La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Réparations en cours" : donner une conscience aiguë de la théâtralité de l'homme… et des femmes !

"Réparations en cours", Tremplin Théâtre, Paris

L'action de "Réparations en cours" se situe entre la table et le fauteuil. L'histoire est simple, Un personnage prépare le repas, l'autre un exposé savant pour une grandes cause. C'est drôlissime. Le couple s'agite…



© Lineka.
© Lineka.
La distribution des tâches, la répartition et la hiérarchisation des fonctions, l'attribution des rôles à l'un et à l'autre en fonction des compétences et des goûts sont traditionnelles. C'est l'instantané du quotidien d'un couple bien sympathique.

Placé à un haut niveau de sophistication. C'est que ils sont "elles". Cathy et Antoinette sont militantes féministes, elles connaissent leur Beauvoir, leur Despentes et leur Halimi sur le bout du doigt et le bout de la langue. Rompues aux subtilités des argumentaires militants, sensibles aux malheurs féminins et aux histoires de bonnes femmes, elles sont heureuses en ménage.

Brillantes toutes les deux dans leur domaine, entre nourriture et pensée, dépendance et liberté, elles savent questionner le statut des femmes, extraire le meilleur du monde, le bonheur de vivre en bonne intelligence et quiétude. "Réparations" en cours parle des femmes par des femmes.

© Lineka.
© Lineka.
Le jeu se faufile entre lieux communs de la vie quotidienne et textes à haute valeur ajoutée de conscience sociale qu'il compile. Il exploite, dans la bonhomie et la gaité, toutes les ressources de la table de préparation culinaire, de la table d'escamotage de cabaret ainsi que de l'estrade. Il présente, par son sens du détail concret et ses capacités d'auto-ironie, comme une concrétion de scène de la vie, pour le spectateur une concrétisation de l'effet théâtre.

La pièce a la complexité du vivant, elle a aussi la vitalité de la comédie. Les textes font leur chemin sans heurts. Et mine de rien, sans coup férir, cueilli comme une crêpe à la chandeleur, le spectateur est porté à ce point de théâtralité ultime qu'occupe un juré lors d'un procès. Impliqué plus précisément dans l'écoute de la réquisition d'un certain magistrat, Luc Frémiot, qui, en 2012 à la cour d'assises de Douai, demanda l'acquittement pour une femme ayant égorgé le père de ses 4 enfants. Elle n'avait plus supporté les viols et les coups endurés pendant 17 ans.

"Réparations en cours" est résolument optimiste, décrit par le menu ces choses qui ne sont pas grand-chose et qui ne sont pas rien. Des riens comme l'idée de justice, d'égalité, de conscience. Pas grand-chose. "Réparations en cours" est une simple graine de théâtre qui donne une conscience aiguë de la théâtralité de l'homme (et des femmes). De quoi vraiment apprendre à rire. Plutôt que d'en pleurer.

"Réparations en cours"

© Lineka.
© Lineka.
Textes : Christine Delphy, Virginie Despentes, Luc Frémiot, Benoîte Groult, Gisèle Halimi…
Avec : Fanny Atlan, Corinne Merle.
Création lumière : Fabienne Breitman.
Collaboration artistique : Florence Évrard.

25 au 27 février, 10 au 12 et 17 au 19 mars, 1er, 2, 8, 9 avril 2016 à 20 h 30.
Tremplin Théâtre, Paris 18e, 01 42 54 91 00.
>> tremplintheatre.fr

5 mars 2016 à 20 h 30.
À l’occasion du Festival Femmes du monde.
La Scène Chapelle des Pénitents, Pont-Saint-Esprit (30).
Réservation : 06 81 89 06 74.

