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Avignon 2024

•In 2024• "Mothers, A Song for Wartime" Les voix chantées plus fortes que le bruit des chars…

On voudrait tellement y croire… Et à entendre résonner dans la fastueuse Cour du Palais des papes les voix de ces ukrainiennes, biélorusses et polonaises, unies par la même détermination combative, on est gagnés par leur émotion… qui devient nôtre. En effet, comment pouvoir résister à ces chants véhiculant, sur des musiques traditionnelles, tant la beauté innocente du monde que l'effroi provoqué aujourd'hui par les viols promus au rang d'arme de guerre ? Résister c'est exister. Et si sombre est le propos, il est éclairé par la fabuleuse énergie de ces "guérillères ordinaires" ne cédant devant rien.



© Audrey Scotto.
© Audrey Scotto.
Tout commence par un rêve ayant traversé les temps… Un rêve doux, celui porté par un chant apaisant pour temps de guerre. Un rêve naïf – mais essentiel – mettant en scène un petit oiseau apportant, avec la venue du printemps, l'espoir. Faisant corps entre elles, propulsant à leur tête une petite fille pétillante de vie faisant figure de proue, elles avancent et reculent au rythme d'une vague pérenne qu'aucune force, fût-elle armée, ne pourra arrêter. Mais les vagues, même les plus tranquilles d'entre elles, ont aussi pour effet d'effacer les traces inscrites dans le sable. Le flux et le reflux de la mémoire humaine ne fonctionnent pas autrement, ils effacent toutes traces d'horreurs "impensables". Ainsi en est-il de l'amnésie, symptôme post-traumatique des temps guerriers.

"Sur la paix", projeté sur la façade monumentale du Palais, ouvre le temps du partage, celui du chant de beignets traditionnels, celui des douceurs à déguster en toute fraternité, en dansant, s'embrassant. "Sur la violence", lui succède apportant dans les plis de ses paroles la souffrance d'une enfant implorant sa mère de la sauver. Un cri déchirant, avec en contrepoint une berceuse enfantine contrastant avec l'extrême violence vécue. "Sur le viol" intensifie encore l'horreur en rappelant que le viol concerne essentiellement les femmes, mais aussi les hommes, n'épargnant aucun âge. De un à quatre-vingt-cinq ans, comme le révèlent les consultations gratuites mises en place pour recueillir la parole des victimes de la soldatesque russe, ayant banalisé la pratique du viol pour démultiplier la souffrance en l'étendant à la vie entière de la victime. Les chorégraphies désarticulées et vindicatives du chœur des femmes "parlent" alors autant de la douleur qui les submerge que de leur colère de combattantes.

© Audrey Scotto.
© Audrey Scotto.
Et l'Europe dans tout ça ? Scandale qu'elle soit si éloignée de l'Ukraine. Déclaration d'amour proclamée par le chœur, "l'amour est plus fort que la mort". Et la révolte plus importante que la passivité face au malheur, "Le rôle des pleureuses sur des os ne nous suffit plus. Notre chant ne s'arrêtera pas".

Viendra l'heure des "Mothers monologues", chacune énonçant son prénom et la ville d'Ukraine qu'elle a dû fuir, Kyiv, Soumy, Irpin, Kharkiv… Elle fera part ensuite de ses goûts ordinaires, de ce qui la constitue comme être de désirs, un sujet pleinement vivant que les atrocités guerrières n'ont pas réussi à détruire… Même si elles savent, ces femmes, que la guerre survivra en elles à la paix.

Moments sensibles portés par ces chants chorégraphiés à la force expressive amplifiée par la solennité des lieux. Moments partagés avec les spectateurs faisant communauté avec ces héroïnes ordinaires n'ayant rien rabattu de leurs aspirations… Et même si, l'émotion (réelle) ressentie dans ce haut lieu de La Cour d'Honneur résonnant des bruits et fureurs de représentations mythiques se dissipera (peut-être pas, allez savoir…) au premier mistral venu, cette forme chorale est de nature à réveiller notre assoupissement chronique… pour hisser notre légitime indignation à la hauteur de l'énergie déployée par ces guérillères exemplaires.
◙ Yves Kafka

Vu le mercredi 10 juillet 2024 dans la Cour d'honneur du Palais des papes, Avignon.

