La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Arletty, un cœur très occupé" Une relation amoureuse contrariée dans laquelle se dévoile la liberté d'être et de penser

Juillet 1970. Un jeune journaliste, séduisant et sûr de lui, force Arletty, furieuse, à relire les courriers qu'elle a échangés pendant la guerre avec son bel officier allemand de dix ans de moins qu'elle, Hans Jürgen Soehring. Il est parvenu à pénétrer chez la célèbre comédienne en ayant malicieusement forcé la porte… Leur relation évoluera progressivement en mettant en lumière des instants à la fois historiques et intimes que la presse de l'époque a bien trop souvent falsifiés. Plus de six cents lettres intimes qui semblent ignorer la guerre. Une passion dévorante et exaltante.



© Benoit Delpech.
© Benoit Delpech.
Toute de blanc vêtue, svelte et très élégante dans un splendide tailleur-pantalon, Arletty, interprétée avec justesse par Béatrice Costantini, entre sur le plateau représentant un joli salon bien soigné. Blanc lui aussi. Rapidement, un second personnage y fait irruption : un jeune homme intrépide qui prend des photos avec énormément de culot.

Ce journaliste, c'est Damien Bennetot, un jeune comédien de 33 ans qui occupe la place avec une grande sincérité de jeu. Arletty a 72 ans, mais apparaît toujours aussi anticonformiste et vivant au gré de ses envies. Assez vite, au fil du spectacle, sa carapace de femme offusquée par l'intrusion de cet inconnu dans son salon se brise et elle va se révéler progressivement plus docile et peut-être encore amoureuse…

La relation subtile entre ces deux êtres est joliment éprouvée par la comédienne Béatrice Costantini dont on connaît la carrière exceptionnelle. Son interprétation d'Arletty est juste et savamment raffinée : des gestes mesurés aux allures de mannequin, un regard perçant qui transmet justement des émotions sincères et surtout une voix à se confondre avec celle de la comédienne, gouailleuse et mythique. Sans parler de son humour vif et bien présent qui fait souvent sourire, notamment quand elle s'adresse au jeune journaliste en le critiquant gentiment.
Le texte de Jean-Luc Voulfow, remarquablement écrit, est porté avec élégance par le duo de comédiens. Il est inspiré de la correspondance éditée au Cherche Midi et intitulée "Hélas, je t'aime".

© Benoit Delpech.
© Benoit Delpech.
Béatrice Costantini n'interprète pas Arletty. Elle est Arletty ! Sa silhouette fine et menue rend la grande Arletty plus fragile qu'elle semblait vouloir paraître et l'évolution de son personnage est progressivement sensible, extrêmement juste, notamment dans la scène finale où le spectateur ressent un torrent d'émotions, face à une femme vacillante semblable à une enfant troublée et émue.

Derrière la seule relation amoureuse contrariée Faune et Biche, la pièce aborde aussi plus subtilement d'autres thèmes comme la liberté d'être et de penser, la sexualité, le voyeurisme, l'hypocrisie. En un mot, une pièce profondément humaniste.

Certes, il s'agit d'une pièce romantique, mais l'écriture et l'interprétation des deux comédiens lui donnent à certains moments d'autres aspects.

"Arletty, un cœur très occupé"

Texte : Jean-Luc Voulfow.
Mise en scène : Gilbert Pascal.
Interprétation : Béatrice Costantini et Damien Bennetot.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 13 h. Relâche le dimanche.
Théâtre l'Oriflamme, 3-5, rue du Portail Matheron, Avignon.
Réservations : 04 88 61 17 75.
>> loriflamme-avignon.fr

Brigitte Corrigou
Mercredi 12 Juillet 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024