La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Garden-Party", une cantate de la cruauté pour caste obsolète

"Garden-Party", Théâtre Antoine, Paris

Dans un monde qui part en vrille, où les "vraies" valeurs foutent le camp, où les classes sociales majoritaires fricotent avec la révolte… pourquoi ne pas essayer la secrète et discrète aristocratie… ses délicieuses, précieuses et rieuses parties de campagne… agrémentées de succulents buffets, de sanglantes scènes de chasse à courre ou de sautillantes danses médiévales, de ludiques colin-maillards ou d'aériens mariages en façon d'opéra… Une expérience folle et féroce à vivre… en forme de "garden-party"… avant l'apocalypse ?



© Gilles Rammant.
© Gilles Rammant.
Aveugle et sourde aux problèmes de la société, la caste aristocratique se complaît dans une caricature d'elle-même, nageant avec délectation dans sa propre bêtise, se nourrissant de ses tics pseudo vertueux, de son égoïsme chronique ceint d'un repli sur soi et alimenté d'une autarcie dégénérescente. Entre valses, musique baroque et golf, entre safaris au Botswana et prix de l’Arc de Triomphe ou du Jockey-Club, elle s'exonère des réalités sociales actuelles.

De cette aberration sociétale, la Cie N° 8 nous concocte, avec volupté et délectation, avec férocité et bouffonnerie, sur une partition de farce cruelle mais dotée de quelques fulgurances poétiques et visuelles - dans de fugaces tableaux figés -, une mise en abîmes, une caricature de la caricature, jouissive et insolente, qui mêle avec efficacité les arts du cirque, du mime, de la danse, du théâtre et de l'opéra pour un résultat fantaisiste et jubilatoire.

Sur un canevas proche de la comédie italienne, sur lequel viennent se tisser quelques folies à la Monty Python, un carnage - sauvage et sanguinaire - et une gestion "trash" d'un cadavre que n'aurait pas renié Tarantino, le metteur en scène Alexandre Pavlata et les neuf comédiens de la Cie jouent autant de l'extravagance que du clownesque, alliant avec aisance et fluidité bruitages, attitudes burlesques, parodies extrêmes, postures poétiques. "Garden-Party" nous fait véritablement assister à une déambulation de personnages enfermés dans un microcosme quasi tribal, homogamie aux parfums surannés, animaux d'un zoo oublié, quasi secret…

© Gilles Rammant.
© Gilles Rammant.
Troupe de rue créée en 2008, la Compagnie N° 8, coutumière des lieux insolites ou non dédiés à la représentation "théâtrale" (musées, centres commerciaux, restaurants, chenils, parc, rue, etc.), a décidé de s'essayer au plateau d'un théâtre à l'italienne en créant une version frontale de ses spectacles "Garden-Party" (promenade de jour) et Cocktail Party (fixe de nuit), ayant connu le succès lors de nombreux festivals.

Avec cette recréation, mettant en avant encore et toujours les inégalités sociales existantes, nos artistes trublions, habitués aux performances de rue, maîtrisant tous différentes disciplines, interprètent leurs personnages comme le feraient un musicien et son instrument, en duo, trio, quartet, septet ou octet, comme suivant une partition musicale très rythmique, millimétrée, avec une écriture extrêmement travaillée et précise… chorégraphiée, mais où chacun garde une grande liberté de jeu, pouvant s'exprimer d'un soir à l'autre de manière différente.

© Gilles Rammant.
© Gilles Rammant.
Le langage utilisé, antinomie hilarante au silence, est un subtil mélange d'onomatopées, de gromelots et autres borborygmes, servant en complément de l'expression des corps à souligner les émotions.

Déjanté, cocasse, loufoque, absurde… et donc inattendu, bizarrement poétique, cette cantate de la cruauté et du grotesque s'inscrit parfaitement dans la brutalité et l'inhumanité de notre monde actuel… mais elle est dotée de ces capacités particulières propres à nous éblouir, nous réjouir et nous faire rire.

"Garden-Party"

© Gilles Rammant.
© Gilles Rammant.
Un délire aristo-punk.
Création collective.
Mise en scène : Alexandre Pavlata.
Avec : Stéfania Brannetti, Susan Redmond, Hélène Risterucci, Charlotte Saliou, Benjamin Bernard, Gregory Corre, Matthieu Lemeunier, Fabrice Peineau, Frederic Ruiz.
Chorégraphe : Philippe Ménard.
Création lumière : Fabrice Peineau.
Régisseur lumière : Aurélien Lorillon.
Costumes : Stéfania Brannetti et Jeanne Guellaf.
Par la Cie N° 8.
Durée : 1 h 10.

du 6 février au 13 avril 2019.
Du mercredi au samedi à 19 h.
Théâtre Antoine, Paris 10e, 01 42 08 77 71.
>> theatre-antoine.com

Tournée

© Gilles Rammant.
© Gilles Rammant.
30 mai 2019 : Jazz sous les Pommiers, Coutances (50), rue.
31 mai 2019 : La Déferlande de Printemps, Notre-de-Monts (85), rue.
1er juin 2019 : La Déferlande de Printemps, Saint-Jean-de-Monts (85), rue.
2 juin 2019 : Les Fêtes de la Tour Blanche, Issoudun (36), rue.
4 août 2019 : Festival de Lournand, Lournand (71), rue.
6 et 8 septembre 2019 : Fira Tàrrega, Tàrrega (Espagne), rue.
23 novembre 2019 : Ormesson-sur-Marne (94), salle.
13 décembre 2019 : Espace culturel Jacques Duhamel, Vitré (35), salle.
19 décembre 2019 : La Comète, Hésingue (68), salle.
13 mars 2020 : Nérac (47), salle.

Gil Chauveau
Jeudi 14 Mars 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024