La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Nederlands dans theater" Duo de toute beauté !

Dans deux styles différents, en écho à la richesse artistique du monde du geste et de la musique, les chorégraphes Johan Inger et Nadav Zelner, respectivement suédois et israélien, offrent, chacun dans leur création, automatisme, vivacité et sensualité dans une approche où, pour le premier, la gestuelle peut être autant physique que retenue quand, pour le second, elle est avant tout signe d'une musicalité de quelques tonalités qu'elle soit.



"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
Avec Johan Inger pour la première chorégraphie, "Out of breath", les danseurs investissent le plateau en solo, duo et groupe. Tout est propre dans les déplacements gestiques. La scénographie présente un élément en forme de vague faite de planches grises qui montent à près de 2 mètres et descendent dans une pente de 45° vers le sol. Celle-ci par deux fois se déplace par le biais d'un artiste.

La gestuelle est presque dans un effet d'automatisme où la teneur de la corpulence des interprètes est presque gommée. C'est physique, mais le souffle et la sueur semblent avoir déguerpi du plateau. Comme assis derrière une vitrine, dans de très beaux tableaux, le spectateur, à ce qui se joue sur scène, peut être appréhendé dans un rapport assez froid.

Tout est beau et propre. Les mouvements s'arrêtent dans leur élan, puis repartent. Un corps se lève pour s'arrondir avec le dos du partenaire en passant au-dessus de lui quand, ailleurs, une danseuse est arrêtée dans son élan pour repartir ensuite légèrement en arrière au moment de la rencontre avec la vague placée sur scène. Plus loin, avec une certaine tension, les membres inférieurs montent en l'air dans des figures classiques. Il y a des sauts de jambes, des pas qui glissent, des dos qui s'appuient, des roulades, des courses et des arrêts. C'est tout un frétillement de vitesses et de gestes qui donnent à voir une chorégraphie découpée en divers tableaux où le physique et la grâce sont moteurs.

"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
Il y a différentes trajectoires. Immobile ici, ailleurs, un artiste court en cercle tout autour de la scène quand, au milieu, souvent en duo, nous en avons d'autres qui ont des gestuelles de temps en temps s'apparentant à des statues mouvantes. C'est sur cet aspect que l'on peut parler de "propreté" dans cette création. Les gestes sont en effet parfois arrêtés, à dessein, dans leurs élans pour reprendre ensuite tout de suite. On s'avance l'un vers l'autre quand d'un coup, ce qui amenait le mouvement se trouve ralenti puis stoppé net.

Ou ailleurs, là aussi presque au ralenti, une danseuse se retrouve dans des déplacements, parfois, légèrement arrondis. Ce sont différents tableaux qui se déroulent en même temps, comme si un puzzle, avec ces éléments, se complétait sans toutefois se rejoindre, la scène étant découpée, symboliquement, par quartier. On se touche, mais on ne se regarde pas. Les artistes sont ensemble, mais séparés. Il y a quasiment une forme d'indifférence entre eux, avec la trajectoire de chacun des tableaux effectués, parfois en parallèle, et qui ne se rencontrent jamais.

Pour la seconde chorégraphie, "Bedtime story" de Nadav Zelner, la première mondiale a été effectuée le 4 novembre 2021. Elle étonne par sa cadence. Keersmaker nous a habitués à mettre en relation musique et danse en permettant le déport du regard sur le geste quand on peut se laisser porter par le rythme. La gestuelle accompagne celui-ci sans le suivre nécessairement stricto sensu.

"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
Avec Nadav Zelner, les deux restent liés à un tempo qui est détourné de son cours initial. Ainsi, la musique orientale, à la tonalité soutenue et sensuelle, accompagne une danse urbaine vive, hachée et rapide. C'est toute une gestique qui est proposée avec, entre autres, du smurf lors d'une séquence dans laquelle les membres supérieurs se découpent machinalement autour des articulations des poignets, coudes et épaules pour faire une chaîne. Le mariage audacieux est plus que réussi entre ces deux univers dont, au premier abord, tout sépare. Et, pourtant, le rythme est en écho à une gestique vive, acérée et, à dessein, de petite amplitude. Par intermittence, ici ou là, la danse orientale, avec des ondulations chameaux très rapides, s'immisce comme des clins d'œil artistiques à l'ensemble.

La création présente plusieurs solos, duos et trios avec, finalement, une danse de groupe. L'automatisme des mouvements donne aux corps un écho musical en semblant le transformer en darbouka avec, à chaque tonalité forte, un va-et-vient d'une partie corporelle, tel le battement d'une percussion. C'est aussi un fessier qui frétille quand plus loin, ce sont les mains qui en font autant. Ainsi, ces apartés, presque humoristiques, permettent de créer une fausse rupture, le regard pouvant être accroché sur cette gestuelle pour rebasculer ensuite sur l'ensemble du groupe.

Sur cet axe artistique mêlant tradition et modernité, automatisme et sensualité, Nadav Zelner a su créer son propre style, porté aussi dans "Bedtime story", lui permettant d'acquérir rapidement, depuis quelques années déjà, une notoriété sur la scène internationale.

"Nederlands Dans Theater NDT2/Johan Inger/Nadav Zelner"

"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
"Bedtime story" © Rahi Rezvani.
"Out of breath"
Chorégraphie : Johan Inger.
Mise en scène : Parvaneh Scharafali.
Avec : Barry Gans, Ivo Matteus, Omani Ormskirk, Gabriele Rolle, Rebecca Speroni, Rui-Ting Yu (14 et 17 juin) ; Demi Bawon, Conner Chew, Nick Daniels, Ricardo Hartley III, Nova Valkenhoff, Sophie Whittome (15 et 16 juin).
Costumes : Mylla Ek.
Lumière : Ellen Ruge, revue en 2016 par Tom Visser.
Musique : Jacob ter Veldhuis, extrait de String Quartet Nr. 3 (1994) "There must be some way out of here". Track 1 : Slow movement (Donemus).
Lajkó Félix (viool) Hongaarse vioolmuziek : Vonósnégyes String Quartet (X-Produkció, Fono records).
Répétitions : Lydia Bustinduy.
Durée : 20 minutes.

"Bedtime story"
Chorégraphie : Nadav Zelner.
Assistants répétitions : Lydia Bustinduy, Francesca Caroti, Ander Zabala.
Avec : Demi Bawon, Viola Busi (15 et 16 jin) ; Conner Chew, Nick Daniels, Barry Gans, Ricardo Hartley III, Ivo Matteus, Omani Ormskirk, Gabriele Rolle, Rebecca Speroni, Nova Valkenhoff, Samuel van der Veer, Sophie Whittome (14 et 17 juin) ; Rui-Ting Yu.
Musique : Andre Hajj.
Ensemble : Mir/Ez-zouhour : Sidi Mansour ; Baba Bahri (courtesy of ARC Music Productions Int. Ltd).
Al Ajaleh : Bat Sheva Music.
Mohammed Abdu : Allah Alaiha.
Al Rasayel & Mahma Ygolon (courtesy of Rotana Music).
Lumières : Tom Visser.
Costumes : Maor Zabar.
Son : Matan Onyameh.
Durée : 25 minutes.

Ce spectacle s'est déroulé du 14 au 17 juin 2023 A la Grande Halle de la Villette en collaboration avec le théâtre Chaillot.

Safidin Alouache
Jeudi 22 Juin 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024