La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Hommage jubilatoire et débridé au théâtre, aux metteurs en scène, aux comédiens et à tous les métiers de la scène

"Zigzag", Petit Montparnasse, Paris

Cela se présente comme une conférence sur l'Art de la mise en scène, une conférence illustrée par l'exemple : on y annonce ainsi trois mises en scène différentes de la première scène du "Médecin malgré lui" de Molière. Mais sous cette apparence extrêmement sérieuse, aux allures universitaires, se cache une formidable démonstration de ce que le théâtre peut réaliser dans sa double exigence qui est de distraire tout en enseignant.



© J. B. Vincens.
© J. B. Vincens.
Alors oui, il y a bien là, accessoirisé de son petit "bureau chaise lampe", le conférencier, en costume et cravate noirs sur chemise blanche. (C'est ce soir-là Xavier Lemaire - père du spectacle - qui officie). Le verbe clair, haut, le sourire bienveillant et le discours émaillé d'humour éclairent l'attention des spectateurs à la thématique de la conférence : le théâtre et plus spécifiquement la mise en scène au théâtre.

Pendant ce temps, et même dès l'ouverture du spectacle, deux régisseurs de plateau aux nez de clowns installent un décor. Et cela commence par un jeu totalement convenu, formel et sans surprise : les deux "petites mains" du théâtre vont perturber la conférence. Mais il ne faut pas s'y tromper… minute après minute, le spectacle va s'éloigner un peu plus du convenu et du stéréotypé pour s'envoler, et le spectateur avec lui, vers une frénésie capable de susciter volées de rires et vagues d'émotions.

Alors oui, le fil conducteur consiste bien dans le triple montage de la scène écrite par Molière (jouée une fois de manière classique stylisée, une fois dans le style symbolique et une troisième fois en contemporain - très réaliste) mais il ne s'agit ici que du fil rouge, extrêmement intéressant au demeurant car il permet de mettre en évidence l'écart monumental qui peut exister d'une mise en scène à une autre pour un texte identique.

© J. B. Vincens.
© J. B. Vincens.
Et c'est là que ce spectacle devient autre chose que ce qu'il promet : non pas une simple conférence recréée mais un acte théâtral en soi, une histoire particulière, pleine de rebondissements, de situations variées, de personnages inattendus.

Quelque chose de vrai se dégage ainsi de la scène grâce au jeu des trois interprètes, Xavier Lemaire dans le rôle du conférencier extrêmement charismatique mais pas seulement (lorsqu'il devient lui-même metteur en scène visionnaire emportant ses comédiens dans un tragique désopilant), Isabelle Andréani dans le rôle de Martine (souple comme un feu follet) et aussi d'une régisseuse (rugueuse comme de la toile émeri), d'une comédienne amatrice en audition (sublime de drôlerie, d'espièglerie et de bêtise sublimée) et Franck Jouglas dans le rôle de Sganarelle (félon, roué, malin allant jusqu'à la plus crasse imbécillité, ou la plus redoutable violence du rôle), également régisseur (terrien, mégot à la lippe et pantalon lâche) ou encore dans la caricature à se tordre du comédien trop imbu de lui-même…

C'est ainsi que toute une galerie de personnages viennent donner vie à cette pseudo-conférence. Et toute l'intelligence de ce spectacle consiste bien à se permettre de ne pas rester cliver dans le formel du départ tout en apportant au fil du discours des témoignages lumineux de grands metteurs en scène (Ariane Mnouchkine, Peter Brook…) et de faire ainsi ce que seul le grand art peut faire : être sérieux sans se prendre au sérieux.

"Zigzag"

© J. B. Vincens.
© J. B. Vincens.
Texte : Xavier Lemaire.
Mise en scène : Xavier Lemaire.
Avec : Isabelle Andréani, Franck Jouglas et Xavier Lemaire en alternance avec Alain Sachs (du 28 février au 4 mars).
Décor : Caroline Mexme.
Lumières : Stéphane Baquet.
Costumes : Marie Thérèse Roy.
Durée : 1 h 20.

