La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

"Spring"… Le cirque dans tous ses états !

La Normandie devient la capitale du cirque durant près d'un mois avec le festival Spring qui fête sa dixième édition. Cinquante-trois spectacles, autour de créations, de portraits et de patrimoines culturels, ponctuent cette manifestation qui met aussi en avant cette année les femmes.



"Fractales" par la Cie Libertivore © Philippe Lebruman 2018.
"Fractales" par la Cie Libertivore © Philippe Lebruman 2018.
Le film de Jacques Demy (1931-1990) "Les parapluies de Cherbourg" (1964), qui se déroule dans la ville du même nom, a devant lui maintenant un sérieux concurrent avec "Spring", le festival des nouvelles formes de cirque en Normandie, pour la renommée de ce lieu. Même si le périmètre géographique est beaucoup plus étendu, le festival se déroulant sur toute la région de Normandie, cette année, l'acmé du festival s'est déroulé dans cette cité de bord de mer.

"Fractales" de Fanny Soriano, de la compagnie Libertivore, nous présente un superbe spectacle auréolé d'une poésie spatiale et corporelle de toute beauté. Le mariage des lumières, de la musique et des artistes donne une atmosphère de quiétude. La danse est acrobatique mais faite essentiellement d'ondulations qui atténue l'aspect physique de ceux-ci.

Les corps se rejoignent sans se télescoper, se glissent les uns au-dess(o)us des autres. Quand l'un se plie, l'autre s'étire, quand l'un s'étend, l'autre se recroqueville. Une alchimie s'élabore, appuyée par une lumière et une musique qui mettent en exergue la poésie et la grâce des mouvements. Les corps se replient les uns sur les autres. Ils s'imbriquent, se chevauchent, finissent en virgule, en pointillés, comme ponctuant un texte.

"Fractales" par la Cie Libertivore © Philippe Lebruman 2018.
"Fractales" par la Cie Libertivore © Philippe Lebruman 2018.
La scène se déloge, le voile la recouvrant est ensuite utilisé pour être escaladé jusqu'au sommet par une interprète appuyée par ses partenaires au sol. Une pluie de sable lumineux tombe sur un autre. Nous sommes dans un ballet de mouvements poétiques avec ses tensions et ses relâchements rythmés par une musique qui mène les artistes dans des déplacements souvent physiques, parfois dansés.

Le dernier spectacle de la journée est une carte blanche, une invitation à différents univers jouxtant celui du cirque, dont le cinéma, avec entre autres Fellini (1920-1993), Dewaere (1947-1982), Buster Keaton (1895-1966). Certaines scènes du septième art sont de véritables numéros circassiens. Les percussions sont aussi au rendez-vous avec un mini concert de batterie. Le théâtre est aussi présent, sous forme de vidéos, et dans lequel Tsirihaka Harrivel est le coordonnateur. Il est une absence présente, le relais voulu de ce qui le dépasse.

Le début de la représentation est un acte d'auto-déshabillage dans un rythme soutenu d'une montagne de vêtements recouvrant Vimala Pons, avec sur sa tête d'énormes pierres plastiques explosant à la fin. Nous ne sommes pas de plain-pied dans le domaine circassien si nous entendons par là une esthétique des corps mêlant grâce et acrobaties. Là, le focus se déplace dans un autre espace, celui d'une esthétique de la surprise, de l'interrogation, de la répétition bousculée.

"Le bestiaire d'Hichem" © DR.
"Le bestiaire d'Hichem" © DR.
Et au début de cette journée a eu lieu un spectacle pour enfants "Le bestiaire d'Hichem" dans lequel Julia Brisset et Hichem Chérif font du mime animal. Celui-ci est vu au travers d'une perception humaine. La trame est de rendre compte à un très jeune public du lien qui unit l'homme à la nature, aux animaux comme frères de nature. Il n'y a pas de fil directeur, juste une juxtaposition de mimes entre un animal, souvent roi, sans maître, face à lui-même ou à une congénère dans un espace de cohabitation. La signature de cette création pour cette jeune génération semble être "Attention de laisser la nature comme elle est". Elle devrait plutôt s'appliquer à un public d'adultes.

Du Cotentin à la Manche, de l'Orne au Calvados, de la métropole Rouen Normandie à l'Eure, le monde circassien a posé ses bagages jusqu'au 5 avril en Normandie où, grâce aux nouvelles infrastructures qui sont notamment mises en place à Cherbourg, celui-ci s'implante avec enthousiasme et avenir.

Festival Spring

"Le bestiaire d'Hichem" © DR.
"Le bestiaire d'Hichem" © DR.
Du 1er mars au 5 avril 2019.
Festival des nouvelles formes de cirque en Normandie.
Proposé par la Plateforme 2 Pôles cirque en Normandie, La Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre à Elbeuf.
Réservation : 02 35 52 93 93 (Métropole Rouen Normandie), 02 33 88 33 99 (La Brèche), 02 35 70 22 82 (CDN Rouen Normandie).
>> festival-spring.eu

>> Programmation.

Safidin Alouache
Jeudi 21 Mars 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023