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Théâtre

"L'Avare" L'approche "fraîche" et moderne d'un classique très codifié par Olivier Lopez

"L'Avare" est ce grand classique français que Molière a écrit pour dénoncer l'un des vices de l'humain : l'avarice. Un vice qui devient, sous l'œil aigu de la comédie, un état obsessionnel, une monomanie totale, un excès démesuré que développe le comique du personnage phare de la pièce : Harpagon. Mais cette folie est également subie par tout l'entourage du personnage et tous ceux qui sont en son pouvoir. Enfants, employés de maison et relations sont tous impactés par ce mal.



© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Olivier Lopez (metteur en scène, il y a quelques années, d'un formidable spectacle intitulé "Bienvenue en Corée du Nord") s'intéresse autant au personnage principal qu'aux autres protagonistes. Il propose une lecture qui ne se contente pas de la virtuosité comique du texte de Molière et de ses nombreux ressorts comiques. Même si les confusions, les quiproquos et les machinations foisonnent, imposant au spectacle le rythme vif de la comédie, le metteur en scène met en valeur les dommages collatéraux de cette avarice poussée à l'extrême et, en premier lieu, sur les enfants d'Harpagon.

Fille et fils sont victimes. L'une doit accepter que son amant devienne secrétaire du père pour tenter d'entrer dans ses faveurs, l'autre recours à des emprunts usuraires abusifs pour pouvoir s'acheter ses habits. Ils sont également victimes de leurs soumissions à l'autorité paternelle quand Harpagon leur impose des mariages forcés. Pire, quand l'on découvre qu'il est le rival de son propre fils, Cléante. Mais la lecture d'Olivier Lopez n'en fait pas que des victimes. Ils ne sont pas "tout blanc tout neige", ils sont complexes, et les réactions à l'injustice qu'ils subissent de la part de leur père font qu'eux-mêmes sont obsédés par l'argent. Un peu futiles, un peu sans cœurs, fille, fils, amante et amant possèdent ici, eux aussi, une belle monstruosité.

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Ceci pour le fond qui transparaît par moments. Toute la représentation reste une belle comédie, dans un dispositif simple et ingénieux. Un grand rideau masque ou dévoile un plateau de planches où se déroule l'intrigue. Cela évite ainsi les entrées et sorties trop fréquentes des personnages. C'est aussi un clin d'œil aux symboles du théâtre classique : tréteaux et rideau.

Elle est comédie également par le jeu des comédiens et, en premier, celui d'Olivier Broche l'interprète d'Harpagon. Il crée ici un Harpagon virevoltant, tonique et d'une énergie communicative. Mais il ajoute au comique du personnage une violence, par moments, absolument savoureuse et qui fait comprendre toute la charge agressive que le personnage distribue autour de lui. Ce juste contrepoint rend encore plus drôle les moments de pure comédie.

À ses côtés, Stéphane Fauvel, dans son multiple rôle de maître Jacques, excelle. La jeune comédienne Marine Huet se glisse avec bonheur dans celui de La Flèche dont elle parvient à rendre, avec légèreté et vivacité, toute l'espièglerie. Gabriel Gillotte incarne un Cléante on-ne-peut-plus original, sorte de "fashion victim" un peu nigaude, avec le risque que son jeu tourne plus au stand-up qu'à l'interprétation purement théâtrale.

En effet, Olivier Lopez a mis en place une distribution qui assemble des vieux loups de plateau de théâtre et de jeunes pousses. La manière d'investir les rôles frappe par leurs différences. Les jeunes donnent ainsi un peu de frais et de modernité à des rôles en général très codifiés : l'amant, l'innocente, le valet…

"L'Avare"

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.
Texte : Molière.
Mise en scène : Olivier Lopez.
Avec : Olivier Broche, Stéphane Fauvel, Gabriel Gillotte, Romain Guilbert, Marine Huet, Noa Landon, Olivier Lopez, Annie Pican , Margaux Vesque, Simon Ottavi.
Création lumières et son : Louis Sady.
Régisseur plateau : Simon Ottavi.
Régie tournée lumières : Lounis Khaldi.
Constructeur : Luis Enrique Gomez.
Costumières et costumier : Angela Seraline, Laëtitia Pasquet et Bruno Lepidi.
Production La Cité Théâtre.
Durée : 2 h 10.

Tournée
Du 11 au 14 avril 2023 : Studio 24 - Espace de Recherche et de Création, Caen (14).
27 avril 2023 : 3T - Scène conventionnée de Châtellerault (86).
5 mai 2023 : La Manekine - Scène intermédiaire des Hauts-de-France, Pont-Sainte-Maxence (60).
11 mai 2023 : Théâtre d'Abbeville (80).
17 novembre 2023 : Halle ô Grains, Bayeux (14).
21 et 22 novembre 2023 : Théâtre de la Ville, Saint-Lô (50).
29 et 30 novembre 2023 : Kinneksbond - Centre culturel Mamer, Luxembourg.
13 et 14 décembre 2023 : Théâtre de l'Hôtel de Ville (en co-accueil avec le Volcan), Le Havre (76).
16 février 2024 : Carré - Scène nationale, Château-Gontier (53).
13 et 14 mai 2024 : Théâtre de la Ville, Montélimar (26).
15 et 16 mai 2024 : Théâtre des Halles, Avignon (84).
17 mai 2024 : Théâtre du Briançonnais - Scène Conventionnée, Briançon (05).
Dates à venir
Théâtre de la Garenne, La Garenne-Colombes (92).
Théâtre des deux Rives, Charenton (94).
Siroco - salle culturelle, Saint-Romain-de-Colbosc (76).

© Virginie Meigné.
© Virginie Meigné.

Bruno Fougniès
Mardi 11 Avril 2023

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© Jean-Louis Fernandez.
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03/03/2023
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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Brigitte Corrigou
07/04/2023
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