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Avignon 2023

•Off 2023• "Cette petite musique que personne n'entend"… qui détonne au cœur de ce festival d'Avignon, qu'il faut écouter sans se poser de questions

Lorsque j'ai reçu l'invitation à assister au seul(e) en scène de Clarisse Fontaine, en oubliant la jolie rime, je suis restée un moment, fixée à mon écran. JoeyStarr met en scène ? Voilà ma première réaction. Puis, mes yeux ont commencé à dévisager le dossier de presse. L'autrice, Clarisse, traite notamment dans son spectacle de faits personnels liés directement aux violences qu'elle a subies. L'amour, la joie, le mariage, etc. Non ! Pas vraiment "etc." Parce que dans ce "etc.", il y a toujours cette image qui plane du bonheur, de l'épanouissement, de la maison, des amis, des enfants… Là, pas vraiment.



© Veeren Ramsamy.
© Veeren Ramsamy.
Je n'oublie pas JoeyStarr, il reviendra un petit peu plus tard.
Aimer. À en perdre la raison. Laquelle ? La sienne ? Celui qui ose, qui tient tête, qui défie, qui blesse et frappe ? C'est bien de cela que parle Clarisse Fontaine. Des sujets de ce genre déferlent depuis plusieurs années et pourtant cette violence dans un couple n'est pas une "modernité" comme une application virtuelle qu'on aime installer. Les coups, l'humiliation, la manipulation, jusqu'au sauvetage pour vivre enfin sereinement, pleinement, sans compromis, sans trahison. Se guérir. Fuir. Écrire. Et envoyer ce manuscrit à quelqu'un.

Ce "quelqu'un" est un homme connu, reconnu, doué, plutôt bien calé sur les faits de société. Cet homme est une star et pas seulement parce qu'il porte des lunettes de soleil en interview, car, de cela, on peut toujours l'excuser, du moins à Avignon où brille de mille feux ce "cagnard" ! Cet homme, c'est JoeyStarr. Il le sait, sans doute, qu'il est attendu au tournant de questions tous azimuts… évidemment !

© Veeren Ramsamy.
© Veeren Ramsamy.
Ce n'est pas un saint, Joey. Le gendre idéal que des mamans rêvent de voir arriver dans la famille. Quoique ! Il a un "dossier" comme on dit ! Un bon gros dossier, notamment lié aux violences, verbales et conjugales. Je l'ai lu moi aussi, il y a déjà quelques années.

Mais, ce spectacle m'a questionnée. Moi qui écris et qui ai raconté il y a peu l'histoire d'un homme malmené par un père agressif, violent et dénué de toute affection envers son fils aîné et qui peu à peu se sauve afin de ne jamais lui ressembler.

Voir JoeyStarr mettre en scène, comme il a su parfaitement mettre en espace ses shows avec NTM, ne semble pas si incroyable. Et surtout, voir Joey Starr mettre en scène une comédienne qui parle de violences faites aux femmes, à cette femme belle comme un cœur, tendre comme une fleur, paraît presque un cadeau qu'il s'est attribué.

Un jour, quelqu'un m'a dit, un homme gentil dehors et infecte dedans, ceci : "une fois, c'est une erreur, deux, c'est une habitude".

© Veeren Ramsamy.
© Veeren Ramsamy.
Peut-être a-t-il changé ses habitudes et tente désormais de véhiculer une image de gendre plus idéal. Derrière la scène, ce pari est réussi. La mise en scène est sobre, la musique déchire, mais elle ne fait pas mal. Mâle…

C'est beau, esthétique et terriblement émouvant. "Cette petite musique que personne n'entend" est un très joli titre, un seul en scène magnifique et une prise de conscience symbolique.

"Cette petite musique que personne n'entend"

© Veeren Ramsamy.
© Veeren Ramsamy.
Texte : Clarisse Fontaine.
Mise en scène : JoeyStarr.
Avec : Clarisse Fontaine.
Sonorisation : Cutkiller.
Scénographie et lumières : Camille Duchemin.
Collaboration lumières : Erwan Leleu.
Direction d'actrice : Laurent Ziveri.
Vidéos : Clarisse Fontaine.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 26 juillet 2023.
Tous les jours à 22 h. Relâche le jeudi.
Théâtre du Balcon, 38, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 90 85 00 80.
>> theatredubalcon.org

© Veeren Ramsamy.
© Veeren Ramsamy.

Isabelle Lauriou
Mercredi 19 Juillet 2023

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024