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Avignon 2024

•Off 2024• "Yé ! (L'eau)" Un cirque impertinent et joyeux, collectif d'acrobates virtuoses, abordant l'épineux problème de l'eau

Ils sont treize, treize acrobates et danseurs, danseuses, originaires de Conakry, en Guinée. Enfants de la rue, ils et elles ont été formé(e)s aux arts de la scène par les meilleurs professionnels africains et français. Leur dernière création, "Yé ! L'eau" est une épopée spectaculaire qui leur permet de faire à la fois la preuve de leur virtuosité et de nous raconter une histoire "écologique" se référant à cette ressource essentielle, rare et précieuse, qu'est l'eau.



© Metlili.net.
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Si l'écologie est (ou devrait être) au centre de nos préoccupations actuelles, l'eau en est une des composantes vitales en tant que ressource élémentaire, incontournable, fondatrice de la vie. Mais celle-ci est aussi liée à l'un de ses contenants, problème majeur en matière d'environnement, la bouteille en plastique. On pense évidemment, dans le domaine des causes provoquant les pollutions terriennes et océaniques, au mode de consommation occidentale… mais cela concerne aussi des continents comme l'Afrique, et ses peuples, subissant ou générant ces dégâts environnementaux, et surtout étant parmi les premières populations victimes de la cruelle pénurie d'eau.

Au-delà de la richesse artistique et créative que nous offre Circus Baobab avec "Yé ! (L'eau)", c'est cette problématique qui est abordée dans le spectacle et qui va être l'un de ses axes narratifs. Les autres étant un hommage au collectif, aux origines (enfants de la rue), aux traditions (danses rituelles, disciplines ancestrales) et à l'obligation, pour la nouvelle génération que ces artistes africains représentent, de répondre aux nouveaux défis environnementaux.

© Metlili.net.
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Ainsi, tous ces sujets abordés s'expriment, se déroulent en différents tableaux avec, pour en donner une forme de dramatisation ou, au contraire, un effet de légèreté festive, une mise en scène très bien conçue où les silences, la lenteur de déplacement, la fixité des protagonistes joue la tension, voire l'affrontement feint, et où les envolées dynamiques, les interpellations (référence à la rue), les plaisanteries et les enthousiastes mouvements de groupes bien réglés tablent, eux, sur une expression de la gaieté, de la jovialité.

Quant à la virtuosité circassienne, elle se révèle ici dans la souplesse et la vélocité des enchaînements (sans temps morts), dans la précision, l'agilité et l'habilité des acrobates (filles et garçons sur le même plan, à égalité)… et des figures acrobatiques exécutées, le tout nourri par une énergie et une fougue étonnante, joyeuse. Ici, pas d'agrès, ce sont les corps qui les remplacent, à la fois initiateurs et instruments des numéros exécutés.

À chaque séquence, la narration est intimement liée à la performance, au jeu acrobatique. Ainsi, se met en place une immense et longue bataille de bouteilles, finissant, écologie oblige, par le ramassage de celles-ci… Suivi par des sauts avec réception sur un matelas élaboré avec un grand filet rempli de bouteilles d'eau vides. C'est aussi un affrontement pour une bouteille d'eau… liquide ressource vitale et clin d'œil aux violences des rues, dans la rue.

© Metlili.net.
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Les chorégraphies sont très élaborées, avec beaucoup d'effets sur les déplacements de groupe, en référence, pour quelques-uns, aux danses traditionnelles, pour d'autres au hip-hop, au krump. Les expressions corporelles sont rythmées, cadencées, syncopées, voire se rapportant à des attitudes animales, félines ou reptiliennes.

Les acrobaties, quant à elles, se situent à la rencontre de la tradition et de la modernité, entre la dextérité des danses rituelles et une écriture scénique nourrie des inventions du cirque contemporain. Les artistes excellent dans les disciplines ancestrales ici revisitées : main à main, portés acrobatiques, pyramides humaines atteignant des hauteurs vertigineuses, danses de masques, contorsions…

Finalement, on constate, pour le plaisir des yeux, beaucoup d'inventivité dans les figures acrobatiques, très graphiques, parfois, comme dessinées dans l'espace aérien.

Si Circus Baobab a été l'un des grands finalistes de "La France a un incroyable talent 2022", ce n'est pas un hasard. Ils et elles sont vraiment extrêmement talentueux(ses), n'ayant pas renié leurs origines ancrées en Afrique et dans la rue. Il est possible de les voir certains jours dans les rues d'Avignon exécuter quelques numéros, comme un "avant-goût" avant de découvrir le spectacle complet sur la scène de la Scala Provence.
◙ Gil Chauveau

"Yé ! (L'eau)"

© Metlili.net.
© Metlili.net.
Directeur artistique : Kerfalla Bakala Camara.
Metteur en cirque et compositeur : Yann Ecauvre.
Troupe des 13 Acrobates Danseurs : Bangoura Hamidou, Bangoura Momo, Camara Amara Den Wock, Camara Bangaly, Camara Ibrahima Sory, Camara Moussa, Camara Sekou, Keita Aïcha, Sylla Bangaly, Sylla Fode Kaba, Sylla M’Mahawa, Youla Mamadouba, Camara Facinet.
Compositeur : Jeremy Manche.
Chorégraphe : Nedjma Benchaïb.
Costumière : Solène Capmas.
Création Lumière : Clément Bonnin.
Régisseur Général : Christophe Lachèvre.
Production : Circus Baobab et R’en Cirque.
Soutien à la création : Cirque Inextremiste.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2023•
Du 11 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 11 h 45. Relâche le lundi.
Théâtre La Scala Provence, 3, rue Pourquery de Boisserin, Avignon.
Réservations : 04 65 00 00 90.
>> lascala-provence.fr

Gil Chauveau
Mercredi 10 Juillet 2024

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Balade équestre dans l'univers singulier de Bartabas… et de Zingaro, un théâtre pour les chevaux

Forte de quarante ans d'observation de la compagnie Zingaro, de ses évolutions et métamorphoses, ainsi que d'une écoute attentive des murmures émanant de la relation entre Bartabas et ses chevaux, Fabienne Pascaud nous offre une exploration aux confins de la création équestre pour découvrir les sources originelles et intimes de son art au cours de douze grands chapitres, chacun scrutant un aspect différent de la pensée créatrice de cet artiste visionnaire.

"Cette créature mi-homme mi-cheval surgit de nulle part et éructant tel un fou sur les pavés de la ville était peut-être un des ultimes avatars d'Antonin Artaud (1896-1948). Bartabas sortait des légendes et des songes. Et nous ramenait au royaume des légendes et des songes."

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Et ses spectacles, au fil des années, deviennent des fééries troublantes, voire envoûtantes. C'est ce personnage original et inventif que Fabienne Pascaud nous raconte, nous donnant quelques clés pour mieux comprendre, mieux approcher les métamorphoses de la compagnie Zingaro et révéler ainsi le langage, les pensées fondatrices qui, dans l'imaginaire de Bartabas, écrivent les chorégraphies équines et les univers artistiques qui s'en dégagent.

Gil Chauveau
17/12/2024
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© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

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Safidin Alouache
17/12/2024
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© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024