La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Le Lac des Cygnes"… Signe du grand art !

Le printemps de la danse arabe, créé à l'initiative de l'Institut du monde arabe, a pour objectif de montrer un visage autre, particulier, de l'actualité chorégraphique avec le monde arabe. Autour de sept lieux différents à Paris, nous nous arrêtons aujourd'hui à Chaillot avec une œuvre majeure revisitée par le chorégraphe d'origine tunisienne Radhouane El Meddeb.



© Agathe Poupeney.
© Agathe Poupeney.
Créé le 4 mars 1877 au théâtre Impérial Bolchoï de Moscou avec une composition musicale de Tchaïkovski (1840-1893), "Le Lac des Cygnes" n'a pas eu un grand écho au début, "une déconvenue humiliante" selon le compositeur russe. Le livret a été composé par Vladimir Begichev (1828-1891) et Vassili Geltzer (1841-1909) à partir de contes et légendes slaves et nordiques.

Marius Petipas (1818-1910) s'était étonné de ce demi-échec artistique. Il avait souhaité reprendre la chorégraphie, sachant que le talent de Tchaïkovski ne pouvait être remis en cause. Avec Lev Ivanov (1834-1901), ils en ont fait un chef-d'oeuvre en 1895. Elle a marqué depuis la danse classique. Depuis sa création, il en existe plusieurs versions et c'est celle de Rudolf Noureev, jouée en 1984 au Ballet national de Paris, qu'a choisie Radhouane El Meddeb pour son approche "freudienne" selon celui-ci.

L'entame du spectacle se fait doucement comme si chaque interprète entrait sur le plateau pour prendre sa place sans se fondre dans le groupe et sans perdre son individualité. Ils marchent un à un vers la scène entretenant un rapport personnel à celle-ci. La sortie se produit de la même façon avec des artistes déposant leurs souliers.

© Agathe Poupeney.
© Agathe Poupeney.
Il s'agit presque d'un rituel, chacun se plaçant de façon dispersée sur le plateau en y entrant. Disposition qui est conservée tout au long de la représentation. Autour de la scène, des tutus sont accrochés comme délimitant les coulisses. Sur scène, on s'approche, on se dévisage. Le regard est très présent sans qu'aucun mouvement artistique ne vienne l'appuyer.

Les déplacements sont très présents, sous forme de marche ou de course avec trois niveaux de jeux. Soit à l'arrêt, soit dansé, soit joué théâtralement. La chorégraphie découpe la scénographie en plusieurs champs avec des mouvements ou des attitudes qui se complètent sans se télescoper.

Des arabesques sont effectuées d'un côté quand, de l'autre, les artistes avancent sur une série de pointes pour les femmes et demi-pointes pour les hommes. Ailleurs, des grands jetés alternent avec des tours en l'air et des sauts de chats en arrière-plan. Il y a une double synchronisation intra et intergroupes donnant un sentiment de cohésion et de simultanéité.

© Agathe Poupeney.
© Agathe Poupeney.
Parfois, le théâtre s'immisce comme quand deux couples de danseurs se mettent dans les bras l'un de l'autre. Ils sont en retrait, presque immobiles donnant un sentiment décalé en matière d'espaces et d'états psychologiques. Des solos sont effectués, le groupe restant en arrière-plan, avec une gestuelle dans laquelle les membres supérieurs emmènent le tronc vers des virgules corporelles.

La représentation se finit nerveusement avec une gestuelle très marquée, très physique. Les mouvements sont jetés, presque jusqu'à épuisement. Un couple de danseurs, représentant Odette et Siegfried, se retrouve l'un après l'autre au sol, morts de douleurs.

L'atmosphère du spectacle change, contrebalançant la légèreté de l'amour du début pour montrer au final le chagrin, "sombre", nerveux, syncopé du prince. La douleur et la tristesse se sont emparées de la passion amoureuse mais non du talent et de la qualité du spectacle. C'est beau et gracieux à souhait.

"Le Lac des Cygnes"

© Agathe Poupeney.
© Agathe Poupeney.
Ballet du compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski.
Chorégraphie : Radhouane El Meddeb.

Scénographie : Annie Tolleter.

Lumières : Éric Wurtz.

Costumes : Celestina Agostino.
Avec 32 danseurs.

>> Programme du Printemps de la danse arabe #1

Safidin Alouache
Mercredi 3 Avril 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024