La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Piano works Debussy" Debussy et la danse, un couple toujours aussi moderne !

La danse donne rendez-vous à la musique classique où la chorégraphe-danseuse Lisbeth Gruwez et la pianiste Claire Chevallier se retrouvent pour proposer un spectacle où le souffle, la tonicité et le rythme corporel de la première font alliance avec le talent de la seconde, nourri par la créativité du compositeur français qui avait déjà, avec "Prélude à l'après-midi d'un faune" (1892-1894), donné naissance à la musique moderne.



© Danny Willems.
© Danny Willems.
Un piano se découvre avec Lisbeth Gruwez et Claire Chevallier en arrière-scène qui s'avancent. La seconde se détache pour rejoindre son instrument quand la première démarre une gestuelle nourrie de danse classique. Côté musical, ce sont, au piano, des extraits de "Préludes" (1909-1912), "Images" (1904 et 1907) et "Les estampes" (1903) de Debussy (1862-1918) qui accompagnent la représentation dans laquelle la gestuelle de Lisbeth Gruwez est à différentes géométries spatiales. La scène est en effet investie, physiquement comme géographiquement, de différentes manières autant dans la tonicité du corps que dans la superficie du plateau.

Nous sommes dans un tempo autant musical que corporel où les pauses tiennent une grande place. Elles sont multiples, comme des moments presque de méditation et de retour à soi de la danseuse. Elles interviennent autour de chorégraphies multiples qui s'enchaînent pour former un ensemble. Le tout se coordonne dans une cadence à deux temps qui est comme celui d'une respiration, avec ses inspirations et ses expirations, les secondes étant les chorégraphies, quand les premières sont ces moments de pause où l'interprète reprend son souffle, qui crée des ruptures de rythme.

© Danny Willems.
© Danny Willems.
Il y a une fluidité autant dans la gestuelle que dans cette prise en compte d'un espace qui fait écho à un temps qui s'écoule doucement. Le rapport de l'interprète à sa gestuelle et à son espace est dans une forme d'intimité où les instants, autant physiques que méditatifs, donnent une sensation autant intérieure qu'extérieure d'un spectacle qui donne à voir aussi ainsi ses coulisses au bord de la scène dans ces moments de recueillement.

Il y a un intermède comique où les deux interprètes changent de place et de rôle autant physiquement que symboliquement avec la musicienne qui fait quelques mouvements quand la chorégraphe s'amuse à faire entendre quelques notes. Le spectacle a un visage à la Janus avec un côté autant dynamique que reposé. La danseuse suit le tempo du piano, mais aussi le souffle de son organisme.

C'est un mariage entre une enveloppe corporelle et une musique où les notes sont interprétées dans une gestuelle courbe qui peut devenir cassante et où le corps est autant porté par des membres supérieurs élancés, larges, que par des pas, parfois petits, qui longent la scène sur toute sa superficie. Les déplacements, souvent filiformes, sont autant toniques que fluides.

© Danny Willems.
© Danny Willems.
À un moment, l'artiste suit presque la cadence des notes avec une gestuelle plus tendue accompagnée de poings refermés. La tension devient tout autre avec un corps plus ramassé. À d'autres moments, l'amplitude prend du volume dans les membres inférieurs et supérieurs avec des sauts de jambes et des bras qui s'étendent. Lisbeth Gruwez fait des tours sur elle-même pour se reprendre afin d'aller chercher un équilibre où elle se hisse sur ses pointes avant que quelques oscillations du plat du pied gauche par le talon la déportent vers un autre emplacement.

C'est à chaque fois une sorte d'espièglerie artistique que nous propose la chorégraphe avec une gestuelle qui fait écho aux compositions de Debussy.
C'est joli, efficace et audacieux.

"Piano works Debussy"

Chorégraphie : Lisbeth Gruwez
Musique : Claude Debussy.
Avec : Lisbeth Gruwez (danse), Claire Chevallier (piano).
Collaboration artistique : Maarten Van Cauwenberghe.
Dramaturgie : Bart Meuleman.
Scénographie : Marie Szersnovicz.
Lumière : Stef Alleweireldt, Gilles Roosen.
Son : Alban Moraud, Maarten Van Cauwenberghe.
Production : Voetvolk vzw.
Durée : 1 h.

Du 14 au 22 octobre 2022.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 18 h 30.
Théâtre Bastille, Paris 11e, 01 43 57 42 14.
>> theatre-bastille.com

Safidin Alouache
Jeudi 20 Octobre 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024