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Théâtre

"One Song" La vie en boucle… Comme le saphir sur un vinyle rayé, actrices et acteurs creusent le même sillon

En 2022, pour la 76e édition du Festival d'Avignon, l'artiste flamande Miet Warlop a été invitée à joindre sa contribution à l'écriture de l'"Histoire(s) du Théâtre". De ce projet collectif est né "One Song", quatrième volet d'un cycle monumental explorant les arcanes du théâtre… Sous l'œil d'un métronome battant obstinément la mesure d'un temps endiablé, la chanson-titre est clamée jusqu'à épuisement par les gladiateurs présents dans l'arène. Sous les commentaires débridés de leur guide-speakerine haut perchée (dans les gradins), leur performance autant artistique que sportive métaphorise le mantra de toute création : la répétition à haute fréquence jusqu'à extinction… des feux de la rampe.



© Michiel Devijver.
© Michiel Devijver.
Sur le plateau inondé d'une lumière crue, des instruments de musique attendent que cinq sportifs en short et maillot veuillent bien s'en emparer. Après s'être soumis au rituel de l'échauffement, de manière furieuse jusqu'à s'effondrer, ils feront rugir les batteries en se jetant sur les percussions, s'éreinteront en jouant du violon en équilibre sur une poutre, se jetteront dans un corps à corps exalté avec la contrebasse, ou encore entonneront "la chanson" en courant à grandes foulées sur un tapis roulant devenu fou. Collectif des musiciens sportifs déchaînés trouvant son écho dans celui des supporters des tribunes, arborant les écharpes, les exhortations, les sifflets des aficionados des stades. Le tout pimenté des déambulations incessantes d'une pom-pom girl masculine aux chorégraphies toniques.

Lorsque l'on aura ajouté à ce panoramique que la speakerine de l'événement sportif-musical (ou musical-sportif, à votre "agrès") n'est autre que l'artiste performeuse toute d'orange vêtue, crachouillant ou riant à se tordre au micro en commentant à gorge égosillée "la rencontre", on aura à peu près tout dit du dispositif. Et puis… euh rien d'autre, ou pas grand-chose… Ah si… de l'eau tombant des cintres, moment rafraîchissant pour souligner que même face à l'adversité des éléments naturels, rien ne peut entamer l'extraordinaire énergie (effectivement sur-réelle !) des membres de ce collectif, solidaires comme pas un.

© Michiel Devijver.
© Michiel Devijver.
Une longue heure durant, une éternité à l'échelle d'un spectateur non irradié par la débâcle d'énergie "ciné-tique", se répéteront sans faillir les mêmes motifs : engagement absolu et épuisement total des corps, musique paroxystique justifiant les bouchons d'oreille distribués généreusement à l'entrée, chanson répétitive entonnée à tue-tête, etc. Un cycle… recyclé à l'envi, une compulsion de répétition du même pouvant être dupliqué à l'infini.

Certes, les (bonnes) intentions sont ici "criantes"… En transposant dans une arène sportive les oscillations qui traversent toute création - et la sienne tout particulièrement -, l'artiste performeuse met en abyme l'importance du collectif, de l'entraide, de la répétition inlassable d'efforts démentiels à déployer sans relâche pour aboutir à une forme artistique jamais close, restant toujours à questionner même lorsqu'elle prend la forme d'une boucle apparemment parfaite. Cependant, l'énergie circulaire… tourne ici cruellement en rond. Face à cette chorégraphie musicale et sportive, un autre marathon emblématique se rappelle à nous, modifiant le titre de cet article : "On achève bien… les disciples inconditionnels du théâtre".

Vu le mercredi 27 mars dans la Grande salle Vitez du TnBA de Bordeaux.

"One Song"

© Michiel Devijver.
© Michiel Devijver.
Texte : Miet Warlop, avec le conseil artistique de Jeroen Olyslaegers.
Traduction du texte : Erik Borgman.
Conception, mise en scène et scénographie : Miet Warlop.
Avec : Simon Beeckaert, Elisabeth Klinck, Willem Lenaerts, Milan Schudel, Melvin Slabbinck, Joppe Tanghe, Karin Tanghe, Wietse Tanghe, Sid Djamel Besseghir, Rint Dens †, Judith Engelen, Marius Lefever, Flora Van Canneyt.
Musique : Maarten Van Cauwenberghe.
Création sonore : Bart Van Hoydonck, Raf Willems.
Création Costume : Carol Piron & Filles à Papa.
Création Lumière : Dennis Diels.
Dramaturgie : Giacomo Bisordi.
Assistant à la dramaturgie : Kaatje De Geest.
Réalisation accessoires et costumes : Ateliers NTGent.
Régie générale, lumière et plateau : Jean-Luc Malavasi.
Direction technique et régie générale, Oliver Houttekiet.
Régie technique : Flup Beys, Dietrich Lerooij, Gilles Roosen, Bart Van Hoydonck, Raf Willems, Laurent Ysebaert, Pieter Kinoli.
Production NTGent et Miet Warlop/Irene Wool vzw.
Durée 1 h.

© Michiel Devijver.
© Michiel Devijver.
Tournée
5 et 6 avril 2024 : Palais des Beaux-Arts de Charleroi, Charleroi (Belgique).
4 mai 2024 : Concertgebouw Brugge, Bruges (Belgique).
11 et 12 mai 2024 : Stadsschouwburg De Harmonie, Leeuwarden (Pays-Bas).
21 et 22 mai 2024 : Cankarjev Dom, Ljubljana (Slovénie).
28, 29, 31 mai, 1 et 2 juin 2024 : Teatro Bellini, Naples (Italie).

Yves Kafka
Lundi 8 Avril 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
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Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024