"Mothers, A Song for Wartime"

© Audrey Scotto.
© Audrey Scotto.
"Mothers, A Song for Wartime"
Pologne - Création 2023.
Conception et mise en scène : Marta Górnicka.
Assistantes à la mise en scène : Maria Wierzbicka, Bazhena Shamovich.
Avec : Katerina Aleinikova, Svitlana Berestovska, Sasha Cherkas, Palina Dabravolskaja, Katarzyna Jaźnicka, Volha Kalakoltsava, Ewa Konstanciak, Liza Kozlova, Anastasiia Kulinich, Natalia Mazur, Kamila Michalska, Hanna Mykhailova, Valeriia Obodianska, Svitlana Onischak, Yuliia Ridna, Maria Robaszkiewicz, Polina Shkliar, Aleksandra Sroka, Mariia Tabachuk, Kateryna Taran, Bohdana Zazhytska, Elena Zui-Voitekhovskaya.
Libretto : Marta Górnicka & Ensemble.
Musique : Marta Górnicka.
Dramaturgie : Olga Byrska, Maria Jasińska.
Scénographie : Robert Rumas.
Assistante à la chorégraphie : Maria Bijak.
Chorégraphie : Evelin Facchini.
Lumière : Artur Sienicki.
Vidéo : Michał Jankowski.
Costumes : Joanna Załęska.
Collaboration musicale : Wojciech Frycz.
Coaching vocal : Joanna Piech-Sławecka.
Conseil d'ethnomusicologie urkainienne : Anna Ohrimchuk.
Conseil sur les jeux d'enfants ukrainiens : Venera Ibragimova.
Traduction pour le libretto : Cecile Bocianowski (français), Aleksandra Paszkowska (anglais).
Régie plateau : Bazhena Shamovich.
Régie surtitre : Zofia Szymanowska.
Traduction pour le surtitrage : Cécile Bocianowski (français), Aleksandra Paszkowska (anglais).
Durée : 1 h.

© Audrey Scotto.
© Audrey Scotto.
•Avignon In 2024•
A été joué du 9 au 11 juillet 2024.
Représenté à 22 h.
Cour d'honneur du Palais des papes, Avignon.
Réservations : 04 90 14 14 14, tous les jours de 10 h à 19 h.
>> festival-avignon.com

Tournée
15 et 16 août 2024 : Zürcher Theater Spektakel, Zurich (Suisse).
29 et 30 août 2024 : La Comédie, Genève (Suisse).
1er septembre 2024 : Maxim Gorki Theater, Berlin (Allemagne).
5 et 6 octobre 2024 : Teatr Powszechny, Varsovie (Pologne).
Du 9 au 11 octobre 2024 : TnBA, Bordeaux (33).
Du 15 au 19 octobre 2024 : Théâtre du Rond-Point, Paris.
24 et 25 octobre 2024 : Festival Sens Interdits, Lyon (69).
2 novembre 2024 : Maxim Gorki Theater, Berlin (Allemagne).
7 novembre 2024 : Euro-scene Leipzig Theatre Festival, Leipzig (Allemagne).
18 novembre 2024 : The National Festival of Directing Art Interpretations, Katowice (Pologne).
Du 30 novembre au 1er décembre 2024 : Teatr Powszechny, Varsovie (Pologne).
Du 6 au 12 décembre 2024 : International Divine Comedy Theatre Festival, Cracovie (Pologne).

© Audrey Scotto.
© Audrey Scotto.

Yves Kafka
Samedi 13 Juillet 2024

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À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024