La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Nouveau(x) Genre(s)"… Révéler l'épaisseur de mystère que recèle tout être humain

"Nouveau(x) Genre(s)", Manufacture des Abbesses, Paris

Dans une forme de confidence confiante et effrontée, la comédienne et autrice Caroline de Diesbach ne craint pas d'exprimer la densité de son inconscient, troublée qu'elle est par son état, son statut de femme. Avec beaucoup de distance amusée, elle part à la recherche de la cause de ses peurs et de ses blocages.



© Tecem.
© Tecem.
Dans "Nouveau(x) genre(s)", elle se glisse dans l'échancrure du manteau d'Arlequin d'un blanc immaculé, s'empare des pendrillons pour mieux s'en parer, comme lés de tissus précieux qu'elle fait crisser. Faille de soie qu'elle piétine.

En prenant ainsi l'espace de jeu, elle se défait des signes extérieurs de la féminité et, dans la représentation qu'elle donne d'elle-même, s'offre à l'analyse. Le spectacle est celui des allées et retours chez la psychanalyste (Isabelle Gomez). Et, de manière manifeste par le désir et la jouissance que lui procure le théâtre, la comédienne noue avec le public qui partage ce même désir et cette même jouissance un lien solide.

Dans la simplicité apparente du dispositif, le spectateur suit le jeu de pistes de l'inconscient, accompagne de son écoute les étapes de la cure. Il est heureux de suivre le personnage qui, grâce aux interruptions momentanées imposées par sa psychanalyste, conquiert le mot précis et la situation juste.

© Tecem.
© Tecem.
Il est aussi heureux de percevoir que la psychanalyste est une femme aussi midinette que les autres et qu'en bon professionnel, elle est capable d'interrompre la conversation. Que celle-ci dérive vers des idées reçues et convenues (autant d'impasses pour l'interprétation ) ou qu'affleurent le lapsus, le jeu de mot révélateur (autant de pistes ouvertes).

Et le récit s'élabore, ponctué de chansons. Il est celui d'une histoire personnelle et singulière et celui d'un conte. Aidé par le dispositif du théâtre, le spectateur fait un retour vers le passé toujours actif, entre dans la connaissance de la petite enfance. Cette phase durant laquelle l'enfant qui, par définition est celui qui ne parle pas, effectue tous les apprentissage du langage alors que, de manière paradoxale justement, les mots pour dire les choses, les situations, les sensations n'existent pas encore. Ce qui n'empêche pas l'enfant de voir, ressentir et réfléchir avec tout son bagage. Et l'adulte d'en ressentir les effets.

Et par l'entremise de cette psychanalyse réussie, sous la transparence affichée dans la révélation des faits, se révèle l'épaisseur de mystère que recèle tout être humain.

Dans ces capacités de métamorphoses. Celles de la comédienne qui redoublent celles de la femme. Tous les rôles. Il y a aussi en filigrane le mystère de l'amour d'un père pour sa fille et réciproquement. Et d'évidence le mystère d'un théâtre qui sonne comme le comblement heureux d'une faille de soi.

Le spectateur applaudit.

"Nouveau(x) Genre(s)"

© Tecem.
© Tecem.
Texte : Caroline de Diesbach.
Mise en scène : Caroline de Diesbach.
Avec : Caroline de Diesbach, Isabelle Gomez.
Musique : Marielle Tognazzoni, Thierry Epiney, Gilles Normand.
Vidéo : Vincent Forclaz, Julien Valentini.
Lumière : Jérôme Hugon.
Décor : Valérie Margot.
Chorégraphie : Géraldine Lonfat.
Regard extérieur : Mathilde Braun, Sébastien Ehlinger.
Conseiller artistique : Philippe Metz.
Compagnie Tecem.

© Tecem.
© Tecem.
Du 22 janvier au 7 mars 2018.
Lundi, mardi, mercredi à 21 h, dimanches 20 h (relâches les dimanches 28/01 et 18/02).
Manufacture des Abbesses, Paris 18e, 01 42 33 42 03.
>> manufacturedesabbesses.com

Jean Grapin
Mercredi 31 Janvier 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024