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Avignon 2024

•In 2024• Vive le Sujet ! Série 2 – "Méditation" et "Baara", deux tentatives à découvrir…

Dans l'écrin végétal du Jardin de la Vierge, "Vive le sujet ! Tentatives" convie autrices, auteurs, artistes en tous genres et toutes disciplines, à présenter des formes courtes hybrides. Ainsi de "Méditation" et "Baara", deux propositions n'appartenant pas au même registre et produisant des effets différents. La première nous immerge dans une (pseudo) conférence autour de la mort, intervention décalée prise en charge par trois intervenants disposant chacun d'un crâne face à leur micro. La seconde réunit sur le plateau une artiste, adepte de musique expérimentale, et deux danseurs se proposant d'"incorporer" les gestes des travailleurs africains pour les donner à voir.



"Méditation" © Audrey Scotto.
"Méditation" © Audrey Scotto.
"Méditation", de Stéphanie Aflalo, avec Jérôme Chaudière, Grégoire Schaller et… Stéphanie Aflalo, est un petit bijou de drôleries faussement innocentes distillées sur un ton en totale contrepoint avec le propos. Les complices (ils le sont bien au-delà de ce que ce mot peut avoir de convenu), visage passé au blanc de clown, air pénétré et lenteur d'expression marquant l'intensité de la réflexion mobilisée pour dire… rien de rien sur la mort, nous transportent dans une jubilation intérieure, sorte de réplique sismique de celle que les comédiens sur scène ont du mal (parfois) à contenir.

Tout commence par les présentations où chacun tour à tour, sans se départir du sérieux de circonstance requis par la gravité post-mortem du sujet à aborder, lâche toute retenue pour élucubrer librement autour du prénom qui le dénomme. "L'autrice de cette pièce, dans le cadre de "Vive le sujet"… moi, Stéphanie Affalo ou Steph ou Sac à merde ou Mademoiselle…". "Moi, je suis Jérôme Chaudière, vous pouvez m'appeler Jérôme Cumulus ou Jérôme Perd ses cheveux…". "Moi, c'est Grégoire S.c.h.a.l.l.e.r. Comme c'est de l'allemand, j'épelle. J'ai failli hériter du prénom Sigmund…".

"Méditation" © Audrey Scotto.
"Méditation" © Audrey Scotto.
Ceci étant dit, et bien dit, on peut passer au cœur du sujet dans ce Jardin de la Vierge du "Lycée Saint-Jo" où "c'est calme pour méditer sur… la mort"… "ou l'autre rive"… "ou la fin du voyage"… Stéphanie (ou Steph ou…) déplie alors avec gravité un long papier où elle a noté scrupuleusement une citation de Montaigne propre à donner la mesure de la qualité des "Méditations" à venir. Débitant les mots du philosophe du XVIe dont elle ne semble pas très bien saisir la teneur, elle refile ses "essais" à son acolyte qui s'empresse, très sérieusement lui aussi, d'en rajouter une couche en faisant une référence savante aux Égyptiens et à leur rapport à la fragilité de la vie, d'où les Pyramides.

Suivra une litanie d'associations libres (très libres) sur le mode "La mort, c'est comme… un feu rouge éternel sur la route du temps… un panneau stop sur l'autoroute de l'avenir… un péage où il faut payer de sa vie", ceci ne constituant que les prémices infinitésimales d'une très longue liste à mourir… de rire, à découvrir sans limite de temps, aucune péremption, ad vitam æternam…

"Méditation" © Audrey Scotto.
"Méditation" © Audrey Scotto.
Mais les trois bons vivants, à l'air de croque-morts zélés, ne se contenteront pas de saillies iconoclastes délivrées sur un ton neutre et appliqué, ils les enrichiront de pauses performées à vertus hilarantes. Ainsi des accompagnements (très) sonores délivrés par la bouche (très) en verve du performeur Grégoire, imitant à s'y tromper une chasse d'eau ultra-puissante engloutissant en un clin d'œil l'existence, ou encore le vrombissement d'un véhicule supersonique s'éloignant à la vitesse grand V pour évoquer la disparition instantanée des conférenciers sur scène, dès que la fin de leur mortelle apparition aura sonné. Sans omettre le numéro de Jérôme (Cumulus…) pianotant, durant sa pause et l'air ahuri, un SMS sur un clavier imaginaire. Ou encore l'appel lancé à la vieille dame nostalgique des manèges de son enfance, l'enjoignant en toute bienveillance à laisser sa place aux enfants d'aujourd'hui… en ayant la gentillesse de bien vouloir débrancher son respirateur afin de libérer la prise pour la recharge de leurs Game Boy.

Un moment exceptionnel d'intelligence à vif, d'humour (noir) distancié et d'investissement artistique pleinement vivant… qui fait mortellement mouche… car ainsi va la vie, qu'à la fin "nonobstant, on retourne au compost".

"Baara" © Christophe Raynaud de Lage.
"Baara" © Christophe Raynaud de Lage.
"Baara", (travail en langue bambara), de Tidiani N'Diaye, offre une performance dansée à résonances sociologiques et politiques. S'emparant des gestes réitérés jusqu'à épuisement par les travailleurs manuels africains, ouvriers, agriculteurs ou encore éboueurs, les deux danseurs les "incorporent" pour faire spectacle. Accompagnés par la musique en live d'une musicienne utilisant autant les ressources du synthétiseur que celles des bols tibétains, ils déploient une énergie sans faille les propulsant violemment au sol, ou les projetant en l'air. Leur corps, sorte de plaque sensible des émotions traversées, vibre à l'unisson des efforts produits.

Et si une certaine lassitude pourrait être ressentie face à la (re)présentation en boucle de figures analogues, on peut se dire qu'elle naît de la monotonie même d'un travail où la répétition a force de loi. D'autre part, le paysage évoqué, si rude et asservissant soit-il, se teinte de moments plus souriants lorsque, chez les deux performeurs "faisant corps", se lit le plaisir de faire communauté.
◙ Yves Kafka

Vu le samedi 13 juillet 2024 au Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph d'Avignon.

Vive le sujet ! Tentatives - Série 2, avec la SACD

"Baara" © Christophe Raynaud de Lage.
"Baara" © Christophe Raynaud de Lage.
"Méditation"
France - Création 2024.
Texte : Stéphanie Aflalo (Projet Récréations philosophiques).
Mise en scène : Stéphanie Aflalo.
Avec : Stéphanie Aflalo, le comédien Jérôme Chaudière (Cie l'Oiseau-Mouche) et le performeur Grégoire Schaller.
Collaboration à la chorégraphie : Grégoire Schaller.
Collaboration à la dramaturgie : Samuel Hackwill.
Durée : 45 minutes.

"Baara"
Mali - Création 2024.
De : Tidiani N'Diaye.
Avec : Tidiani N'Diaye, Adonis Nebié Tauwindsida.
Musicienne : Clara De Asís.
Chorégraphie : Tidiani N'Diaye, Adonis Nebié Tauwindsida.
Collaboration artistique et dramaturgie : Andreya Ouamba.
Musique originale : Clara De Asís.
Durée : 30 minutes.

•Avignon In 2024•
A été joué du 11 au 14 juillet 2024.
Représenté à 10 h 30 et 18 h.
Jardin de la Vierge du Lycée Saint-Joseph, Avignon.
Réservations : 04 90 14 14 14, tous les jours de 10 h à 19 h.
>> festival-avignon.com

Yves Kafka
Lundi 15 Juillet 2024

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À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024