action, de son effet - sur le public comme sur l'artiste -, démontrant ainsi que chaque vignette de vie peut devenir un acte vivant théâtralisé où la notion du temps, du dire, du faire devient une (re)découverte, une recréation, une image "montrable". Ici le jeu ne fait pas appel (au premier abord) aux performances habituelles des arts du cirque mais, dans une approche gestuelle, souvent burlesque, à une progression d'interventions dynamiques, enjouées et décalées.

"The Big Movement" de Dries Verhoeven sur la Piazza Castello © Lorenzo Passoni.
"The Big Movement" de Dries Verhoeven sur la Piazza Castello © Lorenzo Passoni.
Usant de tranches de vie du quotidien (le karaoké, le mariage, le port du voile, etc.), "De nos jours" est un spectacle qui use de "numéros" qu'on pensait connaître mais que le collectif Ivan Mosjoukine nous donne à revoir de manière complétement nouvelle, innovante... Et si nos quatre artistes (issus du CNAC) ne semblaient pas initialement jouer de la performance (jonglage, funambule, danse sur corde, etc.), subtilement, ils l'installent, allant de notes en notes crescendo pour finir en apothéose... pleine de virtuosité. Une création étonnante, rafraîchissante, burlesque et intelligente conçu par quatre jeunes artistes (25 ans de moyenne d'âge) qui prouve avec ce premier spectacle leur surprenante maturité et leurs réelles talents qui nous incitent à les suivre de très près.

Cela aurait pu s'appeler "The Big Bang"... ce sera "The Big Movement"... Une expérience inattendue écrite et conçue par le scénographe néerlandais Dries Verhoeven. Se situant entre l'art visuel et le théâtre, ses productions expérimentales s'inscrivent dans une démarche souvent radicale et inattendue où le spectateur se retrouve, consciemment ou inconsciemment, avec ou contre son gré, impliqué dans le processus théâtral, voire au centre... acteur principal d'une pièce où les artistes deviennent "guides".

Dans "The Big Movement", l'humain est le centre de l'expérimentation, au centre de l'univers. L'humain... l'homme... c'est à dire nous, spectateurs et acteurs, au sens propre comme au figuré. Vivre ou revivre la réalité pour en dévoiler l'absurdité, la relativité, la dimension superficielle, anecdotique au regard de l'infini de l'univers et du temps (métaphysique éternité) mais aussi en sublimer la surprenante et troublante chorégraphie, la poésie et la gestuelle de nos ballets affairés, de ce chaos organisé... Tel est l'un des incroyables et très réussis résultats de la création de Dries Verhoeven, nous amenant, au fil d'un texte dit en voie off (prenante voix d'Anny Tseng), à un regard différent, intériorisé, sur notre réalité... revenant à ce qu'elle est... Une agitation incessante d'atomes... Un big band permanent en somme !

À suivre...

"Lähtö", Kalle Nio © Gil Chauveau.
"Lähtö", Kalle Nio © Gil Chauveau.
Du 5 au 21 juillet 2013.
Informations pour le public : +39 011.5119409.
Biglietteria di Palazzo Reale,
Piazzetta Reale 1, Torino.
Du mardi au jeudi de 15 h à 19 h, vendredi à dimanche de 10 h à 19 h.
Info : +39 0114362736.

InfoPiemonte :
Tous les jours de 10 h à 18 h,
Piazza Castello 165, Torino.

Service de navette gratuit de Turin (Piazza Castello) pour les sites des spectacles.
Réservation obligatoire.

>> teatroacorte.it
>> Programme du festival en anglais

>> Tournée 2013/2014 du Collectif Ivan Mosjoukine.

"Lähtö", Kalle Nio © Gil Chauveau.
"Lähtö", Kalle Nio © Gil Chauveau.

"The Big Movement" de Dries Verhoeven sur la Piazza Castello © Lorenzo Passoni.
"The Big Movement" de Dries Verhoeven sur la Piazza Castello © Lorenzo Passoni.

Gil Chauveau
Vendredi 12 Juillet 2013

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

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15/09/2023