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Théâtre

Illustre "Rouge", une histoire de famille à voir en famille !

"Les Illustres Enfants Juste"… ça ne vous dit rien ? Et pourtant, le nom de cette compagnie est absolument à retenir. "Rouge" est leur deuxième spectacle. "Tout public" (et on tient à cette appellation !). À travers cet adjectif (devenu ici nom propre), on revisite avec finesse et truculence le conte bien connu du "Petit Chaperon Rouge". Si vous pensez ne plus rien avoir à apprendre de ce conte (surtout que c’est un spectacle dès 3 ans), vous vous trompez. Vous en sortez avec cette impression qu’on vient de vous extraire du ventre du loup pour sauver l’enfant que vous étiez il y a bien (trop) longtemps… Attention, c’est au Lucernaire et il ne reste plus que quelques dates.



© camillelvis&justemarjolaine.
© camillelvis&justemarjolaine.
"Rouge" est une histoire de passation et de transmission dans laquelle les gentils deviennent méchants et les méchants gentils. Enfin jamais tout à fait. Et c’est certainement ce qui fait la force de ce spectacle. Avec ses marionnettes, la sœur (sur scène comme dans la vie), mi-magicienne, mi-plasticienne, construit et déconstruit avec une simplicité (à l’air) enfantine des personnages remplis de poésie. Le frère, quant à lui, est tour à tour un loup affamé et un saltimbanque gourmand et malin. Il emporte avec talent son public dans un tempo effréné au rythme de sa vielle à roue et de ses multiples accordéons… Et comme il dit si bien, "il a faim" !

Mais dans cette histoire, le plus important de tous ces personnages, ce n’est ni le loup ni même le petit chaperon rouge, mais bien la grand-mère qui joue à raconter et à transmettre ce qui est devenu son histoire. C’est ainsi que Mère-Grand, avec sa bonhomie rassurante et son sourire édenté, devient à la fois les trois rôles principaux ou alors se met, comme une partition, à distribuer ces rôles. Peu importe qui est qui, sous la conduite un peu espiègle de ce troisième larron, tout finit par s’emboîter. C’est donc à se demander si c’est l’œuf qui fait la poule ou la poule qui fait l’œuf…

© camillelvis&justemarjolaine.
© camillelvis&justemarjolaine.
C’est ainsi que ce trio entre Mère-Grand, Marjolaine et Benoît Juste se démultiplie à l’infini au gré de leurs personnages. N’étant plus enfermés dans les carcans du bien et du mal, ils trouvent enfin cet équilibre parfait que seuls les vrais alchimistes savent trouver. Et, sont-ils (enfin) libres de devenir facétieux à souhait, "(ces) êtres contradictoires et joueurs, (ces) ni-méchants, ni-gentils, (ces) partenaires de jeu qui inversent les rôles, (ces) frères et sœurs qui se disputent la place et se réconcilient en écrivant une chanson sur un air d’accordéon".

Ici, il n’y a pourtant ni metteur en scène, ni chef décorateur. Marjolaine Juste fait tout, même les marionnettes. Ces "enfants terribles" ne manquent ni d’intelligence ni de finesse. À travers un jeu emprunt de chant, de danse et de musique, ils déroulent le fil d’une histoire qu’ils nous servent avec gouaille et fantaisie. Les enfants se mettent volontiers à table pour écouter leurs histoires. Quant aux parents, ils y trouvent largement leur "conte" et peut-être même y retrouveront-ils leur âme d’enfant… Attention, Mère-Grand y veille avec soin !

"Rouge"

© camillelvis&justemarjolaine.
© camillelvis&justemarjolaine.
Texte : D’après le conte de Charles Perrault.
Texte, mise en scène, construction des décors et des marionnettes : Marjolaine Juste.
Avec : Marjolaine et Benoît Juste.
Lumières : Grégory Chervier.
Son : Benoît Juste.
Scénographie : Les Illustres Enfants Juste.
Costumes : Alice Touvet, Aurélie Chamouard.
Contrôle marionnettes : Cédric Mercier.
Production : Pestacle.
Durée : 50 minutes.
>> Cie Les Illustres Enfants Juste

Du 10 janvier au 8 mars 2015.
Mercredi et samedi à 16 h, dimanche à 10 h 30.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> Le Lucernaire


Mercredi 4 Mars 2015

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023