La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Intégrale des "Valses" de Frédéric Chopin par Emmanuelle Swiercz

Parution du nouvel enregistrement de la pianiste Emmanuelle Swiercz avec les vingt "Valses" de Frédéric Chopin. Un enregistrement qui constitue donc une nouvelle intégrale de cette forme qu'a pratiquée avec un talent irrésistible le compositeur franco-polonais, et dont huit seulement furent publiées durant sa (brève) vie.



Les Intégrales des "Valses" de Chopin s'enrichissent peu à peu au cours des années, au fur et à mesure que des partitions sont découvertes, qui dans des bibliothèques qui dans des collections privées. Certains manuscrits offrent aussi parfois plusieurs versions d'une même valse, suivant le niveau de celui de ses élèves à qui le compositeur pouvait éventuellement la destiner. Ce qui rend plutôt problématique la recension d'un catalogue en perpétuelle évolution. Emmanuelle Swiercz en propose vingt dans son dernier enregistrement, dont onze au moins constituent des opus posthumes.

De la "Grand Valse brillante" opus 18 à la "Valse en mi mineur" (KKIVa/15), il permet de mesurer en plus d'une heure de musique l'évolution de cette forme pratiquée de loin en loin pendant une vingtaine d'années (probablement de 1829 à 1848 - ou 1849 ? année de la mort de Chopin) dans l'œuvre et la vie de l'artiste. Selon Alfred Cortot lui-même, ces "Valses" d'abord conçues comme des "danses pour le corps" devinrent rapidement "des danses de l'âme". Elles présentent des longueurs qui varient d'une minute trente à six minutes.

Icône du piano romantique (avec Schumann et Liszt), Frédéric Chopin a marqué de son empreinte unique le répertoire de cet instrument ; un révolutionnaire ouvrant la voie à d'autres pour l'avenir. Les "Valses" n'ont pas échappé à ce destin. Longtemps considérées comme mineures dans l'œuvre, les analyses se sont multipliées depuis pour reconnaître la complexité et la richesse de leur inspiration, se développant dans le cadre formel et (normalement) contraint de la valse - à l'origine une danse, avec son rythme donné à trois temps - destinée aux salons aristocratiques plutôt qu'au récital.

Le rythme faisant la basse, l'enjeu de tout pianiste voulant imprimer sa marque à ce répertoire est de délivrer son interprétation en se faisant un chemin dans la forme rhapsodique qu'invente le compositeur. À savoir, faire briller les contrastes et savoir varier les coloris entre les deux mains pour rendre justice à l'imagination, à la poésie et à l'éloquence d'un discours musical qui fait se succéder de petites séquences aux climats très divers. Un pari réussi ici. Emmanuelle Swiercz sait indéniablement faire surgir la beauté de la phrase, privilégiant la finesse du détail (et les fameux passages en "petites notes", telle cette "Valse n° 2 en si mineur" extraite des "Deux Valses" opus posthume 69) et l'introspection sans pathos.

L'élégance et la clarté du discours se manifestent souvent, comme dans les "Trois Valses" opus 34, mais elles ne prennent pas le pas sur la confidence élégiaque si nécessaire : par exemple dans la "Valse n° 2 en ut mineur" (opus 64), à l'insondable tristesse que ne peut chasser un bref interlude en ré majeur. La pianiste confie cependant avoir voulu éclairer par son jeu cette aérienne architecture telles ces "Cathédrales" de Monet, aux couleurs évoluant suivant les moments du jour. Révélation d'importance d'un art qui se voudrait impressionniste, c'est-à-dire éminemment français. Finesse et sentiment pudique se révèlent aussi dans la "Valse n° 1 en la bémol majeur" (dite "L'Adieu" offerte à l'amour impossible de Maria Wodzinska) ou dans la "Valse en fa mineur" (ou "Valse mélancolique"), vrai poème de la psyché d'un compositeur à la sensibilité ogresse.

Avec son art tout en délicatesse, Emmanuelle Swiercz livre donc un enregistrement des plus intéressants sur un répertoire dont le charme ne se dément pas et qui - comme toutes les grandes œuvres - reste ouvert à la multiplicité des interprétations. On pourra le vérifier le 17 novembre à Gaveau.

Prochains concerts
17 novembre 2017 à 20 h 30.
Salle Gaveau.
45/47 rue La Boétie, Paris 8e.
Tél. : 01 49 53 05 07.

22 novembre 2017 à 18 h.
Festival L'Esprit du Piano (du 16 novembre au 2 décembre 2017), Bordeaux (33).

● Emmanuelle Swiercz-Lamoure, piano "Chopin - Valses".
Label : La Musica.
Distribution : harmonia mundi.
Durée totale : 71 min 18.
Sortie : 3 novembre 2017.

Christine Ducq
Mardi 14 Novembre 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024