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Trib'Une

"Nos lendemains" L'amour, c'est l'éternité d'une vie à deux*

"Nos lendemains" est avant tout une histoire d'amour, comme, peut-être encore aujourd'hui, il est possible de l'espérer. Tout commence alors que deux êtres, jeunes, aux idées plein la tête, se croisent, discutent et pensent l'avenir ensemble. Chez l'un ou chez l'autre, ils s'entendent bien, révisent, rient, se disputent et osent se dire les choses telles qu'ils les pensent. Sans filtre, parce que ces deux-là s'aiment, voilà tout !



© Hugo Muniglia.
© Hugo Muniglia.
Je pense à ce film : "Love Story". Le couple de la pièce – Christian et Annie – joué par Lisa Chevallier tendre, caustique et habitée à souhait, et Rémi Bourdeau, beau, drôle et touchant, ignore encore, à 15 ans, qu'ils vont vivre une grande histoire. L'histoire dans l'histoire. Oui, parce qu'on les suit de l'âge de 15 ans jusqu'à… je ne vous le dis pas.

Ensemble, ils vivent les émotions d'élections, de combats, de régressions, de changements radicaux et d'avenir parfois incertain au milieu de cet amour qui voit aussi fleurir la descendance et la joie intense de l'arrivée d'un enfant.

Ensemble à la vie, à l'amour.
Ensemble dans la survie, dans le doute et dans le chaos sentimental que traversent de nombreux couples au fil des décennies.
Ensemble, résistants, amoureux, passionnés et enflammés.

© Hugo Muniglia.
© Hugo Muniglia.
Lisa Chevallier est comédienne et autrice de ce texte. Elle y a mis son énergie de vie et son intelligence aussi. Quoi de plus naturel de se servir elle-même d'un si beau texte ? Et en allant chercher le comédien Rémi Bourdeau, à l'image d'Armstrong et de son pas sur la lune, elle a trouvé en cet acteur réjouissant, sa bonne étoile. Sur scène, ça pétille et explose à la fois. Ils vont bien ensemble et s'amusent beaucoup. C'est essentiel pour le spectateur de sentir les corps aussi animés que les cœurs. Tout cela dans un décor sobre et porteur avec Tania Tsikounas dans la mise en scène et, une très rythmée direction d'acteurs.

Cette pièce grandit, elle aussi, comme les personnages. Elle a commencé à Paris et a réussi un beau pari. Elle s'envole à Avignon cet été avec, en prime, une affiche des plus réussies qui met en avant cette complicité d'artistes bien vivants qui, sur le plateau, animent de toute leur âme le parcours d'un couple soudé comme au premier jour. C'est si beau, l'amour.

En quittant la salle, j'ai pensé à quel point le monde avait changé. À quel point, penser vivre toute une existence auprès d'un seul homme ou d'une seule femme, pour le meilleur et pour le pire, était devenu démodé. Pourtant, c'est aussi cela "nos lendemains", se reposer sur une âme qui, toujours, vous a voulu du bien. Une âme qui vous a aimé, apprivoisé, défié parfois même, quelques jours, quelques mois, quitté, pour finalement, se rendre compte qu'on ne peut pas penser éternité, sans lui ou elle, à ses côtés.

"L'amour ouf" pour le citer, c'est au théâtre que je l'ai retrouvé.
◙ Isabelle Lauriou

* George Sand.

"Nos lendemains"

© Hugo Muniglia.
© Hugo Muniglia.
Comédie historique et romantique.
Texte : Lisa Chevallier.
Mise en scène : Tania Tsikounas.
Avec : Rémi Bourdeau et Lisa Chevallier.

Du 7 février au 25 avril 2025.
Vendredi à 19 h 30. Relâche le 28 mars 2025.
Théâtre Le Bout, Paris 9e, 01 42 85 11 88.
>> lebout.com

Avignon Off 2025
Théâtre L'Optimist à 10 h 30.

Isabelle Lauriou
Mercredi 5 Février 2025

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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024