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Trib'Une

Le spectacle vivant avec un grand V

À quelques jours d'intervalle, je me retrouve à découvrir trois lieux, repris par des artistes tout terrain. À la fois, autrice ou auteur, metteure ou metteur en scène et comédienne ou comédien. Ça donne presque de l'espoir sur l'avenir. Parce qu'actuellement les notes d'espoir sont à l'image de la météo : grise, pluvieuse et humide. Dérèglement climatique, grondement du ciel, tsunami de prédateurs sexuels, mauvaises énergies, que sais-je ?



© La Scène Parisienne.
© La Scène Parisienne.
Le monde tourne mal, c'est une vérité et, sans allumer la télévision, les mauvaises nouvelles inondent les postes, même difficile d'éviter, au moment d'une pause réconfort "petit crème" au comptoir de certains cafés. Le linge est mouillé et a du mal à sécher, les visages sont fermés et désormais courbés devant les écrans. Les tympans abîmés de ne trouver le silence qu'au moment du coucher, et tant de dommages collatéraux dont j'ignore vraiment l'origine.

Post-covid ? Surconso ? Contexte sous "lexo" ? Qu'il soit économique, social, culturel ou politique, le monde ne se croise plus vraiment. Le monde marche moins ensemble et dans des directions complètement différentes. Le nez dans le dernier iPhone, à privilégier la dernière série Netflix que l'être humain qui cherche sa rue, parce que perdu ou tout simplement étranger. Ne surtout pas parler ni échanger. La peur ? L'agression, le danger. Belle réussite des médias qui ont su parfaitement surfer sur l'éclatement du fait divers à échelle interplanétaire. Omettant de revenir sur des faits bien plus marquants qui font la "Une" seulement quand il n'y a plus grand-chose à se mettre sous la dent.

Dans tout ce chaos, la parole aux auteurs, aux poètes, aux créateurs a permis du beau. Du souffle, de la respiration. De siècles en siècles, l'expression du vivant par celles et ceux qui en avaient le talent, a donné de magnifiques proses, de sublimes vers, des chansons dont on se souviendra encore longtemps, des citations encore utilisées pour briller en société et autres courants artistiques qui tapissent l'intérieur des monuments.

Le Chariot © Boris Gautier
Le Chariot © Boris Gautier
Le spectacle vivant, qui regroupe tous les arts de la scène, du théâtre à la danse, du cirque à la chanson, de la musique à la peinture, etc., permet cela. Se retrouver le temps d'un divertissement, qu'il soit comique, tragique ou tout simplement dans l'air du temps. Jouer, performer, donner du sens à un texte, à une composition, à une chorégraphie, un tableau et avoir envie d'en parler. Attendre un peu avant de regagner son toit, sa famille ou sa solitude. Autre fléau de notre siècle soi-disant hyper communicant.

Le spectacle vivant fédère. Le spectacle vivant anime la réflexion, provoque des sensations, réveille des esprits bornés à BFM TV et même des ados, sous overdose de réseaux sociaux.
Le spectacle vivant se balade dans tous les recoins d'un pays, il vient secouer le quotidien, promettre une belle soirée, guérir d'une mauvaise journée et soigner un public qui a économisé pour s'offrir ce moment suspendu dans cet océan de déconvenues.

Ces trois lieux, que sont le Théâtre du Chariot, Le Local et la Scène Parisienne, sont dirigés par des artistes. Ces artistes polyvalents sont désireux d'ouvrir leurs portes à toutes celles et ceux dont la curiosité dépassera une pensée trop souvent déversée par nos politiques. Cette croyance qui consiste à considérer les "acteurs de la culture" comme des privilégiés (il y en a, c'est vrai, mais beaucoup plus au cinéma, l'économie n'étant pas du tout comparable). "Ces intermittents" qui, du travail, ne connaissent pas grand-chose puisqu'ils sont assistés par des alloc' et placardent leur mur virtuel d'images de rêve.

Certes, il y a dans ce monde de la culture tout un système à revoir, à commencer par la nomination de ministres dignes de ce nom. Une personnalité qui entendra bien que nous n'avons pas envie de nous taire ni de voir jouer nos spectacles dans des pseudo-salles ressemblant plus à des caves et dirigées par des garagistes, considérant la vente d'une bagnole plus utile qu'un spectacle. En saignant les compagnies de théâtre et de danse, en sous-payant des musiciens afin d'assouvir, eux, leur passion du voyage tout compris, usant et abusant des notes de frais entre avion, train et taxi !

Le Local © Patrick Berger.
Le Local © Patrick Berger.
Le spectacle vivant a besoin d'être soutenu, car l'expression artistique, quelle qu'elle soit, permet l'échange, mais surtout le réconfort dans un monde qui part dans tous les sens.
Le spectacle vivant ne porte pas atteinte à la sûreté de l'État.
Le spectacle vivant ne commet pas de crime ni de délit.
Le spectacle vivant se doit de conserver son affiche et ne pas être relégué à de la dangerosité, parce que résistent encore des artistes engagés.

Merci à l'équipe du Chariot, du Local et de la Scène Parisienne d'apporter encore l'espoir que le monde peut encore changer. Allez découvrir leurs spectacles, les prises de risque et l'accueil fort sympathique.
◙ Isabelle Lauriou

>> theatreduchariot.fr
>> le-local.net
>> lasceneparisienne.com

Isabelle Lauriou
Lundi 18 Novembre 2024

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Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

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Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024