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Danse

"Static shot" Précision poétique contemporaine au Louvre !

Nouvelle édition du festival Paris l'été qui se tient du 10 au 30 juillet dans différents lieux de Paris, dont le Louvre, le lycée Jacques Decour ou La Villette. Autour de dix-huit propositions, la palette est éclectique comme à chaque fois où se mêlent installation, théâtre, cirque, musique et danse dans un large spectre d'horizons artistiques différents.



© Quentin Chevrier.
© Quentin Chevrier.
La musique démarre doucement. Les danseurs du Centre Chorégraphique National Ballet de Lorraine, dirigé par le chorégraphe suédois Petter Jacobson, arrivent côtés cour et jardin de la Cour Lefuel en descendant les deux majestueux escaliers. Construite par l'architecte Lefuel (1810-1880) dans les années 1850 sous Napoléon III, c'est l'une des six cours intérieures du Louvre. Les deux rangées de danseurs se déplacent sur scène en se croisant un à un sans se rencontrer pour aller chacun, de façon rectiligne, dans des directions opposées.

La première de ce spectacle de la chorégraphe Maud Le Pladec, directrice du Centre chorégraphique national d'Orléans depuis 2017, a été effectuée le 24 novembre 2021 à la Scène nationale d'Orléans. Les déplacements prennent, selon les moments, toute la superficie de la cour ou se restreignent sur des lignes en file indienne. Nous avons ainsi autant de réelles dynamiques de groupe que des individualités composant un ensemble comme pièces composites.

© Quentin Chevrier.
© Quentin Chevrier.
Les artistes avancent tout droit, puis effectuent une légère bascule du postérieur vers la droite ou la gauche, respectivement côtés cour et jardin, pour changer de direction dans le sens de la bascule. Puis les membres supérieurs entrent en action, le bras gauche formant intersection avec le bras droit dans des mouvements de balancier de bas en haut quand ils ne se recoupent pas à l'horizontale. Dans ces bascules, c'est aussi un mécanisme presque d'horlogerie qui est mis en place avec un rapport à l'espace précis et homogène. Tout est à sa place et à égale distance.

La composition musicale de Peter Harden et Chloé Thévenin est omniprésente, elle en est même un élément très important. Elle devient de plus en plus entraînante et est une sorte de catalyseur aux gestiques étendues, droites et géométriques qui se déploient sur scène. Le rythme est soutenu, basé, entre autres, sur des percussions. Celui-ci s'accélère tout au long de la représentation comme si le mouvement accompagnait la musique et non l'inverse. Et pourtant, malice chorégraphique, la gestuelle fait, à dessein, quelques écarts par rapport au rythme pour devenir parfois beaucoup plus pausée.

© Quentin Chevrier.
© Quentin Chevrier.
Ce qui est très intéressant, c'est que les mouvements, très physiques, continuent à l'être même si, à un moment, ils délaissent quelque peu ce tempo tout en suivant la cadence de la musique sans en emprunter la dynamique soutenue. Cela reste toutefois peu perceptible, sauf à y regarder de près, l'esprit pouvant confondre rythmes corporels et musicaux sans les découpler nécessairement.

Les membres inférieurs et supérieurs ont une position rectiligne quand les troncs, à plusieurs reprises, se meuvent avec de courtes gestiques brisées. Puis cela repart avec des gestuelles élancées. Nous avons ainsi une relation à l'espace qui recouvre toute la scène dans ses longueurs, largeurs et diagonales dans un rapport angulaire. Car il s'agit d'angles, les planches étant traversées par les danseurs à 45 et 90 degrés.

La chorégraphie, dans ses déplacements, a tout de la rectitude quand pour les gestuelles des mains, des bras et des jambes, elles s'alimentent de torsions vives et rapides. Il y a aussi deux types de rupture avec un tempo musical qui ralentit, le tout suivi par les interprètes. Le temps s'écoule pour accompagner une gestique décomposant les mouvements jusqu'à leur articulation. Là, le corps n'est plus appréhendé dans son unité, mais tel un ensemble de parties organiques.

La danse est de groupe et il n'y a pas de contact. Les artistes ne se regardent pas, ne se touchent pas, mais s'appréhendent dans un rapport à l'espace précis et régulier. De ces danseurs qui existent par le groupe, certains solos, par intermittence, s'en détachent, donnant ainsi un accent, paradoxalement, d'interaction, car ceux-ci créent avec chaque interprète un lien direct au soliste et par ricochet à l'ensemble de la compagnie qui s'organise autour de lui.

Le spectacle se finit comme il avait commencé avec ces mêmes deux files indiennes qui se rejoignent sans se rencontrer où, au fil de l'eau, chaque artiste disparaît de la scène, un peu à l'image d'un groupe où l'un est partie de l'autre avant que l'individualisme de chacun ne reprenne les rênes.

Avant le spectacle, une visite d'une heure au musée du Louvre avait été organisée dans le cadre du festival pour découvrir différents chefs-d'œuvre de sculpture grecque. Une soirée de régal !

"Static shot"

© Quentin Chevrier.
© Quentin Chevrier.
Conception et Chorégraphie : Maud Le Pladec.
Musique : Pete Harden et Chloé Thévenin.
Direction CCN-Ballet de Lorraine : Petter Jacobsson.
Artistes chorégraphiques du CCN-Ballet de Lorraine : Aline Aubert, Inès Depauw, Mila Endeweld, Angela Falk, Inès Hadj-Rabah, Laure Lescoffy, Valérie Ly-Cuong, Margaux Laurence, Céline Schoefs, Lexane Turc, Jonathan Archambault, Alexis Baudinet, Alexis Bourbeau, Charles Dalerci, Nathan Gracia, Tristan Ihne, Matéo Lagière, Afonso Massano, Lorenzo Mattioli, Willem-Han Sas.
Conseil à la diffusion sonore : Vincent Le Meur.
Lumière : Éric Soyer.
Conception et création costumes : Christelle Kocher - KOCHÉ, assistée de Carles Urraca Serra - KOCHÉ.
Assistante costumes : Laure Mahéo.
Assistant à la chorégraphie : Régis Badel.
Assistant à la dramaturgie : Baudouin Woehl.
Avec la participation de la Section Broderie du Lycée Lapie de Lunéville.
Durée : 25 minutes.
Spectacle créé les 23 et 24 novembre 2021 à la Scène Nationale d’Orléans.

Festival Paris l'été
Du 10 au 30 juillet 2023.
>> parislete.fr
Le spectacle s'est joué les 10 et 11 juillet 2023 à la Cour Lefuel du Louvre, Paris.

Tournée
17 et 18 octobre 2023 : Le Lieu Unique, Nantes (44).
15 décembre 2023 : Opéra Grand Avignon, Avignon (84).
16 et 17 mars 2024 : Le Manège, Scène nationale, Reims (51).
26 mars 2024 : La Rotonde, Thaon-les-Vosges (88).

© Quentin Chevrier.
© Quentin Chevrier.

Safidin Alouache
Mercredi 19 Juillet 2023

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