Du 18 janvier au 4 mars 2018.
Du mardi au samedi à 19 h et le dimanche à 17 h 15. Relâche le 9 février.
Petit Montparnasse, Paris 14e, 01 43 22 77 74.
>> theatremontparnasse.com

Bruno Fougniès
Jeudi 25 Janvier 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022










À découvrir

"Salle des Fêtes" Des territoires aux terroirs, Baptiste Amann arpente la nature humaine

Après le choc de sa trilogie "Des Territoires", dont les trois volets furent présentés en un seul bloc de sept heures à Avignon lors du Festival In de 2021, le metteur en scène se tourne vers un autre habitat. Abandonnant le pavillon de banlieue où vivait la fratrie de ses créations précédentes, il dirige sa recherche d'humanités dans une salle des fêtes, lieu protéiforme où se retrouvent les habitants d'un village. Toujours convaincu que seul ce qui fait communauté peut servir de viatique à la traversée de l'existence.

© Pierre Planchenault.
Si, dans "La vie mode d'emploi", Georges Perec avait imaginé l'existence des habitants d'un bâtiment haussmannien dont il aurait retiré la façade à un instant T, Baptiste Amann nous immerge dans la réalité auto-fictionnelle d'une communauté villageoise réunie à l'occasion de quatre événements rythmant les quatre saisons d'une année. Au fil de ces rendez-vous, ce sont les aspirations de chacun qui se confrontent à la réalité - la leur et celle des autres - révélant, au sens argentique d'une pellicule que l'on développe, des aspérités insoupçonnées.

Tout commence à l'automne avec l'exaltation d'un couple de jeunes femmes s'établissant à la campagne. Avec le montant de la vente de l'appartement parisien de l'une d'elles, écrivaine - appartement acquis grâce au roman relatant la maladie psychiatrique du frère qui les accompagne dans leur transhumance rurale -, elles viennent de s'installer dans une usine désaffectée flanquée de ses anciennes écluses toujours en service. Organisée par le jeune maire survient la réunion du conseil consultatif concernant la loi engagement et proximité, l'occasion de faire connaissance avec leur nouvelle communauté.

Yves Kafka
17/10/2022
Spectacle à la Une

"Qui a cru Kenneth Arnold ?" Une histoire à dormir… éveillé

Levant la tête vers le ciel, qui pourrait soutenir encore que le monde s'organise autour de la Terre centrale et immobile… depuis que Copernic et Galilée ont renversé magistralement la hiérarchie du système solaire, rejetant notre planète Terre - actrice décatie et déchue - au rang d'accessoire de l'étoile Soleil ? De même qui, de nos jours, pourrait être assez obtus pour affirmer que d'autres formes d'intelligences ne puissent exister dans l'univers… depuis que le GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés) a été scientifiquement créé pour démêler le vrai des infox entourant ces phénomènes ? Le collectif OS'O, la tête dans les étoiles (cf. "X", sa précédente création), s'empare de ce sujet ultrasensible pour apporter sa contribution… "hautement" artistique.

© Frédéric Desmesure.
Dans l'écrin du Studio de création du TnBA, une table avec, pour arrière-plan, un écran tendu plantent le décor de cette vraie fausse conférence sur les P.A.N. Mobilisant les ressources de la haute technologie - bricolée frénétiquement - un (vrai) acteur (faux) conférencier de haut vol, assisté d'une (vraie) actrice (fausse) scientifique coincée dans ses notes, et accompagné d'un (vrai) acteur complice, (faux) journaliste critique, incrusté dans les rangs du public, le maître ufologue va compiler les témoignages venus d'ici et d'ailleurs.

Sur le ton amusé des confidences, le conférencier introduit la session en livrant son étrange vision d'une nuit d'été où, à l'aube de ses quinze ans, à 23 h 23 précises, il fut témoin d'une apparition fulgurante alors qu'il promenait son chien sur une plage… Et, encore plus étranges, les deux heures qui suivirent et leur absence de souvenirs, comme s'il avait été "ravi à lui-même", enlevé par les passagers des soucoupes orange…

Suivent d'autres témoignages reposant eux sur des archives projetées. Ainsi, dans l'état du New Hampshire, du couple Betty et Barney Hill, témoignant "en gros plan" avoir été enlevé par des extraterrestres dans la nuit du 19 au 20 septembre 1961. Ainsi, au sud du Pérou, des géoglyphes de Nazca, photographies à l'appui montrant un système complexe de lignes géométriques seulement visibles du ciel… et ne pouvant avoir été tracées que par des extraterrestres…

Yves Kafka
09/02/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022