Jean Grapin
Jeudi 25 Février 2016

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022


Brèves & Com








À découvrir

"Salle des Fêtes" Des territoires aux terroirs, Baptiste Amann arpente la nature humaine

Après le choc de sa trilogie "Des Territoires", dont les trois volets furent présentés en un seul bloc de sept heures à Avignon lors du Festival In de 2021, le metteur en scène se tourne vers un autre habitat. Abandonnant le pavillon de banlieue où vivait la fratrie de ses créations précédentes, il dirige sa recherche d'humanités dans une salle des fêtes, lieu protéiforme où se retrouvent les habitants d'un village. Toujours convaincu que seul ce qui fait communauté peut servir de viatique à la traversée de l'existence.

© Pierre Planchenault.
Si, dans "La vie mode d'emploi", Georges Perec avait imaginé l'existence des habitants d'un bâtiment haussmannien dont il aurait retiré la façade à un instant T, Baptiste Amann nous immerge dans la réalité auto-fictionnelle d'une communauté villageoise réunie à l'occasion de quatre événements rythmant les quatre saisons d'une année. Au fil de ces rendez-vous, ce sont les aspirations de chacun qui se confrontent à la réalité - la leur et celle des autres - révélant, au sens argentique d'une pellicule que l'on développe, des aspérités insoupçonnées.

Tout commence à l'automne avec l'exaltation d'un couple de jeunes femmes s'établissant à la campagne. Avec le montant de la vente de l'appartement parisien de l'une d'elles, écrivaine - appartement acquis grâce au roman relatant la maladie psychiatrique du frère qui les accompagne dans leur transhumance rurale -, elles viennent de s'installer dans une usine désaffectée flanquée de ses anciennes écluses toujours en service. Organisée par le jeune maire survient la réunion du conseil consultatif concernant la loi engagement et proximité, l'occasion de faire connaissance avec leur nouvelle communauté.

Yves Kafka
17/10/2022
Spectacle à la Une

"Qui a cru Kenneth Arnold ?" Une histoire à dormir… éveillé

Levant la tête vers le ciel, qui pourrait soutenir encore que le monde s'organise autour de la Terre centrale et immobile… depuis que Copernic et Galilée ont renversé magistralement la hiérarchie du système solaire, rejetant notre planète Terre - actrice décatie et déchue - au rang d'accessoire de l'étoile Soleil ? De même qui, de nos jours, pourrait être assez obtus pour affirmer que d'autres formes d'intelligences ne puissent exister dans l'univers… depuis que le GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés) a été scientifiquement créé pour démêler le vrai des infox entourant ces phénomènes ? Le collectif OS'O, la tête dans les étoiles (cf. "X", sa précédente création), s'empare de ce sujet ultrasensible pour apporter sa contribution… "hautement" artistique.

© Frédéric Desmesure.
Dans l'écrin du Studio de création du TnBA, une table avec, pour arrière-plan, un écran tendu plantent le décor de cette vraie fausse conférence sur les P.A.N. Mobilisant les ressources de la haute technologie - bricolée frénétiquement - un (vrai) acteur (faux) conférencier de haut vol, assisté d'une (vraie) actrice (fausse) scientifique coincée dans ses notes, et accompagné d'un (vrai) acteur complice, (faux) journaliste critique, incrusté dans les rangs du public, le maître ufologue va compiler les témoignages venus d'ici et d'ailleurs.

Sur le ton amusé des confidences, le conférencier introduit la session en livrant son étrange vision d'une nuit d'été où, à l'aube de ses quinze ans, à 23 h 23 précises, il fut témoin d'une apparition fulgurante alors qu'il promenait son chien sur une plage… Et, encore plus étranges, les deux heures qui suivirent et leur absence de souvenirs, comme s'il avait été "ravi à lui-même", enlevé par les passagers des soucoupes orange…

Suivent d'autres témoignages reposant eux sur des archives projetées. Ainsi, dans l'état du New Hampshire, du couple Betty et Barney Hill, témoignant "en gros plan" avoir été enlevé par des extraterrestres dans la nuit du 19 au 20 septembre 1961. Ainsi, au sud du Pérou, des géoglyphes de Nazca, photographies à l'appui montrant un système complexe de lignes géométriques seulement visibles du ciel… et ne pouvant avoir été tracées que par des extraterrestres…

Yves Kafka
09/02/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022