La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

L'insoutenable légèreté du "Fardeau" chorégraphié, immersion in vivo

Lorsque Auguste Ouédraogo "a rencontré" (sic) la sculpture "Le fardeau" de Jean-Philippe Rosemplatt - Festival d'Ici Danse 2018 et son dispositif artistique Au-delà des frontières -, "ce fut comme une apparition"… Happé par la force qui se dégageait de ce corps statufié d'un migrant, prototype des errances migratoires et de leur cortège d'épreuves, il en ressentit une telle émotion qu'il eut la révélation de la nécessité de raconter avec son écriture à lui - la chorégraphie - la réelle fiction de cet homme, sans centre de gravité autre que ce corps errant.



© Méghane Dumas.
© Méghane Dumas.
Après dix jours de résidence à L'Atelier des Marches de l'été de Jean-Luc Terrade (Directeur du festival international Trente-Trente, metteur en scène… et "ac-cueilleur" d'artistes dans son lieu du Bouscat-Bordeaux), Auguste Ouédraogo, tout en muscles et finesse, le regard fixé sur cet autre lui-même posé au sol, "habite" l'espace sans autre horizon que les murs gris bétonnés et éclairés par une lumière crépusculaire.

Assis sur une sorte de cube et accompagné par la carcasse métallique d'une maison "idéale" (au sens où l'employait Rimbaud dans "Ma Bohème" - "Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées/Mon paletot aussi devenait idéal" -, maison réduite à l'état d'idée, tant elle a perdu sa matérialité), il va rejouer à l'envi les déplacements liés aux horizons perdus.

Ses mouvements de reptation au sol sont délivrés comme en apesanteur, ce qui contraste violemment avec le fardeau des départs forcés et des arrachements qui y sont attachés. Dans un silence sépulcral, il s'allonge, rampe, se recroqueville, se relève, s'agenouille, pousse devant lui ce double encombrant, comme un chemin de croix où les stations seraient marquées par le sceau d'un espoir incrédule : comment pourrait-il penser un seul instant, l'homme sans amarres, qu'il puisse trouver "la porte de sortie" susceptible de l'amener vers un ailleurs ?

© Méghane Dumas.
© Méghane Dumas.
Les affres du parcours improbable et chaotique de l'homme ployant sous un fardeau plus lourd à porter que sa carcasse, sont distillées au travers de ses hésitations, reculs et avancées. Se dévoile un univers que n'aurait pas désavoué Claude Régy, une scénographie dépouillée de tout artifice pour rendre sensible l'essence de ce qui se joue en lui, pour distiller au compte-gouttes le drame intérieur des errances.

Rompant le lourd silence, quelques notes subtiles peuvent parfois s'amplifier et devenir lancinantes lorsque la peur se lit dans le regard. Et quand le corps est agité par des gestes devenus syncopés sous l'effet de la rudesse des épreuves, la musique s'emballe et se fait violence.

Plus tard, la structure métallique avec laquelle il compose, tentant éperdument de s'en détacher tout en y étant attaché, sera déposée par ses soins derrière lui, comme la trace de ses amarres rompues. Cependant, enfilant son blouson de fortune et coiffé de sa casquette reliée aux cordes qui l'entravent à jamais, il avancera avec efforts entraînant à sa suite la pauvre valise des migrants d'où s'échappent gourde, réveil, chaussures… Et, torche en main, il sera englouti par l'obscurité en ayant éclairé une dernière fois la petite sculpture, son portrait en tout point semblable.

© Méghane Dumas.
© Méghane Dumas.
Après "Les Vivant(e)s" vu au Glob Théâtre de Bordeaux en mars dernier et qui chorégraphiait le parcours musclé de jeunes femmes africaines engagées corps et âme sur le chemin d'une émancipation féminine revendiquée superbement, la Cie Auguste-Bienvenue signe à nouveau une forme alliant à la beauté plastique d'une chorégraphie "lumineuse" un témoignage bouleversant donnant à voir la condition "in-humaine" réservée aux errants.

Un très beau moment sensible où la rencontre - d'un artiste plasticien sans tabou et d'un danseur chorégraphe profondément investi du sens à donner - transcende les frontières des différents arts pour mieux blackbouler celles qui discriminent en jetant sur les routes de l'errance des êtres devenus infiniment vulnérables.

"Errances"

Sculpture Le Fardeau de Jean-Philippe Rosemplatt © Méghane Dumas.
Sculpture Le Fardeau de Jean-Philippe Rosemplatt © Méghane Dumas.
Conception : Auguste Ouédraogo et Bienvenue Bazié.
Chorégraphie et interprétation : Auguste Ouédraogo.
Sous le regard complice de Bienvenue Bazié.
Sculpture "Le fardeau" de Jean-Philippe Rosemplatt.
Musiques : Jon Hopkins et Manuel Wandji.
création lumière : Fabrice Barbotin.
scénographie : Bruno Lahontaa.
Production : Wa Tid Saou /Cie Auguste-Bienvenue.
Création 2019.
Par la Cie Auguste-Bienvenue.
Durée : 30 minutes.

Les premières ont eu les 27 et 28 juin 2019 dans le cadre de la "Saison Liberté !", à l'Atelier des Marches de L'été, au Bouscat-Bordeaux.

Prochaines dates de représentations
4 juillet 2019 à 20 h 30.
Saison Liberté !.
Centre d'animation Argonne-Saint Genès, Bordeaux, 05 56 94 70 05.
>> acaqb.fr

20 Septembre 2019 à 16 h 30.
Festival Cadences.
Théâtre de la mer, Arcachon, 05 57 52 97 75.

26 et 27 septembre 2019 à 18 h.
Festival Les Francophonies en Limousin.
Centre Culturel Jean Moulin, Limoges, 05 55 35 04 10.
>> centres-culturels-limoges.fr

Yves Kafka
Mardi 2 Juillet 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024