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Avignon 2024

•Off 2024• "Le monde selon Albert Einstein" Découverte de l'enfance d'un génie où est questionnée l'acceptation de la différence et l'importance du savoir et de la curiosité

Avec une renommée qui dépasse largement les domaines de la physique et des mathématiques, Albert Einstein occupe, dans l'imaginaire collectif, une place particulière où se trouvent rassemblées les notions d'intelligence, de savoir et de génie. Difficile alors d'imaginer que ce grand physicien théoricien – qui révolutionna certains aspects et certains systèmes de la pensée scientifique – fut aussi un enfant. C'est donc une rencontre inattendue avec ce dernier que nous proposent Brigitte Kernel et Sylvia Roux en nous faisant découvrir le monde selon Albert Einstein… "Pas facile d'être un génie à 10 ans."



© Cie Juste là 2024.
© Cie Juste là 2024.
Ce grand savant reconnu internationalement, fut, avant de le devenir, un môme malicieux et curieux que nous découvrons, sous la plume de Brigitte Kernel, à l'âge de 9-10 ans dans sa famille. Cette dernière (les parents, le grand-père, l'oncle Jacob), intelligemment mise en avant dans le récit, se révèle très vite d'une grande importance dans l'évolution de l'enfant, ainsi que la présence d'un animal de compagnie, en l'occurrence un chien nommé "Trouillard".

Très vite, Albert se montre différent, à la fois par ses problèmes d'expression liés à sa dyslexie et par sa curiosité insatiable pour les chiffres et les livres. Il aime la solitude, notamment parce qu'il est maltraité à l'école, moqué par le maître et ses camarades de classe du fait de sa manière de parler. En réalité, c'est un enfant surdoué et hyperactif qui aime déjà jongler avec les chiffres, taquiner les racines carrées et les hyperboles… mais qui ne réussit pas à s'exprimer, surtout à cause de ses idées qui se bousculent, vives comme l'éclair, allant trop vite dans sa tête, avec des mots qui arrivent dans le désordre. Difficile d'être doué dans un monde dans lequel on est considéré comme un autiste.

© Cie Juste là 2024.
© Cie Juste là 2024.
"On dit que je suis très intelligent, mais dès qu'il s'agit de m'exprimer devant quelqu'un, mes pensées jonglent et déboulent à toute vitesse. Mes mots se coincent dans ma gorge. C'est terrible de se sentir aussi idiot alors qu'on ne l'est pas… Heureusement que j'ai mon chien Trouillard à mes côtés, le seul à me comprendre…"*

Si la différence peut s'avérer handicapante, dans l'histoire proposée par Brigitte Kernel et Sylvia Roux, celle-ci va être acceptée et utilisée comme un avantage grâce à l'amour familial, à la bienveillance de l'oncle Jacob et du grand-père, entre autres, qui vont permettre à Albert de prendre confiance en lui, de développer son talent pour la physique et les mathématiques… et, surtout, d'entretenir son inassouvi besoin de connaissances.

"J'aimerais bien savoir expliquer mathématiquement les émotions, mais papa dit que ce n'est pas possible de faire des équations avec des sentiments. C'est compliqué, pour moi, les choses inexplicables. Je crois que je passerai toute ma vie à vouloir tout décortiquer pour en savoir plus, toujours plus."(2)

© Cie Juste là 2024.
© Cie Juste là 2024.
Ce récit sur l'enfance du prix Nobel de Physique permet, sans en avoir l'air, subtilement, avec délicatesse et humour, de mettre en évidence, de poser, les problématiques de la différence, du harcèlement à l'école, des codes du langage et de l'expression orale, de l'ouverture aux autres et de l'estime de soi. D'aborder également la notion de différence comme un avantage, une force motrice, un apport constructif à un ensemble existant, non comme un handicap.

Pour concrétiser cela et donner une impulsion particulière à cette histoire peu banale, Sylvia Roux use de tout son talent pour faire vivre tous les personnages de la pièce (plus d'une dizaine) en maîtrisant parfaitement les mimiques appropriées, comiques ou pas, notamment pour faire l'ami d'école du petit Albert. Passant avec fluidité, énergie et intensité d'un rôle à l'autre, elle interprète chacun avec une passion enjouée et parfois joyeusement effrontée, apportant particulièrement au personnage d'Einstein enfant des notes, des attitudes humoristiques.

En appui complémentaire, la mise en scène de Josiane Pinson donne une densité à l'ensemble, avec une utilisation dynamique du plateau que Sylvia investit pleinement, et la direction d'acteur (d'actrice devrais-je dire) fait montre d'une réelle complicité entre la comédienne et la metteuse en scène. Riche en trouvailles scéniques, on appréciera aussi les dessins se créant et apparaissant en direct (Thomas Deffarge au dessin et Léonard à la scénographie vidéo), via la vidéo projection sur l'un des deux tableaux noirs (d'école).

© Cie Juste là 2024.
© Cie Juste là 2024.
"Le monde selon Albert Einstein" peut être perçu, doit l'être à mon sens, comme un texte portant haut la tolérance, la capacité des différences à nous faire avancer et la nécessité de rester, toute sa vie, curieux et gourmand de connaissances et de savoir. Cela s'adresse aux jeunes bien sûr, mais d'une manière générale à toutes les générations, car il s'agit ici d'un message d'espoir.
◙ Gil Chauveau

Vu le 7 juillet dans le cadre du festival Off d'Avignon.

(1) et (2) Extraits de "Le monde selon Albert Einstein" de Brigitte Kernel (2021) chez Flammarion Jeunesse.

"Le monde selon Albert Einstein"

© Cie Juste là 2024.
© Cie Juste là 2024.
Texte : Brigitte Kernel et Sylvia Roux.
Adapté du roman "Le monde selon Albert Einstein" de Brigitte Kernel (aux Éditions Flammarion Jeunesse).
Metteuse en scène : Josiane Pinson.
Avec : Sylvia Roux.
Musique : Raphaël Sanchez.
Scénographe vidéo : Léonard.
Tout public de 7 à 97 ans.
Durée : 1 h 15.
Compagnie Juste Là.

Le 18 avril 2025, ce sera le 70ᵉ anniversaire du décès d'Albert Einstein.

•Avignon Off 2024•
A été joué du 3 au 21 juillet 2024.

Tous les jours à 15 h 15. Relâche le lundi.
Théâtre des 3S, Salle 1, 4, rue Buffon, Avignon.
Téléphone : 04 90 88 27 33.
>> theatre3s.com

Tournée en cours de construction.

Gil Chauveau
Lundi 2 Septembre 2024

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"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

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Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
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"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

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Safidin Alouache
17/12/2024
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© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024