La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"La fuite"… une poésie spatiale et musicale

Inspiré du mythe d'Actéon qui s'est fait dévorer par sa meute de chiens après qu'Artémis l'ait puni, Lionel Bègue se le réapproprie pour explorer la transformation d'un être avec ses évolutions, ses accidents et sa chute soutenue par une musique qui fait écho à ses différentes métamorphoses.



© Angélique Lyleire.
© Angélique Lyleire.
C'est un coin d'Art où les spectacles de théâtre, de cirque, de musique et d'opéra sont accueillis. Où l'écriture et les événements littéraires y entrent avec style. Où la diversité fait la différence en se conjuguant à tous les publics et toutes les bourses. Ce coin d'Art, c'est la scène nationale Dunkerque.

Sur scène, la lumière ouvre ses projecteurs sur Lionel Bègue autour de mouvements qui se répètent au début en prenant du volume, de l'ampleur, la tête repliée avec un couple de mains qui l'entoure pour s'en détacher ensuite et faire redescendre la gestuelle. Les rythmes se suivent sans se ressembler avec leurs ruptures, leurs pauses, leurs silences et leurs arrêts.

La musique accompagne l'artiste de bout en bout suivi de morceaux de respiration, puis de silence. Le danseur se retrouve face contre sol, les talons hauts, la pointe des pieds se hissant. Les mouvements, jamais droits, sont, comme une liane, tortillés tout du long, avançant, progressant toujours sur le même axe et proches du tronc, le corps faisant ondulation avec les membres supérieurs, s'accompagnant de trajets de biais ou en décalé.

© Ricci.
© Ricci.
"La nuit transfigurée" d'Arnold Schönberg (1874-1951) suit les déplacements, les pauses, les fixations au sol où, pour ces dernières, une certaine léthargie s'emploie par instants à envelopper le danseur d'un rythme endiablé comme sujet d'une âme tourmentée. Le corps suit son tempo. L'artiste semble être pris dans un tourbillon qu'il essaie de maîtriser puis, au final, est accaparé par une fatalité qui le recouvre de ses enlacements, de ses silences. Le regard de Lionel Bègue devient presque extatique, les poings serrés vers le bas, couvrant quelque peu sa taille. Toute la gestuelle est proche du tronc, soumise à une force enchaînée dans son pré carré corporel.

Pause et dépose alternent avec un être au contact du sol, s'allongeant sur les mains, les jambes, les genoux en appui, sujet à des tremblements, des convulsions comme jouet d'une emprise aux forces multiples et contraires. C'est un combat contre des attractions et des répulsions, d'un être essayant de lutter face à un destin voulant l'emprisonner, devenant à la fois sujet, par sa révolte, et objet, car victime d'une force au-delà de toute proportion. L'espace devient cheminement, trajet avec maints allers-retours en diagonale tel un principe où la répétition se fait pour n'être jamais la même.

Le combat est autant intérieur, avec cette crispation du tronc, ce regard vide ou habité, et extérieur avec cette gestuelle qui se glisse, courbe, toute en virgule pour s'échapper vers un ailleurs. Le visage parfois presque fixe, Lionel Bègue s'allonge doucement au sol de tout son long, comme une pause salvatrice pour repartir tel Sisyphe vers son rocher et un destin où les mouvements physiques et ondulatoires sont le seul horizon. Le tout de façon poétique et musicale. Une très belle performance.

"La fuite"

© Angélique Lyleire.
© Angélique Lyleire.
Chorégraphie : Lionel Bègue.
Avec : Lionel Bègue.
Création lumière : Annie Leuridan.
Regards complices : Camille Revol, Julie Coutant, Gilles Baron.
Musique : "La Nuit transfigurée" d'Arnold Schoenberg, par le Juilliard String Quartet.
Son additionnel : Thomas Sillard.

La représentation a eu lieu le 8 février 2020 au "Bateau Feu" - scène nationale, à Dunkerque.
>> lebateaufeu.com

Tournée

© Ricci.
© Ricci.
29 mars 2020 : La Scène du Louvre Lens
5 avril 2020 : Ballet du Nord - Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France, dans le cadre du festival "Label Danse#2", Roubaix (59).
27 juin 2020 : Le théâtre élisabéthain du Château d'Hardelot

Safidin Alouache
Mercredi 19 Février 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024