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Danse

"On stage" D'une fixité statuaire mouvante !

Dans sa dernière création, Maria Hassabi décline une performance autour de ce qui fait figure humaine et objet inanimé. Dans cet espace artistique où les frontières entre l'une et l'autre s'entrecroisent, elle déploie une gestuelle millimétrique où seuls son visage, son tronc et ses membres inférieurs deviennent les témoins expressifs d'une seule et unique posture scénique.



© Beniamin Boar.
© Beniamin Boar.
Dans l'obscurité et le bruit des vagues se noie une forme indistincte. Une lointaine silhouette blanche apparaît, un peu ondulante, qui se découpe plus nettement pour laisser voir, au fil des secondes qui s'égrènent, une apparence humaine se rapprochant.

En habit de jean délavé blanc et bleu, apparaît Maria Hassabi. La danseuse, née à Chypre et partageant sa vie entre Athènes et New-York, utilise la lenteur comme temporalité expressive dans laquelle ses gestiques, presque immobiles, laissent voir un portrait à la fois statuaire et plus vivant que jamais.

Il n'y a pas de décor. L'espace est vide. Elle s'expose telle une sculpture mouvante via des mouvements quasi millimétriques, sans pour autant décliner des attitudes égocentriques. L'artiste est en position de défi, le regard quasiment hautain, les membres inférieurs bien cambrés au sol. Elle est là, comme une apparition, sans faire quoique ce soit de manifeste. Elle est face au public dans un équilibre continu entre fluidité et tension, force et finesse.

© Beniamin Boar.
© Beniamin Boar.
Dans une presque fixité, elle existe dans ce qu'elle est, sans apparat et sans gestuelle expressive. Elle bouge tout doucement, la tête et le tronc penchés, un peu de biais. Celui-ci est un peu décalé sur le côté, l'épaule gauche un peu plus en hauteur que celle de droite. Les pieds glissent au sol. Tout est fait en subtilité.

La chorégraphie est sans gestuelle marquée. Nulle trace d'une poésie de formes et d'espaces animés. La performance se résume à sa personne, juste animée de mouvements qui la différencient d'un objet, dans une échelle temporelle d'une granularité semblant être celle de fractions de secondes étirées dans un espace à la fois clos, dans l'ombre, et étendu, dans la lumière.

Dans ces gestiques où force et grâce cohabitent, le corps, venu de l'obscurité, acte sa présence dans la lumière. La fixité occulte le mouvement, la danseuse se tenant immobile pendant plusieurs secondes avant chaque léger décalage du tronc ou des jambes. Maria Hassabi fixe l'attention des spectateurs habilement, sans qu'elle dégage une réelle expressivité corporelle. Elle établit avec eux une relation soutenue par son regard et sa posture.

Qui regarde-t-elle ? Personne, ou peut-être tout le monde, la direction de ses yeux pointant en hauteur côté cour. Le public ne peut observer qu'elle, rien d'autre sur scène existant. Elle est femme-objet bien que sujet de ce qu'elle dégage, et elle transforme, par l'intensité de son regard et de sa gestuelle, l'assistance en objet. Seul son visage témoigne de ce qu'elle exprime, libre aux spectateurs de projeter ce qu'ils veulent.

Depuis 2000, le travail chorégraphique de Maria Hassabi se construit dans une thématique où la relation entre objet, image et personnalité humaine se situe dans un pré carré ténu, à la frontière de l'animé et de l'inanimé, de l'objet et du sujet, du fixe et du mouvant.

Les lumières jouent sur des clairs-obscurs dans lesquels la chorégraphe-danseuse apparaît comme détachée d'un espace sans fond. Sans qu'il soit réellement présent, le silence devient compagnon et habille la solitude de l'artiste, qui est seule comme coupée de tout lien. Sa personne est à l'intersection de l'objet, de l'image et de l'être vivant qui se meut pour s'échapper du "mime statue" afin de faire toujours partie d'un monde, celui de l'animé.
◙ Safidin Alouache

"On stage"

© Beniamin Boar.
© Beniamin Boar.
Performance : Maria Hassabi.
Création sonore : Stavros Gasparatos, Maria Hassabi.
Création lumière : Aliki Danezi Knutsen.
Costumes : Victoria Bartlett, Maria Hassabi.
Assistants : Elena Antoniou, Maribeth Nartatez.
Production : Vassia Magoula.
Management et distribution : Rui Silveira, Something Great.
Régisseur général : Hugues Girard.
Production : Maria Hassabi en collaboration avec Something Great.
Durée : 1 h.

A été représenté du 22 au 24 octobre 2025.
Chaillot - Théâtre national de la Danse, 1, place du Trocadéro, Paris 16e.
>> theatre-chaillot.fr
Avec le Festival d'Automne.

Safidin Alouache
Jeudi 6 Novembre 2025

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