La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "De tant d'horreurs mon cœur devint immense" Une intense amitié entre deux résistantes… comme un rempart aux atrocités des camps nazis

Récit en forme de parcours, celui de deux femmes – deux résistantes – devenues amies pour toute une vie… Du témoignage de Gisèle Giraudeau et de la rencontre de l'auteure Isabelle Lauriou avec celle-ci naîtra une adaptation bouleversante que cette dernière a portée au théâtre. "De tant d'horreurs mon cœur devint immense" est aujourd'hui une pièce qui nous rappelle que, dans l'horreur, l'amitié et la solidarité, plus que tout, ont permis à beaucoup, à ces deux femmes en particulier, de survivre au pire.



© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
L'accordéon comme une mise en ambiance, presque hésitant, d'où s'échappent quelques notes de "Fleur de Paris" suivi du "Chant des partisans". Tout au long du récit, Amandine Thiriet laissera son instrument soupirer régulièrement des fragments de ces deux chansons, deux chants patriotiques, le premier exprimant la joie de la liberté retrouvée après quatre années d'Occupation, le second étant l'hymne de la Résistance française durant l'occupation par l'Allemagne nazie.

Après ce court préambule, arrive Marcelle, encore jeune femme lorsque se mettent en place le Front Populaire et la guerre d'Espagne, deux événements qui forgeront sa conscience politique et qui rendront naturelle son entrée dans la Résistance dès les premières années de l'occupation allemande. Puis c'est avec Gisèle, devenue résistante en 43, que nous faisons connaissance. Se racontant toutes deux, s'interpellant sur leurs souvenirs, parfois avec une pudeur lourde de sens, mais toujours avec beaucoup d'émotions, nous découvrons le début de leurs souffrances.

© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
Gisèle est arrêtée, interrogée, torturée, puis c'est au tour de Marcelle. Elles sont toutes les deux arrêtées en 44 pour faits de résistance et enfermées dans la prison de Nantes. Enfermées ensemble des heures dans un placard d'un bureau de la Gestapo, elles vont s'apprivoiser, puis elles décident d'unir leurs forces, de se soutenir, de se parler, de rire à chaque fois que cela est possible, pour garder l’espoir, pour, consciemment ou inconsciemment, forger les bases de leur survie. De leur enfermement à la déportation jusqu’à la libération, elles se soutiendront, se protégeront, face à l'horreur absolue, à l'indicible vision des tas/amoncellements de cadavres morts ou agonisants.

Tout cela pourrait paraître insupportable, mais le théâtre est là pour dire, pour exprimer ce qui n'est pas exprimable. Ici joue tout d'abord le talent d'auteure d'Isabelle Lauriou. Elle s'est approprié les échanges qu'elle a eus avec la résistante Gisèle Giraudeau comme si c'était un cadeau. Elle en a fait une adaptation théâtrale certes bouleversante, mais en en maîtrisant parfaitement la palette émotionnelle, alternant ainsi les séquences douloureuses et les instants plus joyeux… car il y en avait parfois dans les camps de concentration.

© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
S'appuyant sur une mise en scène rythmée, aux enchaînements fluides, avec une scénographie simple, mais efficace, les comédiennes, Marie-Hélène Aubert, Gaëlle Malpaux et Amandine Thiriet, peuvent jouer une partition émotionnelle riche, modulant sans effort, harmonieusement, les tonalités et les couleurs des émotions propres à chaque situation. Dans les moments intenses comme dans ceux plus légers, les trois interprètes nous offrent un verbe juste, portant le texte avec intensité, profondeur, mais avec le talent rare de pouvoir le faire entendre à tous. Et, là, se fait jour la nécessité de l'hommage et de la mémoire, possible par la transmission de l'Histoire et d'un rappel de l'existence de ces horreurs passées que l'on ne voudrait plus voir réapparaître…

"De tant d'horreurs mon cœur devint immense" est véritablement un spectacle tout public, dont les adolescents/lycéens ne doivent surtout pas se priver… et les autres vont sans dire !

"De tant d'horreurs mon cœur devint immense"

© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
© Loic Bonnet/Ouest-France - Pour Cie du Saut de l'Ange.
D'après le témoignage de Gisèle Fraud-Giraudeau.
Texte : Isabelle Lauriou.
Mise en scène : Isabelle Lauriou.
Avec : Marie-Hélène Aubert, Gaëlle Malpaux et Amandine Thiriet.
Régie : Guillaume Rouchet.
Par la Compagnie du Saut de l'Ange.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 11 h 55. Relâche le lundi.
Théâtre Atelier Florentin, 28, rue Guillaume Puy, Avignon.
Rééservations : 04 84 51 07 00.
>> atelierflorentin.com

Gil Chauveau
Jeudi 6 Juillet 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024