La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2022

•Off 2022• "L'Arbre d'Hipollène" Un spectacle pluridisciplinaire coloré, jouissif et philosophique comme une invitation au rêve

Un spectacle dans lequel le parcours initiatique d'une petite fille revêt des aspects bien plus philosophiques qu'il n'y paraît. Entre poésie, univers merveilleux et monde fantastique.



© DR.
© DR.
Hipollène est un petit être anthropomorphique (mi-petite fille, mi-écureuil), bientôt grande. Elle est confrontée au départ d'un être cher, sa grand-mère. Alors débute pour elle un long parcours initiatique au cœur des racines de son arbre refuge au cours duquel elle devra affronter ses propres peurs et sa finitude pour finalement accepter la mort et en sortir grandie. Mais parallèlement, son père a décidé de lui apprendre la chasse aux glousses et leur habitation dans l'arbre sans fin ne lui rendra pas les choses faciles !

L'arbre pleure à cause de la disparition de grand-mère et Hipollène se transforme en larme, tant elle est emportée par le chagrin. C'est ainsi que se déroule pour elle un voyage picaresque via sa découverte de la vie aidée par tout un tas de personnages déjantés et loufoques. En un mot, des personnages "pontiesques" à l'envie.

Trois ans ! Il a fallu trois ans à la Nad Compagnie pour donner naissance à ce bien joli spectacle jeune public - mais pas que -, libre adaptation de l'album de Claude Ponti "L'Arbre sans fin", auteur-illustrateur phare de l'École des Loisirs depuis fort longtemps. Trois années durant lesquelles l'équipe artistique a œuvré bec et ongles sous les houlettes érudites et passionnées de Mathias le Cartonneur à la conception des décors aidé par Jean-Marie Gallardo et Joëlle Clerc de la société Orgacompte pour les gigantesques décors pop-up. Sans oublier Nicolas Audouze (Spontus), Rafaël Monteiro et Olivier Guernion aux lumières, effets spéciaux et numéros de magie.

© DR.
© DR.
Le tout sublimé par une mise en scène d'Aymeric de Nadaillac qui participe largement à emporter petits et grands vers un ailleurs duquel on aimerait ne pas revenir. Aidé du comédien Kader Taibaoui dans sa collaboration artistique, le metteur en scène n'a pas démérité dans ses intentions, multiples et foisonnantes, tant l'univers de Ponti le permet. Un univers où domine le rêve pour tenter d'échapper à une réalité bien souvent cruelle voire sinistre à laquelle malheureusement personne n'échappe.

"J'ai besoin de dire les choses autrement que ce qu'il est convenu de dire quand je m'adresse aux enfants. Parce que la convenance, c'est une prison !", dit Claude Ponti. Tout le talent d'Aymeric de Nadaillac et des trois autres comédiens dans ce spectacle a été de sublimer cette profonde réflexion de l'auteur. Des décors pop-up grandioses et colorés virevoltent sur le plateau, montent dans les cintres, des marionnettes gesticulent et prennent vie grâce à Jean-François Mann ; la comédienne circassienne Fanny Passelaigue, si attachante, captive les regards aux côtés de l'acrobate comédien Alex Dey qui rassure par son charisme protecteur. Sans oublier la chanteuse lyrique, danseuse et claquettiste Diane Viaz à la voix cristalline et si mélodieuse.

Une belle équipe en coulisses que celle-ci qui a su mettre en valeur tout cet univers foisonnant de Claude Ponti sans ostentation inutile ni message subliminal abscons. Les escaliers et les portes parlent et prennent vie sur scène en donnant une touche d'humour à l'ensemble de la représentation, les créations vidéo égayent l'ensemble en convainquant le public de battre la mesure et d'exulter, le monstre fait vraiment peur et lors de la première où nous étions, une fillette a dû quitter la salle. Le pari est gagné !

© DR.
© DR.
"L'Arbre d'Hipollène" est une adaptation vertigineuse de l'album de Claude Ponti, une œuvre pétillante non dépourvue d'une certaine gravité, présente forcément aussi dans l'adaptation d'Aymeric de Nadaillac. La mise en scène dépasse le simple propos de la fragilité de l'existence pour démontrer avec brio que l'humain a surmonté, surmonte et surmontera encore longtemps les épreuves de la vie.

Ce spectacle est virevoltant, coloré, jouissif, philosophique - juste ce qu'il faut-, pétillant et nous inculque notamment que la vie est "bellissima" et que les racines des arbres sont l'invisible nécessaire à ce que les glousses croissent, meurent et renaissent encore et encore. Encore faut-il savoir les attraper ! Croyez en vos rêves et surtout ne les loupez pas cet été à Avignon. Le cirque, le chant lyrique (arrangé par Marie Lizé et Martino Roberts), l'acrobatie, la magie, la vidéo, les claquettes. Que demander de plus pour être littéralement transporté dans ce que le théâtre propose d'essentiel et de libérateur…

"L'Arbre d'Hipollène"

Création jeune public.
Librement adapté de "L'Arbre sans fin" de Claude Ponti.
Adaptation : Aymeric de Nadaillac, Kader Taibaoui.
Mise en scène : Aymeric de Nadillac.
Avec : Alex Dey, Diane Vaz, Aymeric de Naillac, Fanny Passelaigue.
Scénographie : Aymeric de Nadaillac et Joëlle Clerc.
Chant : Diane Viaz.
Conception pop-up : Jean-Marie Gallardo et Orgacompte.
Arrangements musicaux : Martino Roberts.
Magie et effets spéciaux : Nicolas Audouze et Spontus.
Costumes : Madeleine Lhospitallier et Louis-Antoine Hernadez.
Marionnettes : Jean-François Mann.
Conception décors : Mathias Le Cartonneur.
Animation vidéo : Damien Caravagno.
Par la NAD Compagnie.
À partir de 4 ans.
Durée : 1 h 05.

A été représenté du 18 au 27 février 2022 au Théâtre du Gymnase à Paris.

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 10 h 30, relâche le mardi.
La Chapelle des Italiens, 33, rue Paul Saïn, Avignon.
Réservations : 04 90 02 23 46.
>> chapelledesitaliens.fr

Brigitte Corrigou
Samedi 2 Juillet 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024