La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Pinocchio (live) #2"… Fabrique de talents

Dans un spectacle où les humains deviennent marionnettes, Cécile Laloy s'est inspirée des arts de la contorsion de Mongolie pour incarner de l'inorganique dans du vivant au sein d'une manufacture de Pinocchio.



© Compagnie S’Appelle Reviens.
© Compagnie S’Appelle Reviens.
Âgés d'environ huit ans, des enfants déboulent sur scène, en une seule grappe de dix avec pour l'un, une marche sur les deux mains en équilibre, pour deux ou trois autres, des cris de gaité et, pour le restant, des discussions animées. Le tout est monté sur une sorte de petit char sur roulettes. L'entrée est joyeuse et bruyante. L'enfance sans doute avec ses codes encore fluctuants et sans soucis du voisinage.

Le monde adulte, avec dix personnes, arrive ensuite de façon très silencieuse, mutiques comme si l'enfance, synonyme de joyeuseté, de vie et de spontanéité entendue précédemment, s'était éteint en eux.

Habillés d'une veste bleue, pantalon et chaussures noirs plaquées sur de gros blocs de bois, ils viennent avec du matériel pour élaborer un atelier de fabrication en montant dix tables. Une fois cette action effectuée, les enfants sont déposés dessus, déjà la gaité sous cloche. Ils sont presque sans vie, sans mouvement, le regard fixe et sans éclat. Comme si, entre la première scène et celle-ci, ils avaient pris conscience de ce qui allait leur arriver.

Une opération de confection s'effectue en "live", celle des Pinocchio. Elle se monte avec des êtres de chair transformés au fil de la représentation en pantins par le biais de peintures, blanche et rouge, vêtus ensuite du costume du célèbre personnage, accompagné d'une gestuelle corporelle maîtrisée.

© Paulina Pisarek.
© Paulina Pisarek.
Les enfants lâchent leurs muscles puis, dans des soubresauts, ceux-ci prennent parfois un semblant de vie, ponctués par une caisse claire. Les corps somnolents au début, puis comme anesthésiés, sont au sol, de tout leur long ou en position assise. Ils sont sans vie. La peinture blanche sur leurs peaux leur donne une sorte d'apesanteur temporelle, comme des objets déposés. Ils sont recroquevillés ou à moitié étendus. De grands yeux bleus sont dessinés sur chacune de leurs paupières.

Au moment des prises de photos par un appareil télécommandé sur roulettes, ils déploient, à l'aide de leurs confectionneurs respectifs situés derrière eux, un mouvement d'élongation des bras ou des jambes, mais toujours sans vie. Comme des natures mortes. L'immobilité assomme la mobilité de la première scène, comme le fixe, le mouvant et la mort, la vie. Tout devient ordonné une fois les adultes arrivés. Ce basculement dans l'inorganique est très bien ordonné dans un décor qui devient figé tout comme les enfants dans leurs postures.

C'est un spectacle de marionnettes, humaines, où le vivant s'effiloche et disparaît complètement durant la représentation laissant place à des pantomimes, avec une gestuelle pour laquelle Cécile Laloy s'est fortement inspirée des arts de la contorsion mongols, inscrits au patrimoine culturel de la Mongolie.

© Paulina Pisarek.
© Paulina Pisarek.
Pour faire disparaître ce vivant, le maquillage, au-delà des contorsions, a aussi son importance avec des sprays de peinture blanche recouvrant les membres inférieurs et supérieurs des enfants. Les lèvres sont maquillées de rouge après que soit déposé un long nez de bois, juste à ce moment-là, pour recouvrir le contour de leurs bouches.

Seuls instants de vie durant cette confection, un chariot sur lequel est déposée une bobonne d'oxygène rouge avec, dessus, une femme, animatrice avec son porte-voix, et un homme avec sa caisse claire, ses baguettes de batterie et ses balais de jazz. Ils battent la mesure vocalement pour la première et musicalement pour le second, bousculant par intermittence le silence, véritable roi des planches. Comme dans un cirque où, sous des dehors de monsieur Loyal en moins jovial, ils présentent, accompagnent et finissent le spectacle.

La représentation ressemble à un jeu de construction dans laquelle peuvent se mélanger différents thèmes sociologiques (robotisation de la société par l'éducation, identification au modèle des contes…). Chacun peut y puiser sa source de réflexion ou y voir de façon plus détachée, au travers de cette fabrique, peut-être de futurs talents scéniques.

"Pinocchio (live) #2"

© Paulina Pisarek.
© Paulina Pisarek.
Conception, mise en scène : Alice Laloy.
Composition sonore : Éric Recordier.
Chorégraphie : Cécile Laloy, assistée de Claire Hurpeau.
Conseil et regard contorsion : Lise Pauton, Lucille Chalopin.
Scénographie : Jane Joyet.
Costumes : Oria Steenkiste, Cathy Launois et Maya-Lune Thieblemont.
Accessoires : Benjamin Hautin, Maya-Lune Thieblemont et Antonin Bouvret.
Régie générale et lumière : Julienne Rochereau.
Avec les enfants-danseurs du Centre Chorégraphique de Strasbourg et les élèves de la classe d'art dramatique du conservatoire de Colmar, accompagnés par Norah Durieux et Elliott Sauvion Laloy.
Par la Compagnie S’Appelle Reviens.
Durée : 1 h 15.
À partir de 8 ans.

Du 16 au 21 juillet 2021.
Les 16, 17, 20 et 21 juillet à 18 h.
Le Monfort Théâtre, Paris 15e.

Festival Paris l'été
Du 12 juillet au 1er août 2021.
>> parislete.fr

Tournée
12 et 13 novembre 2021 : Comédie de Colmar - CDN Grand Est Alsace, 
Colmar (68).
4 et 5 décembre 2021 : Théâtre de la Manufacture - CDN Nancy-Lorraine
, Nancy (54).
12 et 13 mars 2022 : TJP - CDN Strasbourg Grand Est
, Strasbourg (67).
18 et 19 mars 2022 : Festival M.A.R.T.O, Théâtre 71 - Scène nationale, Malakoff (92).
12 au 16 avril 2022 : Théâtre National Populaire (TNP), Villeurbanne (69).

Safidin Alouache
Mercredi 21 Juillet 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024