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Entendre le théâtre… Un voyage sonore dans le théâtre français au XXe siècle

Le théâtre, au-delà de la scène, du plateau, de l'expression et des mouvements de ses protagonistes, de la représentation imagée, symbolique, imaginée des décors, c'est le texte, les sons, la musique et la voix, les voix… Le théâtre peut donc être écouté… et a été écouté ! Dans l'exercice de son rôle patrimonial, la BnF (associée au CNRS) crée un site et une série de podcasts dédiés à la dimension acoustique de cet art.



Le studio des dramatiques de France V à Alger © Avec l'aimable autorisation d'André Limoges.
Le studio des dramatiques de France V à Alger © Avec l'aimable autorisation d'André Limoges.
Le théâtre est bien évidemment un art évolutif, en perpétuelle mutation. La manière dont on le perçoit a changé quand lui-même bouleverse en permanence ses manières de représentation, ses codes, ses modes internes d'expression. Mais quel était-il au XXe siècle ? Comment l'a-t-on écouté ? Comment l'entendait-on ? Comment y parlait-on ?

La Bibliothèque nationale de France et le CNRS s'associent donc pour explorer, grâce à des archives exceptionnelles et souvent inédites, la diversité des voix et des sons du théâtre, ainsi que leurs évolutions dans la seconde moitié du XXe siècle. De Jean Vilar à Rosy Varte, en passant par Habib Benglia, Antoine Vitez ou encore Maria Casarès, on y découvre ou redécouvre les voix puissantes, profondes et singulières de celles et ceux qui ont marqué les différentes scènes françaises.

Sous l'influence de la radio, du cinéma, ou encore du cabaret, les scènes françaises se sont mises, dans les années cinquante-soixante, à exposer de nouvelles façons, plus accessibles, de dire les textes dramatiques, tandis qu'étaient explorés de nouveaux territoires de l'oralité. Ce sont ces différents aspects, novateurs à l'époque, que permet de découvrir le site "Entendre le théâtre".

"Le printemps des bonnets rouges" de Paol Keineg © BnF, d‚épartement des Estampes et de la photographie.
"Le printemps des bonnets rouges" de Paol Keineg © BnF, d‚épartement des Estampes et de la photographie.
Riche de nombreuses archives souvent peu connues, il est organisé autour de plusieurs parcours couvrant aussi bien les aspects techniques de la représentation, comme les spécificités de l'acoustique théâtrale, que les dimensions historiques, esthétiques ou socio-politiques de la voix en scène, à l'image du dossier consacré à la place des accents, populaires, régionaux ou étrangers.

En complément, pour accompagner cette mise en ligne, une série de sept épisodes diffusés sur la chaîne de podcast de la BnF permet de revivre les grandes étapes de cette histoire, d'Ubu à l'Atelier de Création Radiophonique, et d'entendre les voix d'Antonin Artaud, Gérard Philipe, Madeleine Renaud ou Georges Aminel.

Au programme :
#1 - Gérard Philipe, le prince d’une génération ;
#2 - Paul Claudel et "Le Soulier de satin" ;
#3 - Antonin Artaud et la naissance de la poésie en action ;
#4 - Le théâtre de l’altérité ;
#5 - Le théâtre et la radio ;
#6 - Alfred Jarry et les voix spéciales d'Ubu ;
#7- La conscience d’écoute

Interview croisée

G‚érard Philipe faisant un discours © BnF, département des Arts du spectacle.
G‚érard Philipe faisant un discours © BnF, département des Arts du spectacle.
Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la BnF et Marie-Madeleine Mervant-Roux, directrice de recherche émérite au CNRS (THALIM).

Comment est né le projet de ce site pédagogique ?

Joël Huthwohl - Le projet est la dernière étape et l'aboutissement d'un programme de recherche plus large ANR-ECHO. Il marque la volonté de l'équipe scientifique et de la BnF de partager les résultats de la recherche avec un public élargi. Nous avons travaillé avec le Service des éditions multimédias de la BnF pour construire un site Internet accessible à tous, qui mette en avant la dimension sonore du théâtre et apprenne à écouter autrement.

Marie-Madeleine Mervant-Roux - Étant donné notre désir - encouragé par l'ANR - de partager nos découvertes avec des auditeurs n'appartenant pas pour la plupart aux milieux de la recherche et de l'université (enseignants et élèves du secondaire, apprentis comédiens, amateurs et professionnels du théâtre - et ceci dans toutes les francophonies), le site est apparu comme un canal approprié, permettant en particulier de proposer des extraits d'archives rares, car légitimement protégées.

Comment avez-vous travaillé autour des archives sonores de la BnF ?

J. H. - Le rôle de la BnF est avant tout de conserver et de décrire les collections dans ses catalogues. S'y ajoute, dans le cas des archives sonores, la nécessité de numériser les documents pour les sauvegarder et permettre aux chercheurs d'y avoir accès. Plusieurs d'entre nous ont aussi contribué par leurs propres travaux de recherche à nourrir les colloques et publications sur le sujet.

M.-M. M.-R. - Nous les avons d'abord sorties de leur long sommeil, et fait ainsi ressurgir le son dans la bibliothèque… Quatre assistants à la recherche (doctorants ou post-doctorants) ont écouté une centaine d'enregistrements (pour une cinquantaine de spectacles), ils les ont décrits et fichés, avant leur exploitation par les chercheurs. Les données collectées sont intégrées aux catalogues de la BnF ou mises en ligne. Ce travail méthodique a aussi permis d'esquisser une méthodologie de l'écoute.

"Knock ou le triomphe de la médecine" de Jules Romains. Mise en scène de Louis Jouvet. Lithographie de Bernard Bécan, 1923 © BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra.
"Knock ou le triomphe de la médecine" de Jules Romains. Mise en scène de Louis Jouvet. Lithographie de Bernard Bécan, 1923 © BnF, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra.
Pourquoi avoir choisi le format podcast pour valoriser le projet ?

J. H. - Les podcasts nous ont été proposés par le Service des éditions multimédias de la BnF. Nous avons tout de suite été enthousiastes car ils sont très familiers du public d'aujourd'hui et faciles d'accès. Ils ajoutent en outre une dimension créative au site qui donne à entendre les sons de trois manières : par des podcasts, mais aussi au fil des textes et des images, et enfin par des expériences d'écoute "à l'aveugle", un jeu avec l'écoute elle-même.

M.-M. M.-R. - Après un beau début dans les années cinquante-soixante (en particulier avec la collection de petits microsillons 17 cm du TNP), le théâtre a raté le virage de la diffusion phonographique moderne. Avec les podcasts, on retrouve une forme sonore vivante, légère, et qui sonne juste. Associés au site, ils offrent en outre un troisième mode d'entrée dans les archives et - nous l'espérons - dans le plaisir particulier et savoureux que suscite leur écoute sans vision, qui peut devenir addictive…

Entendre le théâtre >> le site
Écouter le théâtre >> une série de sept podcasts

Gil Chauveau
Mardi 25 Février 2020

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À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023