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Théâtre

"Rabudôru, poupée d'amour" Une expérience intime de théâtre filmé, diffusée en direct via le web

L'incidence de la mise en sommeil de tous les spectacles, en ce mol novembre 2020, n'est pas la seule raison de cette représentation destinée aux internautes à laquelle nous a conviée la Compagnie La Cité Théâtre. Dès la conception du spectacle, Olivier Lopez, auteur et metteur, envisageait une double vision du spectacle : une en contact direct avec le public de la salle, l'autre en streaming par captation en temps réel.



© Julien Hélie.
© Julien Hélie.
"Le "ciné live stream" est un autre regard sur l'histoire de "Rabudôru". Accessible en ligne, cette "dématérialisation" interroge l'expérience théâtrale, la place du(de la) comédien(ne), entre l'image et le plateau. (Olivier Lopez/Dossier de presse).

Le plateau de théâtre devient également plateau de cinéma, avec cadreurs, techniciens et cabine de réalisation intégrée. Le but est de rechercher d'autres rapports à la scène que cet éphémère "ici et maintenant" dont le spectacle vivant a toujours été fier et dépendant. C'est un ici au ailleurs que propose Olivier Lopez mais pas seulement.

Le filmage en direct apporte, dans certaines scènes, une proximité, une intimité avec les personnages sans le filtre de la déclamation théâtrale. Les expressions en plans rapprochés semblent plus fortes. Les cadrages permettent d'oublier un temps le reste du décor plateau et s'immerger plus profondément dans la scène, passer d'un lieu à un autre avec souplesse et précision.

© Julien Hélie.
© Julien Hélie.
Mais outre ces effets "cinéma" bien connus, la captation vient ici apporter un supplément de sens à la thématique développée dans "Rabudôru, poupée d'amour". Au travers de cette histoire d'une entreprise de jouets obligée de se reconvertir dans la production de poupées pour adultes, Olivier Lopez et sa compagnie explorent le rapport que nous entretenons avec les objets, la manière dont nous les traitons, comment nous les humanisons parfois. Mais aussi, grâce à cette étrange présence d'une poupée grandeur nature, de notre rapport au corps. Au travers cette perception doublée par le streaming, le jeu physique des interprètes est lui aussi distancié, perçu différemment et questionné.

Cet exercice demande aux quatre interprètes une réelle rigueur, un investissement intense, une précision sans failles. Ils réussissent parfaitement à "être" ces personnages, même vu à la loupe vidéo, et nous faire vivre cette pièce réaliste qui se penche sur les conséquences sociales des bouleversements économiques actuels. Intérêts privés, ambitions, luttes sociales, liens affectifs, pertes de tendresse parsèment cette histoire dont le ton reste pourtant très prisonnier du regard analytique.

Peut-être est-ce un effet secondaire de la vision à travers un écran d'ordinateur que cette froideur scientifique ? Dans le dernier spectacle d'Olivier Lopez, "Bienvenue en Corée du Nord", la chaleur humaine sourdait à chaque seconde à travers les personnages de clowns interprètes de cette histoire. Ici, le ton est plus âpre, plus proche de la réalité tragique des drames intimes que les faillites d'entreprises provoquent au cœur de nos vies.

"Rabudôru, poupée d'amour"

© Julien Hélie.
© Julien Hélie.
Nouvelle création de La Cité Théâtre.
Écriture et mise en scène : Olivier Lopez.
Assistante à la mise en scène : Lisa-Marion McGlue.
Avec : Alexandre Chatelin, Laura Deforge, Didier de Neck et David Jonquières.
Collaboration dramaturgique : Julie Lerat-Gersant.
Création lumière : Louis Sady.
Création sonore : Nicolas Tritschler.
Régie son - stream : Pierre Blin.
Cadrage et réalisation vidéo - stream : Jonathan Perrut.
Régie vidéo : Olivier Poulard.
Cadrage et régie plateau : Simon Ottavi.
Costumes : Angela Séraline et Carmen Bagoé (Atelier Séraline).
Fabrication de la poupée : 4WOODS.
Perruques : Muriel Roussel.
Durée : 1 h 20 (estimation).
À partir de 12 ans (14 ans en scolaire).

Tournée 2021
17 mars 2021 : Kinneksbond - Centre Culturel, Mamer, et en ciné live stream (Luxembourg).
30 mars 2021 : l'Archipel - Scène conventionnée, Granville (50).
1er avril 2021 : DSN - Scène nationale, Dieppe (76).
8 avril 2021 : Théâtre des Halles, Avignon (84).
14 avril 2021 : Halle ô Grains - Saison culturelle, Bayeux (14).
16 avril 2021 : Saison culturelle, Merville-Franceville-Plage (14).
Juillet 2021 : Festival OFF d'Avignon, Théâtre des Halles, Avignon (84).

Bruno Fougniès
Lundi 16 Novembre 2020

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Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

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© Pierre Gondard.
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© DR.
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