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Théâtre

"Maya", un parfum de Broadway, une manière d'Huckelbury Finn

"Maya, une voix", Théâtre Essaion, Paris

Sur scène, quelques chaises, quelques patères, comme qui dirait un théâtre de bouts de ficelle servi par cinq comédiennes dans une kyrielle de personnages. Ceux qui ont croisé l'enfance de Marguerite Annie Johnson alias Maya Angelou. Maya Angelou poétesse, femme de conviction et combattante de la Liberté, qui aux côtés de Martin Luther King et Malcolm X sut dire non à la violence faite aux noirs, et aux femmes*.



© Laurent Sallard.
© Laurent Sallard.
Le rôle est tenu par Ursuline Kairson chanteuse et comédienne. Éblouissante d'énergie de justesse et de joie. Et par son entremise, soutenue par quatre comparses à la maîtrise du "show" indéniable, la pièce de théâtre devient comédie musicale. Les dialogues enclenchant des chants a capella en autant de reprises de standards du jazz.

Le récit avance comme un conte plein d'optimisme par touches, par épisodes brefs et nerveux. Il retrace l'enfance de Maya. L'héroïne est pleine de vitalité, d'entêtement à vivre. Marguerite qui, de la campagne profonde aux bas-fonds de la ville, connaît une grand-mère aimante et nourricière, une mère artiste de music-hall et lointaine, un père absent, un "oncle" violeur, un frère "chapardeur", tombe dans un mutisme profond et rencontre une bonne fée qui lui ouvre sa bibliothèque. Comment Marguerite est devenue Maya. Cette voix d'importance aux États-Unis d'Amérique trop peu connue en France.

© Laurent Sallard.
© Laurent Sallard.
Sous la surface du spectacle, le gospel et le blues font des apparitions sporadiques dans une respiration naturelle, sublimant leur dimension originelle comme l'évaporant : celle du douloureux récit de la violence faite aux noirs et de la misère. Comme une basse continue, une tension permanente qui apporte le réconfort et la liberté du corps. Une force de vivre qui passe par le chant, le rythme, l'expression, le plaisir de la chorégraphie, le retour périodique à la complicité des comédiennes elles-mêmes sur le plateau scénique.

Le jeu est immédiat et précis. Les différents personnages sont saisis dans leur type, leur caractère, leur situation et leur échappée libre. Ce quintette féminin offre un parfum de Broadway. Une manière d'Huckelbury Finn.

Ému et diverti, le spectateur applaudit la découverte qu'il vient de faire.

* Le jour de l'investiture de Bill Clinton, Maya Angelou lut un long poème d'espoir :
A rock, a river, a tree
/..../ your country
and say simply
Very simply,
With hope
Good Morning.

"Maya, une voix"

© Laurent Sallard.
© Laurent Sallard.
Spectacle musical inspiré de la vie de Maya Angelou.
D'Éric Bouvron, Julie Delaurenti, Tiffany Hofstetter, Sharon Mannet, Elisabeth Wautlet
Traduction : Julie Delaurenti
Mise en scène : Éric Bouvron.
Avec : Ursuline Kairon, Julie Delaurenti ou Sharon Mann, Vanessa Dolmen, Tiffany Hofstetter ou Elisabeth Wautlet, Audrey Mikondo.
Musiques originales : Nina Forte.
Et autres standarts de blues et de Jazz.
Durée : 70 minutes.
Spectacle musical à partir de 8 ans.

Du 24 mai au 15 juin 2019.
Vendredi et samedi à 19 h 45.
Du 28 juin au 27 juillet 2019.
Vendredi et samedi à 21 h 30.
Théâtre Essaion, Paris 4e, 01 42 78 46 42.
>> essaion-theatre.com

Jean Grapin
Lundi 10 Juin 2019

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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Brigitte Corrigou
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Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023